Emmanuel Macron a signé hier avec Angela Merkel, la chancelière allemande, un nouvel accord franco-allemand. Contrairement à ce qui avait annoncé, il n’y a rien de bien nouveau et certainement pas le moteur franco-allemand assumé et organisé au plus haut niveau. C’est une preuve de plus de la décomposition des accords internationaux et du retour général à l’égoïsme national, positionnement considéré comme nécessaire dans le repartage du monde tant attendu.
Le Monde est fou de rage contre Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan ; l’éditorial du quotidien est assassin avec eux. Ils sont accusés de propagation de fausses nouvelles et de « polémique fallacieuse », pour avoir affirmé que, grosso modo comme le quotidien le résume, le nouveau traité franco-allemand aboutissait « à vendre l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne, à partager avec cette dernière le siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l’ONU, voire notre puissance nucléaire ».
Il ne faut pas prendre davantage au sérieux Le Monde que Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan : ici, tout le monde joue sa petite mélodie conforme à son approche, libérale-européenne ici, souverainiste-nationaliste là. C’est que la signature d’un nouveau traité franco-allemand ne pouvait pas laisser indifférent, même si à vrai dire l’État allemand s’en moque un peu. Emmanuel Macron est d’ailleurs dépité, car lui espérait vraiment un accord de tandem franco-allemand.
Seulement l’Allemagne n’a pas ce sens de l’urgence de la France, grande puissance en perte de vitesse. Son économie est puissante et tourne très bien, en profitant largement de l’Europe de l’Est ; elle n’a pas les besoins d’une France à vocation impériale mais, comme toujours, sans vrai moyen pour ses fins. Ici d’ailleurs tout le monde en politique est d’accord sur le fait que la France doit rester une grande puissance, avec une armée d’envergure, une influence mondiale. Les désaccords portent sur comment y parvenir. Seule ? Avec l’Allemagne ? Avec l’Union Européenne ? Avec la Russie ?
Cela veut dire qu’il n’y a pas de Gauche, car s’il y avait une Gauche il y aurait une dénonciation de l’expansionnisme, de la tendance à la guerre, une vraie critique de l’armée, des manipulations à haut niveau surtout en Afrique, etc. Au lieu de cela, on a des discours hyper-patriotiques dans une gauche devenue social-patriote, dans une apparence allant tellement loin d’ailleurs qu’elle aurait été intolérable à tous les gens de Gauche en 1980, ou même avant. Le recul est terrible.
Ainsi, les gens de Gauche sont coincés entre les pro-Europe voyant dans le libéralisme culturel le vecteur du progrès individuel, et les anti-Europe dont le chauvinisme ne se masque pratiquement pas, quand il n’est pas ouvertement agressif. Et cela en France, dans le pays malade de l’Europe, avec les gilets jaunes comme symptôme d’un très profond malaise et d’une impression de perte de prestige. On voit mal comment cela ne peut pas mal tourner, avec un mouvement patriotique social soulevant la population pour faire « revenir la France ».
Le spectre d’un Donald Trump français hante la France. On sait déjà que sa couleur préférée est le jaune.
Beaucoup espèrent que l’Europe, comme principe, est un moyen d’empêcher cela ; c’est le cas par exemple de Benoît Hamon ou d’EELV, ou même du PS. Même si on part du principe qu’ils ont raison, les accords signés par le président français et la chancelière allemande hier à Aix-la-Chapelle hier douchent leurs espoirs. Pour que l’Union Européenne avance, surtout avec le Brexit britannique, il faut une volonté forte d’unité. Un simple texte de « de coopération et d’intégration » signé par la France et l’Allemagne ne va pas en ce sens.
Le traité veut harmoniser le droit des affaires des deux pays et former une « culture commune » entre les deux armées ? Cela fait des années qu’on en parle et que rien n’avance. Et rien ne peut avancer : les égoïsmes capitalistes sont trop forts, aucun effort culturel n’est fait à aucun niveau. Un simple sondage montrerait aisément que la très grande majorité des Français serait incapable de citer un écrivain allemand, et encore heureusement y a-t-il Bach et Beethoven.
Le nouveau traité franco-allemand n’est que le prolongement de l’accord signé il y a 56 ans, dont il dit finalement la même chose. Sauf que la situation est totalement différente d’il y a 56 ans. Et on voit que seuls les égoïsmes nationaux sont à la hauteur.