Le quinzième week-end de mobilisation des gilets jaunes à réuni un peu de moins de 50 000 personne dans toute la France selon les chiffres du Ministère. Dans une impression de déjà-vu, avec un mouvement qui tourne entièrement autour de lui-même.
S’il y a une chose marquante avec l’acte XV des gilets jaunes, c’est le néant. Il n’y a rien. Il y a bien eu environ 50 000 personnes qui se sont mobilisées, un peu partout dans le pays, depuis des ronds-points jusqu’à des rassemblements ou des pique-niques, mais cela ne porte pas. Il n’y a pas de densité, aucune envergure. C’est le vide. Les gilets jaunes sont passés dans le rituel, la forme symbolique répétée tel un mantra magique.
Il est flagrant à toujours plus de monde que le mouvement des gilets jaunes ne représente pas une force sociale en tant que telle, qui aurait des objectifs, des intérêts précis ou particuliers. Il n’y a de manière toujours plus lisible qu’un magma informe de gens pas contents, dont la seule expression est de reprocher quelque chose à Macron, sans que l’on sache d’ailleurs finalement vraiment quoi.
C’est le prix à payer : quinze week-ends de suite d’agitation pour en arriver à l’absence de la moindre formulation politique, ce n’est pas sans effet sur un mouvement. Reste l’esbroufe et les coups médiatiques, comme avec Eric Drouet, que Mélenchon glorifiait comme une figure historique en début d’année, qui n’a eu rien d’autre de mieux à faire ce samedi que venir les mains dans les poches au salon de l’agriculture, en espérant parler à Macron.
Cela a donné une pathétique mise en scène de sa part, où il explique aux journalistes que le dialogue est rompu, alors qu’il sait très bien qu’il y a un protocole et que le Président a tout un tas d’autre choses prévues, dans ce rituel, théâtralisé lui-aussi, du défilé présidentiel au milieu des agriculteurs. Cela est d’autant plus ridicule qu’Eric Drouet avait lui-même refusé au dernier moment une rencontre avec le Premier ministre, pour ne pas avoir à assumer la moindre responsabilité.
Cela fait par ailleurs plusieurs semaines que de prétendues coordinations de gilets jaunes sont annoncées, mais cela n’aboutit jamais, car personne n’est d’accord sur rien, ni n’a vraiment quelque chose de concret à dire, proposer, ou exiger. On a même vu dimanche dernier Ingrid Levavasseur, l’une des principales figures, se faire conspuer et exfiltrer d’un rassemblement de gilets jaunes à Paris. C’est là quelque chose de hautement symbolique, témoignant de l’incapacité à une expression rationnelle, tendant à une expression politique.
D’où les inévitables casses ici et là dans quelques centre-villes, notamment à Clermont-Ferrand ou à Rennes, relevant d’un mélange de folklore et de nihilisme.
On est ainsi passé des gilets jaunes comme forme anti-politique à une forme pratiquement apolitique, et il n’est guère difficile de comprendre que cela ne peut que céder la place à une expression populiste, nationaliste, d’extrême-droite assumée. L’utilisation massive du drapeau français et de la rhétorique patriote pour justifier des mesures sociales a formé une véritable matrice diffusant massivement une approche proto-fasciste ou fasciste. Le prix à payer va être énorme, de par les dégâts causés par les gilets jaunes dans la conscience populaire.