Les prochaines élections européennes vont refléter un grand tournant pour l’Union Européenne, car l’idée d’unité européenne apparaît comme coincée entre une vision transnationale utopique et un retour offensif des nationalismes.
Dans les années 1990, les Français pensaient dans leur majorité que dans les vingt années suivantes, il y aurait un passeport européen, des États-Unis d’Europe. Cela apparaissait comme la conclusion logique de l’effondrement du bloc de l’Est et de la montée des échanges entre les pays, le tout dans une ambiance utopique de paix, de commerce et de citoyenneté.
Aujourd’hui, plus personne n’y croit et le parlement européen de Bruxelles est compris, à juste titre, comme une sorte d’entité transnationale instaurant des réglementations visant à la fois la sécurité mais aussi surtout la libéralisation, les nouveaux règlements renforçant la compétition économique de par les exigences nouvelles.
Ces règlements ne sont pas forcément appliqués d’ailleurs, selon les situations et les pays. Paris ne se résoudra pas à fermer son métro, alors que normalement il devrait afin de faire des travaux pour le rendre accessible aux handicapés. De la même manière, la sécurité sociale française n’applique pas vraiment les principes européens de la carte de séjour nécessaire au-delà de trois mois pour les citoyens européens, ayant une politique d’immigration très ouverte.
C’est que les intérêts nationaux priment tout de même, malgré tout et c’est cela qui a ruiné le projet européen. Ce projet n’était d’ailleurs pas autre chose au début qu’une tentative de renforcer le capitalisme, dans le prolongement du plan Marshall et avec l’appui des États-Unis.
L’idée d’une unité politique, comme utopie pacifique, est finalement assez récente et n’a jamais correspondu à quoi que ce soit de concret. Ce n’était qu’un discours mis en avant par la démocratie-chrétienne des différents pays, pour justifier le renforcement du libéralisme, qui est pour le coup la véritable utopie de ces gens.
Certains, comme Benoît Hamon, EELV ou le PCF, pensent à Gauche qu’il est nécessaire de reprendre cette utopie d’unité et d’en faire l’étendard des valeurs à exiger : le refus du nationalisme, l’ouverture aux autres, la coopération internationale, l’opposition au militarisme.
Cela est évidemment très sympathique comme idée, le souci est que les gens qui la soutiennent ne sont rien d’autre que sympathiques. Ils sont de milieux sociaux urbains et cultivés, ouverts sur le monde mais en même temps totalement déconnectés du monde « d’en bas ». L’idée même de crise économique ou sociale les dépasse et ils n’envisagent même pas que la classe ouvrière ait une histoire, une identité.
D’autres pensent qu’il faut faire de la rupture ou d’un certain type de rupture avec l’Union Européenne le point de départ de toute initiative politique et sociale. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon et La France Insoumise, et des différentes organisations politiques issues de la gauche du PCF. A l’arrière-plan, il y a l’idée que seule la « République » peut permettre des conquêtes sociales, dans l’idée de Jean Jaurès. Naturellement, il n’est pas possible de nier certaines tendances « patriotiques », « souverainistes », nationalistes.
C’est un véritable conflit qui existe à Gauche, et dans le contexte d’une Union Européenne puissamment ébranlée par les montées du repli nationaliste, dans la perspective de la défense militariste des égoïsmes nationaux… c’est évidemment explosif.
Par conséquent, s’imaginer avec un tel arrière-plan qu’on peut être de Gauche et éviter la participation aux débats, le soutien à une nouvelle structuration de type politique, n’est tout simplement pas possible.
Le travail de fond sur des expériences positives, pouvant servir de moteurs ou de modèles, est la tâche contributive la plus importante ; dans tous les cas elle doit s’allier à une perspective visant un état d’esprit unitaire.