Une consultation internet lancée par l’Assemblée nationale donne une majorité de personnes favorables au maintien de l’heure d’été toute l’année. Cela reviendrait à garder en permanence un décalage d’environ deux heures par rapport à l’heure solaire, sans qu’il y ait eu de véritable débat mené à ce sujet.
L’heure n’est qu’une mesure, déterminé administrativement par les humains pour s’organiser socialement. Cette mesure n’est toutefois pas arbitraire, elle reflète la réalité naturelle de l’alternance entre le jour et la nuit.
Ainsi, la mesure de l’heure est initialement liée à la position du soleil dans le ciel, avec le midi, la mi-journée, correspondant à son zénith. Jusqu’en 1891, l’heure dans chaque département était établie en fonction d’un cadran solaire en Préfecture. Il y a en effet environ 50 minutes de décalage naturel entre Brest et Strasbourg. Pour des raisons économiques, il a bien fallu cependant unifier l’heure sur le territoire national.
Si l’on considère l’heure naturelle, c’est-à-dire l’heure solaire, et que l’on fait une moyenne par rapport au territoire français et aux normes internationales, c’est l’heure UTC 0, celle du premier fuseau horaire, qui correspond le plus à la France. Tel n’est pas le choix qui est fait puisque le pays utilise l’heure UTC +1 en hiver et l’heure UTC + 2 en été.
Le changement d’heure au printemps et en automne est au centre des débats depuis une recommandation de la Commission européenne prônant sa fin. La consultation menée sur internet par l’Assemblée nationale, avec 2 103 999 réponses, donne une large majorité (80%) en ce sens.
Cela est nullement étonnant car le changement d’heure est dénigré chaque année, particulièrement pour le passage à l’heure d’été où il faut dormir 1 heure de moins chaque matin, sans qu’on puisse convenir de l’existence de réels bénéfices par ailleurs.
Le problème par contre est qu’il n’y a pas de réel débat démocratique mené sur la question, avec la possibilité pour la population de se forger un véritable avis. Vouloir cesser le changement d’heure bis-annuel est une chose, et l’on peut considérer que celle-ci est admise, mais encore faut-il savoir quelle heure maintenir.
Cela pose un grand problème à l’Union Européenne qui n’est pas capable d’organiser quelque-chose d’aussi concret pour la vie quotidienne dans, et entre, les pays. Ainsi a-t-il été considéré que chaque pays devait choisir son fuseau horaire d’ici avril, pour une fin du changement d’heure en 2021.
La consultation lancée par l’Assemblé national pose ici un véritable problème démocratique, car elle est comme tombée du ciel, sans qu’ait pu être mené un véritable débat, selon des considérations scientifiques précises sur les plans sanitaires, écologiques et économiques.
De nombreuses personnes, a priori 2 millions si on suppose qu’il y a surtout des vrais votes individuels, ont été « choisir » entre l’heure d’été, l’heure d’hiver, l’heure UTC 0 ou le maintien de l’alternance. C’est l’heure d’été qui en sort gagnante, avec un score favorable à 59 % à l’heure UTC + 2 toute l’année.
Il n’y a aucun grand argument connu en ce sens, et on se demande bien ce qui a pu motiver un tel choix à part la considération qu’il serait dommage de ne plus profiter de journées à rallonge pour prendre l’apéro en été. Une telle motivation ne serait nullement étonnante tant on a l’impression qu’en France, il n’y a pas vraiment d’autre aspiration générale que celle de la tranquillité du camping estival.
L’enjeu est pourtant très important, et chaque personne raisonnable ne peut accepter de faire un tel choix sans une réflexion collective de fond. Ce dont il est question ici, c’est d’un rapport naturel, de notre rapport au Soleil, qui conditionne la vie de la Terre depuis 4,5 milliards d’années.
Il paraît complément dingue qu’un pays censé être moderne et démocratique comme la France soit incapable de mener une telle réflexion avant de faire un choix aussi important en avril.
Le cœur de la question est cependant bien plus complexe qu’un simple choix de fuseau horaire. Il se pose ici la question du rapport à la nature en général, ce qui a de nombreuses implications.
Le problème des horaires et des rythmes qui leurs sont liés sont ainsi largement déterminés par la question des villes et des campagnes. La ville, qui en quelque sorte est synonyme de lumière, de jour «permanent », est en contradiction avec la campagne, où la nuit rend en principe compliqué tout activité. L’humanité devrait en quelque sorte trouver une voix naturelle adéquate synthétisant ces deux aspects.
Ajoutons également que ce serait une grande erreur d’imaginer débattre sur la question du fuseau horaire sans discuter de la question des rythmes de vie eux-mêmes, de leurs calages ou décalages avec le soleil, avec l’heure naturelle.
Ne faudrait-il pas, plutôt que de changer d’heure, ou de choisir une heure très décalée par rapport au soleil, adapter les rythmes de vie à chaque saison ? Les enfants, par exemple, n’ont-t-ils pas besoin de dormir un peu plus l’hiver où les nuits sont longues, qu’en été ? Et en été justement, ne faut-il pas adapter les activités en les décalant le matin, parce qu’on se couche forcément un peu plus tard qu’en hiver ?
Voilà un véritable sujet de réflexion, que seule une société authentiquement démocratique et populaire saurait capable de mener.