Ancienne figure de La France Insoumise, Djordje Kuzmanovic lance un nouveau mouvement, que l’on doit qualifier de nationaliste : République souveraine. La polarisation Droite / Gauche serait dépassée, il s’agirait de défendre désormais la nation française pour qu’elle retrouve sa « puissance ».
Djordje Kuzmanovic avait fait parler de lui récemment, notamment au sujet de la question de la migration. Cela lui avait valu les foudres de nombreux responsables de La France Insoumise et il avait finalement démissionné de son poste d’orateur national de ce mouvement. Il justifiait alors sa position en faisant référence à l’Allemande Sahra Wagenknecht et au mouvement ouvrier historique.
En cela, il avait indubitablement raison ; jamais le mouvement ouvrier n’a fait des migrations un phénomène positif, tout en soulignant évidemment à côté les droits des travailleurs immigrés. Sahra Wagenknecht n’a fait que rappeler des fondamentaux, et son discours est ouvertement anti-militariste, anti-guerre, anti-nationaliste, opposant les riches et les pauvres.
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Impossible par contre de faire confiance à Djordje Kuzmanovic, qui n’utilisait cet argument de la Gauche historique que par démagogie. Et, finalement, cet ancien militaire, fier d’aller à la séance religieuse du dimanche de l’ultra-réactionnaire Église orthodoxe russe, lance aujourd’hui son propre mouvement, République souveraine.
La rhétorique est classiquement d’extrême-droite. Dans le cadre d’une « situation de crise profonde : sociale, économique, politique, morale et existentielle », il faut que toutes les forces s’unissent comme cela avait été le cas pour le Conseil National de la Résistance.
La France serait-elle occupée ou sous tutelle, comme à l’époque par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste ? Selon lui, oui, par la Commission européenne et les traités de libre-échange. D’où l’appel « à une union sacrée, à un sursaut patriotique pour mener la reconquête de notre souveraineté perdue ».
Est-ce là du souverainisme, comme le propose par exemple Dupont-Aignan ? En fait, non. Car Dupont-Aignan est sincère dans sa démarche et, s’il est de Droite, il cherche d’une manière ou d’une autre à combiner des forces. Concrètement n’importe qui peut apporter son grain de sel.
À l’époque du Conseil National de la Résistance, il n’y avait pas l’effacement de la Droite et de la Gauche, mais leur combinaison temporaire face à un ennemi commun. Dupont-Aignan relève de cette même démarche, toutes choses étant égales par ailleurs.
Les souverainistes veulent ainsi l’unité de la Droite et de la Gauche en posant le cadre national comme prioritaire ; les nationalistes par contre, disent qu’il faut le dépassement de la Droite et de la Gauche. C’est donc tout à fait différent.
Voici ce que dit Djordje Kuzmanovic :
« Face à l’unification du bloc élitaire, incarné par l’actuel pouvoir, il faut dépasser les vieilles identités partisanes. Ce bloc est minoritaire, mais il peut continuer son œuvre de déprédation si les forces d’opposition restent prisonnières des stéréotypes de gauche et de droite qui les empêchent de s’entendre sur un socle commun.
Nous proposons à tous les républicains qui veulent lutter contre le bloc ultralibéral, européiste et atlantiste de se fédérer au sein d’un mouvement politique ouvert et structuré de façon à concilier efficacité de l’action et démocratie du fonctionnement (RIC interne) pour ensemble bâtir de nouveaux « jours heureux ». »
C’est là ni plus ni moins que du nationalisme. Il faudrait protéger la nation d’une agression extérieure insidieuse, réactiver la communauté nationale unifiée, au-delà des divergences politiques. C’est tout à fait dans l’air du temps : tout un pan des gilets jaunes dit la même chose. C’est bien pour cela qu’ils sont d’extrême-droite.
Djordje Kuzmanovic a-t-il pour autant changé de camp ? Sans doute pas, car il n’a jamais été de Gauche. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait partie de La France Insoumise, qui a toujours eu des positions très strictes en ce qui concerne les ambitions militaires françaises et l’utilisation systématique de la rhétorique patriotique.
Il suffit de remarquer ici avec quel lyrisme Jean-Luc Mélenchon s’est adressé hier « aux militaires eux-mêmes », leur demandant de ne pas tirer « quand bien même ils en recevraient l’ordre », expliquant qu’il avait « compris que leur avis n’a pas été sollicité », prenant même le parti du chef d’état major des armées, dont « il n’est même pas certain [qu’il] ait été informé ».
D’où l’importance pour la Gauche de réactiver ses fondamentaux à ce sujet. Il y a un terrible recul dans la conscience de Gauche à ce propos. Car quoiqu’on pense du rôle au gouvernement du PCF et du PS, on est obligé d’admettre qu’ils ont aidé au renforcement et à la modernisation du militarisme, qu’ils n’ont jamais remis en cause ces institutions totalement réactionnaires que sont l’Armée, son administration, sa direction. On en paie le prix aujourd’hui.