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Ce que montre le chaos du Brexit sur le capitalisme

Loin d’être quelque chose d’organisé, le capitalisme est profondément chaotique. Les crises sanitaires, sociales, économiques, etc. sont le pendant inévitable d’un système fondé sur une compétition acharnée. L’expansion du capitalisme se ralentissant, ces crises vont s’exprimer de manière plus abrupte, mais les gens seront-ils en mesure de les interpréter correctement ?

« Vote Leave », Londres, 7 juin 2016

En Grande-Bretagne, les personnes avec des maladies chroniques ont été très inquiètes du fait que certains médicaments risquent de ne plus être disponibles. C’est en effet possible, mais aucune administration n’est capable d’évaluer cela, pas plus que les entreprises. Cette absence de maîtrise d’une chose aussi importante est très grave. Elle montre cependant une chose très importante : le capitalisme ne contrôle rien du tout.

Cela pose un double problème. D’abord, il y a le fait que les gens ont pris l’habitude de pouvoir consommer comme ils l’entendent, dans le cadre d’une société de consommation où une forme d’abondance est la règle. Si jamais il y a des manques, des choses devenant inaccessibles, les gens vont très mal le prendre. Ils ne vont pas se dire que le capitalisme est dépassé, ils vont simplement se dire qu’il y a du sabotage, des gens empêchant le capitalisme d’être lui-même. Les gilets jaunes ne disent pas autre chose, même si chez eux ce n’est pas le chaos du marché, mais l’affaiblissement du pouvoir d’achat qui joue.

Ensuite, il faut voir que cela implique des crises sévères, dont la nature ne peut pas être déterminée à l’avance. Il y a l’exemple de la crise des lasagnes produites illégalement avec de la viande de cheval, celle de la crise des pestes aviaire, porcine… celle des déchets plastiques dans l’océan, des déchets dans l’espace… Il y a le réchauffement climatique, les couches pour bébés contenant des produits dangereux… Le capitalisme s’occupant de tous les aspects de la vie, tous les aspects de la vie sont menacés.

Certains en ont conscience et disent, à l’instar du PCF ou de Benoît Hamon, qu’il faut renforcer l’État, les institutions européennes, les institutions internationales. Cela présuppose deux choses : tout d’abord que ces forces aient la capacité de rectifier le capitalisme, ensuite qu’elles aient le moyen de comprendre ce qui se passe pour organiser de telles rectifications. Or, bien malin celui qui est capable d’entrevoir un semblant de logique dans le chaos général qui se profile de plus en plus. Rien que l’incapacité à faire face au Brexit montre qu’une telle chose n’est pas possible. Si les meilleurs cadres d’un État moderne comme le Royaume-Uni ne parviennent pas à gérer une chose si importante, qui peut prétendre le faire à l’échelle mondiale ?

Et, de toutes façons, le capitalisme met toujours devant le fait accompli. Prenons l’exemple du chantier de l’EPR de Flamanville. Il fait partie de quelque chose de très surveillé, puisque le domaine du nucléaire exige beaucoup de sécurité. L’administration est donc aux aguets, surtout que le nucléaire fait partie des exportations « à la française ». Or, que voit-on ? Que le chantier, qui a débuté en 2007, va être prêt en 2020, ce qui l’amène à avoir… dix ans de retard. Une centrale nucléaire avec dix ans de retard, alors que les ingénieurs, les techniciens, l’État, etc., y accordent une attention extrême, sont censés tout planifier à la virgule près ? C’est dire le problème.

Dans tous les cas, de toute façon, la vérification, la surveillance, la supervision… demandent des moyens, et il n’y en a pas. Les États tout comme les grandes institutions sont en faillite. Dans de nombreux milieux d’ultra-gauche on fantasme sur un État de surveillance totale : non seulement ce n’est pas encore réalisable techniquement, mais surtout cela coûterait trop cher, alors que les États ont déjà des dettes gigantesques. Il faudrait un doublement, un triplement de l’activité économique et ce pendant des années pour que les États renflouent leurs caisses, et encore.

Il n’y a donc pas 36 solutions. Soit on rationalise à la hache ce qui relève du chaos, soit on se fait déborder par lui, en espérant que cela passe sans trop de casse. Il faut ici noter cette chose terrifiante quand on y pense : la société britannique attend de manière totalement passive de voir ce que va donner le Brexit. Elle ne manifeste nullement son mécontentement, son inquiétude ; elle attend sans rien faire, ne dépassant pas les murmures. C’est quelque chose de très grave, témoignant d’un déficit démocratique total.

Cela doit inquiéter, car quand on est de Gauche, on est démocratique, et donc on veut que la rationalisation soit faite par le peuple. Mais s’il n’y a pas de peuple à la hauteur pour prendre les choses en main ? Eh bien en ce cas, on a le grand risque que l’on connaît par le passé : la rationalisation se fait par une minorité démagogique s’appuyant sur le nationalisme pour rationaliser dans le sens du protectionnisme et de la guerre. Cela s’appelle le fascisme, qui au moyen du « corporatisme », du « socialisme » national… remet le capitalisme « en ordre », au moyen de « plans » qui ne sont que l’établissement d’une industrie au service de la guerre.

Il est d’autant plus dommage qu’à Gauche, beaucoup de gens aient abandonné la conception selon laquelle le capitalisme, c’est le chaos. Ils pensent surtout que le capitalisme est quelque chose d’organisé, mais dans un sens mauvais. Tout serait une question d’organisation « différente ». Ce n’est pas le cas du tout ; cela ne peut pas être le cas dans une forme sociale fondée sur la compétition, la concurrence. Et cela aboutit à l’illusion comme quoi le capitalisme obéirait aux lois, voire disposerait d’une certaine morale, de certains principes, ce qui est très grave, comme totalement illusoire.

Le capitalisme est chaos et si cela ne se voit pas lors de son expansion, car les déséquilibres ne durent pas longtemps, cela va être de plus en plus flagrant. Ne pas assumer son dépassement, ce serait laisser le champ libre au fascisme comme « réorganisation », « rétablissement », « rationalisation » en apparence du capitalisme, pour en faire une machine de guerre.