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Acte XX des gilets jaunes : peur sur la ville

Il y a un côté Tour de France avec les gilets jaunes, car outre que le mouvement est disséminé en divers endroits, il y en a toujours un qui ressort plus que les autres, selon les aléas de la colère des classes moyennes. En l’occurrence, c’est Bordeaux qui a tenu le haut du pavé, avec 5 000 personnes présentes. 

Des figures historiques comme Eric Drouet et Jérôme Rodrigues étaient à Bordeaux. Naturellement, il y a aussi quelques casseurs qui ont vandalisé une banque, cherché à faire une barricade au moyen de ce qui a été trouvé dans un chantier, etc.

On est cependant bien loin du drame annoncé par le premier comédien de la ville, le maire Nicolas Florian, qui annonçait « une journée apocalyptique ». Et pourquoi pas les zombies ou Fantomas ? On joue à se faire peur, encore et encore.

L’État, après l’avoir joué aux abonnés absents, étouffe le mouvement pour bien prouver qu’il est ce qu’il est. Il tape fort, à l’arrière-plan, pour faire passer le message, pour donner la leçon. Il fonctionne froidement, mécaniquement, efficacement.

Les gilets jaunes passant en procès pour dégradations prennent ainsi très cher. Ils n’ont pas l’habitude des procès pour la plupart, ils ont mal ou pas préparé leur défense, psychologiquement ils ne comprennent pas ce qui leur arrive par faible conscience politique : les choses tournent mal, la prison ferme est récurrente. C’est qu’au-delà du contenu des gilets jaunes, l’État vise clairement à faire peur au peuple.

Il y a ainsi quelqu’un qui a participé aux dégradations contre la préfecture de Nancy. Il a participé à lancer des pavés et arraché la grille d’entrée du bâtiment, mais il était le seul non masqué. Résultat : il paie seul les pots cassés, avec quinze mois ferme en comparution immédiate. C’est là totalement anti-démocratique et réduit la justice à une farce répressive. La dimension sociale est effacée, le côté politique est nié, les droits de construire une défense sérieuse passés à la trappe !

L’État a décidé de cogner, voilà tout ; quant à l’indépendance de la justice, on voit bien qu’il n’en est rien. Qui condamne une telle personne pour un tel acte, sans se dire : il faut laisser au prévenu le temps d’avoir le droit à de bons conseils de son avocat, dans un contexte peut-être apaisé, se place en-dehors de tout véritable esprit de justice.

Pareillement, ce samedi, il y a eu seulement autour de 2 000 personnes à Paris, où certaines zones étaient interdites, comme les Champs-Élysées. Cela s’est accompagné de 32 interpellations, 21 verbalisations sur le périmètre interdit, et surtout de 11 945 contrôles préventifs. Un chiffre énorme, qui montre que la police mène une grande opération d’intimidation et de pression.

Dans le même registre, d’autres farceurs, à la tête de la préfecture du Vaucluse, avait annoncé l’irruption de « groupes activistes violents » à Avignon et donc interdit tout rassemblement intra-muros de 9h à minuit. On joue au convoi de cow-boys qui regroupe ses chariots pour faire face aux « Indiens ». Il y a eu tout de même des manifestants dans la zone interdite, et dispersion par la police à l’arrivée de 80 motards sympathisants.

Le même scénario de la peur sur la ville devenue zone interdite s’est déroulé à Saint-Étienne, Toulouse, Épinal, Rouen, ainsi que Lille en partie. L’effet est dévastateur : n’en doutons pas. Après le rôle néfaste des gilets jaunes sur le plan des idées et de la culture, voici qu’on a un contre-coup également négatif, avec le climat de peur exercé contre la société civile. On perd sur tous les points.

Surtout que les gilets jaunes continuent leur initiative, avec les principaux rassemblements s’étant tenus à Toulouse, Marseille, Rennes, Caen, Rouen, Montbéliard, Strasbourg… Pour un total d’environ 34 000 personnes seulement.

Non seulement les gilets jaunes ne servent à rien, mais en plus ils éduquent l’État pour savoir comment faire lorsqu’il y aura une véritable contestation populaire ! Heureusement que lorsque celle-ci s’affirmera, les choses n’auront rien à voir avec cette comédie. Lorsque les ouvriers, qui ont refusé dès le départ de s’embarquer dans cette histoire (et ils ont eu raison), les choses auront une autre substance !