L’antisémitisme, cette infamie, est profondément enraciné dans la société française. Après les gilets jaunes, il connaîtra une inévitable progression, tant quantitative que qualitative. Et autant par la droite que par une « gauche » coupée de la Gauche historique.
L’antisémitisme ne s’est pas exprimé, à part de manière extrêmement marginale, lors des gilets jaunes. C’est logique : l’antisémitisme sert historiquement de paratonnerre, de fiction anticapitaliste. Quand la crise l’emporte malgré tout, cette fiction perd son sens. La dimension sociale réelle l’emporte. Mais comme rien ne sortira des gilets jaunes, l’antisémitisme reprendra forcément sa fonction. Et avec la crise sociale approfondie, il réapparaîtra de manière bien plus renforcée.
Il y a ici quelque chose de fondamentalement mécanique. L’antisémitisme est consubstantiel aux pays marqués par une idéologie religieuse chrétienne où le moyen âge a fait de certains Juifs des banquiers, le prêt à intérêt étant interdit entre coreligionnaires. L’antisémitisme médiéval s’est maintenu par la suite, notamment dans tout le milieu monarchiste, avec son anticapitalisme romantique idéalisant le moyen âge. Et il s’est modernisé, devenant le leitmotiv de tous les communautarismes, religieux comme nationaliste ou « anticapitaliste ».
La situation en France va donc être mauvaise, elle aurait pu pourtant être bonne si la loi Gayssot avait été appliquée. Mais l’État a laissé faire tous les foyers d’antisémitisme, avec leur propagande, leurs innombrables publications, leurs activités culturelles et politiques. Que Dieudonné ne soit pas en prison est une absurdité historique, et il en va de même pour Alain Soral. Cela montre bien que l’État est dans les mains de gens non pas incapables, mais totalement vendus aux couches dominantes, qui se désintéressent de tout ce qui n’est pas eux.
Ce qui est malheureux, avec cet antisémitisme, c’est que les Juifs réagissent, là aussi c’est mécanique, en se repliant sur eux-mêmes. Le sionisme ne prend pas : au-delà d’une sympathie certaine pour Israël, il n’y a aucune vague de départ réelle et les Juifs se sentent dans notre pays français avant tout. Même ceux qui partent sont considérés par les Israéliens irrémédiablement français dans leur style, leur culture, leur attitude.
Cependant, il y a un repli communautaire avec la religion servant de romantisme. Les prénoms donnés ne sont souvent plus des prénoms juifs, même pas des prénoms israéliens ; ce sont des prénoms bibliques jamais employés jusqu’à présent. Cela alors qu’auparavant, c’était des prénoms français qui étaient choisis de manière quasi systématique !
Ce repli, regrettable, critiquable, est évidemment secondaire et sans importance par rapport à l’antisémitisme, ce véritable danger, cette barbarie arrachant aux esprits tout ce qu’il peut y avoir de dignité, de rationalité, d’humanité. Et ce qui est terrifiant, c’est vraiment le terme, c’est que l’antisémitisme profite de larges appuis dans une « gauche » qui n’est plus la Gauche historique. Les populistes et les « ultras », ayant rejeté les principes et traditions de la Gauche, vivent en cercle fermé intellectuellement parlant, dans un romantisme forcené, avec un antisémitisme rampant à l’arrière-plan.
Il y a ici une convergence avec l’utilisation d’un argumentaire « social » dans le camp nationaliste. Comme dans les années 1920 en Italie et dans les années 1930 en Allemagne, on a le refus de la Gauche historique, au profit d’une sorte de spontanéisme populiste, sans principes autre que le succès pragmatique, avec des raisonnements à court terme.
La clef de tout cela, c’est bien entendu la destruction de la culture, qui se généralise. La destruction de la culture musicale, de la culture historique, de la culture littéraire, de la culture cinématographique, de la culture des idées. L’antisémitisme apparaît ici comme une anti-culture, comme une idéologie ayant l’apparence d’une culture, comme un véritable prêt à porter intellectuel. C’est là où réside son terrible danger.
On n’en pas a fini avec cet horrible défi que représente l’antisémitisme, tant sur le plan de son ancrage que de sa diffusion. On peut même dire qu’on ne fait que commencer avec ce problème, tellement rien n’a été fait de manière solide, durable, malgré l’épisode positivement marquant de « Je suis Charlie », qui a fragilisé et freiné la vague antisémite d’alors.
Il appartient à la Gauche de ne pas se contenter de postures ou de positions, mais bien de mener un travail de fond pour analyser et extirper les racines de l’antisémitisme. Les morts de la destruction des Juifs d’Europe nous avertissent du danger !