Catégories
Réflexions

« Les gens sont des cons »

On est tous d’accord : les gens sont des cons. Le seul souci, c’est que c’est nous, les gens.

Diogenes, Jean-Léon Gérôme, 1860

C’est inévitable et à un moment on n’en peut plus. Ce n’est vraiment plus possible, ça va toujours plus loin. Alors cela apparaît comme une évidence, et de toute façon on le savait : les gens sont des cons. Parce que pour se comporter de telle manière, pour ne même pas s’en apercevoir, ou pire pour le savoir et s’en moquer, il n’y a pas d’autres explications.

Le grand problème, dont on a conscience évidemment, est que tout le monde a pu effectuer un tel raisonnement. On est obligé, tout un chacun, de se dire cela. En fait, la société nous amène insidieusement à cette constatation, parce que les choses sont ce qu’elles sont et que rien ne fonctionne comme il le devrait. On se marche dessus, on se concurrence, on se confronte, alors que rien de tout cela n’est nécessaire.

« assumer un vrai esprit de rupture »

On a alors le choix entre devenir de droite ou de gauche. Si on pense comme Hobbes que « l’homme est un loup pour l’homme », alors on devient de droite et on pense : l’homme est mauvais, la religion a raison, on n’y peut rien, il n’y a pas grand-chose à sauver et seul un bon conservatisme bien policé peut maintenir tout cela dans un certain cadre. Ou bien on pense avec Rousseau que la société a corrompu l’humanité et qu’il faut une réorganisation de fond en comble.

C’est le bon choix. Mais comment fait-on pour vivre en attendant ? Parce que c’est un vrai problème. Bien sûr on peut faire semblant et vivre comme un beauf, et même un beauf « de gauche ». C’est quelque chose de courant. Les récentes affreuses histoires touchant les jeunesses du PCF ou du PS en disent long sur le style de vie décadent adopté par de nombreuses personnes incapables d’assumer un vrai esprit de rupture afin de chercher à produire une culture nouvelle.

Ce n’est cependant pas une option évidemment. Il reste le repli, mais c’est un isolement social qui ne mène qu’à la misanthropie. Cela n’aboutit à rien et on termine alors dans le solipsisme, l’ultra-égocentrisme, ou bien on capitule entièrement pour redevenir comme tout le monde. Combien d’adolescents se rebellant ont eu ce parcours, basculant dans les drogues pour se couper du monde ou bien devenant précisément ce qu’ils haïssaient, pour se fondre dans le décor !

Vouloir que les gens redeviennent eux-mêmes

Que faire alors ? Il n’y a pas 36 solutions, il faut participer à la vie de la Gauche, à sa culture, à son développement, son approfondissement. Sans cela, on est forcément contaminé par des valeurs libérales ou décadentes, sans cela on ne se repère pas comme il se doit et on se retrouve désorienté dans une société capitaliste dure, très dure. Et il ne suffit pas de se mettre en couple pour éviter de prendre des coups ; c’est simplement que les coups on les prend alors à deux et si l’un des deux n’est pas au niveau, cela aboutit à un entre-déchirement d’autant plus difficile.

On comprend que l’objectif véritable, c’est de produire une culture où les gens s’arrachent, où les gens se transcendent, pour basculer du bon côté et assumer une rupture collective avec une société les enracinant dans l’égoïsme, l’étroitesse d’esprit, les mentalités manipulatrices, la soif du gai. Il faut produire de la culture, des choses belles qui parlent à tous, des choses complexes et jolies mais qui soient accessibles à tous. Des choses qui rendent heureux, qui égayent la vie, qui soulignent ce qui est à souligner : le joie, le bonheur, le partage, l’amour, l’amitié, la franchise, la générosité.

Comme ces mots apparaissent comme ridicules, vains, enfantins voire infantiles dans une société cynique comme la nôtre ! N’est-ce pas terrible ? N’est-il pas terrifiant de voir comment notre société est une machine de démolition où l’on reproche aux gens biens de faire du sentimentalisme, d’être trop faibles, d’avoir encore à grandir ?

Diogenes, John William Waterhouse

Il faut un vrai courage pour accepter que les gens soient des cons, mais pour en même temps vouloir qu’ils redeviennent eux-mêmes. Mais c’est le seul chemin. Il ne faut pas devenir cynique comme les gens de droite qui pensent que les gens sont des cons, ni un démocrate-chrétien ou un catho de gauche qui pensent simplement que les gens ne sont pas des cons et qui refusent de voir toutes les horreurs qu’ils véhiculent en raison de la société où l’on vit.

Il faut devenir, il faut être de gauche et à Gauche ; il faut s’ancrer culturellement dans les bonnes valeurs. Sans cela, on est balayé, nos valeurs intérieures sont balayées, et on devient comme tout le monde : lessivé, épuisé, abandonné de tous et surtout de soi-même.