L’affaire Alain Finkielkraut a tourné à la polémique nationale, car personne n’est dupe : malgré tous les discours plus ou moins en faveur des gilets jaunes, il est évident que les invectives agressives contre Alain Finkielkraut relèvent d’une démarche fondamentalement d’extrême-droite. Tout le monde a très peur que la France tourne violemment très mal.
L’agressivité contre Alain Finkielkraut en marge d’un cortège des gilets jaunes n’est pas une anecdote. Qui n’a pas perdu entièrement le sens de ce qu’est la civilisation a très bien compris que c’était l’expression du Fascisme, de l’agressivité antisémite à prétention anticapitaliste. Ou, pour dire les choses plus clairement, que c’était un truc de nazi.
Benoît Hamon a parfaitement résumé le point de vue des gens de Gauche au sujet de toute cette affaire :
Je combats les idées réactionnaires et radicales d’Alain #Finkielkraut. Mais je condamne sans aucune réserve ceux qui l’ont conspué, insulté et traité d’un « sale sioniste » qui voulait dire « sale juif ». Et laissez la Palestine en dehors de cette violence antisémite gratuite.
— Benoît Hamon (@benoithamon) February 16, 2019
C’est là la voix de la raison, de la Gauche qui ne sombre pas dans le populisme et qui sait bien reconnaître la nature des choses, au-delà des apparences. Franchement, de toutes manières, en quoi Alain Finkielkraut est-il d’ailleurs une référence pour quelqu’un dont l’agenda intellectuel n’est pas décidé par les plateaux de télévisions ou Le Figaro ? Depuis quand un intellectuel, convergeant ouvertement avec la Droite, représente-t-il quelque chose de si central, de si important ?
Benoît Hamon a donc entièrement raison de dire qu’il combat les idées réactionnaires et radicales d’Alain Finkielkraut, et pas ce dernier sur le plan personnel, car ce n’est pas du tout cela qui compte. La personnalisation est ici un terrible piège populiste, ou médiatique. Et il a raison de dire clairement que tout cela relève de l’antisémitisme. Il est inévitable donc d’opposer à ce court passage sur Twitter, plein de vérités, celui de Jean-Luc Mélenchon, qu’on pourrait remplacer par un simple « bla bla bla bla ».
Conscient de l'instrumentalisation de l'antisémitisme, je crois aussi qu'il ne faut jamais laisser passer le racisme.
Autour de #Finkielkraut, il y avait aussi des #GiletsJaunes qui voulaient le défendre et s'opposer à l'attaque. Je suis avec eux.— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) February 17, 2019
L’opinion de Jean-Luc Mélenchon est évidemment également celle de l’ultra-gauche, qui organise mardi un contre-remplacement à la manifestation lancée par la Gauche contre l’antisémitisme. Au nom de la lutte contre l’instrumentalisation de l’antisémitisme – qui existe mais est totalement secondaire – l’ultra-gauche vise la même chose que Jean-Luc Mélenchon : la relativisation de l’antisémitisme, sa mise sur le même plan que le racisme « en général ».
Sauf qu’il n’y a pas de racisme en général. Et que l’antisémitisme est un racisme extrêmement particulier de par sa tradition, son ampleur, son rôle moteur comme « anticapitalisme romantique ». Il n’est pas étonnant que l’ultra-gauche et les populistes, qui rejettent la Gauche et ses traditions, qui relèvent donc directement de l’anticapitalisme romantique, ne puissent donc pas dénoncer l’antisémitisme, ni même le voir.
C’est là inévitable de par une vision du monde simpliste, de type anarchiste, populiste, sans fondement historique, culturel, économique, et surtout en-dehors de toutes les traditions de la Gauche.
Au-delà de l’insulte « sale juif » lancé par un manifestant, les propos exprimés par d’autres témoignent de cette logique incohérente, de cet illogisme puissamment cohérent dans l’absence de raison, de connaissance culturelle, historique… Les propos suivants sont tellement idiots qu’ils portent en eux tout le danger de l’aberration se prétendant une proposition politique pour le pays.
« Barre-toi, sale sioniste de merde. Sale merde. Nique ta mère. Palestine. Homophobe de merde. T’es un raciste, casse-toi! Dégage fasciste. La France, elle est à nous. Sale enculé. Espèce de raciste. Espèce de haineux. T’es un haineux et tu vas mourir. Tu vas aller en enfer. Dieu, il va te punir. Le peuple va te punir. Nous sommes le peuple. Grosse merde. Tu te reconnaîtras. Espèce de sioniste. Grosse merde. Il est venu exprès pour nous provoquer. Taisez-vous! »
« Facho! Palestine! Rentre chez toi… Rentre chez toi en Israël. Rentre chez toi en Israël. Antisémite. La France est à nous. Rentre à Tel-Aviv. T’es un haineux. Tu vas mourir. Nous sommes le peuple français. Rentre chez toi. Ici c’est la rue! »
La prétention à affirmer la « justice » de la part de l’anticapitalisme romantique est traditionnelle dans le Fascisme et on en a ici tous les traits. On a tous les ingrédients de l’éclectisme combiné aux faiblesses intellectuelles, avec systématiquement la négation de la lutte des classes, de l’existence même de ces classes, avec toujours un « peuple » opposé à une sorte de minorité aux contours indéfinis, extensibles à l’infini, selon les paranoïas, les préjugés, la stupidité.
Il était un article sur agauche.org publié bien avant l’affaire, annonçant que l’antisémitisme allait puissamment se relancer. Les faits lui donnent raison.
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