À l’occasion de la publication d’un de ses livres en version poche demain mercredi 3 avril, François Hollande a ajouté trois chapitres, qui fournissent ni plus ni moins que les lignes programmatiques de son retour politique. La mesure-clef est une « nationalisation » entièrement redéfinie.
François Hollande entend bien faire son retour en politique. Il a une lecture machiavélique des événements et il considère que la Gauche ne pourra jamais être majoritaire, comme il l’a expliqué dans Un président ne devrait pas dire ça. C’est pourquoi il ne s’est pas représenté et c’est pourquoi il attend un moment opportun pour refaire surface en tant que figure du centre-gauche.
François Hollande cherche par ailleurs à être omniprésent, à coups de petites phrases ou de conférences rémunérées (il a affirmé auparavant qu’il n’en ferait pas). Le fait de placer trois chapitres de plus dans version poche de son livre Les leçons du pouvoir est un coup tactique de plus, avec cette fois donc une dimension programmatique.
Ce n’est pas exempt de remarques annonciatrices pour l’avenir, telle :
« Repenser l’État providence, humaniser la solidarité, inventer un socialisme des territoires, définir une politique claire d’immigration, assurer résolument la transition écologique: ce sont cinq exemples de ce qu’une gauche doit faire pour partir à la reconquête du peuple. Il y en a bien d’autres, qui méritent un développement plus long, sur lesquels je m’exprimerai en temps utile. »
Mais donc, la principale mesure proposée par François Hollande est une nouvelle forme de nationalisation. Rejetant les anciennes formes, il pense qu’elle doit trouver une voie pour assurer la gestion correcte (dans le cadre du capitalisme) de l’eau, de l’air, des mers, des sous-sols. Plus qu’une nationalisation, ce serait une sorte d’encadrement au nom des intérêts communs.
Voici la manière avec laquelle il voit la chose, dans son ouvrage :
« Ce mot, qui a fait fureur à gauche en son temps pour être ensuite remisé au magasin des vieilles lunes, en surprendra plus d’un.
Que l’on me comprenne bien. Je ne prêche pas ici pour le contrôle public des entreprises. L’expérience a montré que l’État n’avait pas vocation à produire lui-même des voitures ou de l’acier.
En revanche, il doit retrouver la maîtrise des biens communs que sont l’eau, l’air, les mers ou le sous-sol, dont l’activité privée, seulement guidée par la logique de rentabilité, ne saurait assurer l’exploitation rationnelle et respectueuse de l’environnement.
Par gestion directe ou par un dispositif de délégation, c’est à la collectivité de veiller au bon usage des biens collectifs, les communs, qui sont l’apanage de l’humanité tout entière et non la propriété des groupes industriels ou financiers qui les utilisent ou les dégradent. »
Ce que dit François Hollande ici n’a aucun sens, pour une multitude de raisons.
Tout d’abord, parce que si quelque chose est nationalisé, c’est-à-dire si la propriété relève de l’État, alors aucune entreprise privée ne peut être accusée juridiquement d’être responsable de quoi que ce soit si l’État lui a loué, prêté ou quelque chose de ce genre. La responsabilité juridique, in fine, relève du propriétaire. C’est donc par définition dédouaner les entreprises en cas de nationalisation.
On a l’exemple avec les médicaments, qui fonctionnent un peu comme François Hollande voudrait pour ses nationalisations à lui. En effet, l’État accorde une autorisation de mise sur le marché et alors, en pratique, les entreprises se voient dédouanées des responsabilités principales. Des recours sont possibles, mais sans dimension réelle.
Ensuite, si les entreprises gèrent ces choses vitales « nationalisées », comment la collectivité pourrait-elle en surveiller réellement la gestion, comment aurait-elle les capacités techniques d’en analyser la gestion ? Et si elle peut le faire, pourquoi le déléguer à des entreprises, au privé ?
Un autre point, essentiel, est qu’il n’existe pas de philosophie justifiant, dans le cadre du capitalisme, que l’eau, l’air, les mers, le sous-sol, soient des biens communs. Dans un système fondé sur la propriété, il n’y a pas de place pour des « biens communs » rompant avec le principe de propriété individuelle.
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Un dernier point, fondamental, c’est qu’il est trop tard et que le capitalisme a déjà commencé le massacre de l’eau, de l’air, des mers, du sous-sol. Une « nationalisation » à la François Hollande voudrait simplement dire la socialisation des pertes ! Au lieu d’en arriver à une critique juste, dénonciatrice, du rôle des entreprises par rapport à la nature, à l’environnement, on aurait une voie de garage consistant à demander un simple « encadrement ».
François Hollande raconte donc n’importe quoi et, par ailleurs, il détourne intellectuellement le mot de nationalisation pour donner du crédit à son concept qui ne repose sur rien : ni juridiquement, ni économiquement, ni philosophiquement. Cela montre son décrochage : il est post-socialiste. Il est le produit décadent de décennies de parlementarisme et de gavage dans les ministères de la part de socialistes ayant trahi toute morale, toute cause, tout principe.