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Benoît Hamon ne serait pas un politicien professionnel ?

Le populisme n’en finit plus d’envahir la vie politique française. C’est ainsi que Benoît Hamon a cru bon de dire sur France Inter hier matin qu’il n’était pas un politicien professionnel, préférant se présenter comme un chef d’entreprise.

Être à Gauche, c’est aussi reconnaître la politique comme étant de grande importance, comme ayant une valeur démocratique indispensable. Les populistes refusent cela, et rejettent la politique parce qu’il y a de la corruption dans la classe politique. Que cette corruption soit réelle ou la manifestation d’autres choses, ne change ici pas grand-chose, car elle n’est qu’un prétexte au refus de la politique, du débat démocratique, de la bataille des idées.

Le rôle de la Gauche, c’est au contraire de donner de la valeur, de la noblesse si l’on veut oser ce terme, à la politique, qui est la bataille des idées. On peut penser que faire une carrière en politique n’est pas une bonne chose, et qu’il faut par exemple plus d’ouvriers sur les listes électorales. Ce n’est peut-être pas faux moralement, bien sûr, mais cela est partiel, car cela nie la profondeur et l’ampleur de l’engagement qui est indispensable en politique.

S’il est important pour la Gauche d’être liée organiquement à classe ouvrière et au peuple en général, d’avoir dans les instances dirigeantes de ses organisations et parmi ses élus des gens du peuple, cela ne veut pas dire que des individus ne puissent pas faire de la politique leur activité principale, de manière professionnelle.

Il y a ainsi forcément des gens qui prennent leur engagement politique très au sérieux depuis très tôt, qui font le choix dès leur jeunesse de consacrer leur vie à défendre et faire valoir des idées. Cela n’a rien avoir avec les techniciens qui font l’ENA, voir même Science politique, pour faire une carrière au service de l’État, qui naviguent de partis en partis au gré du vent ou sont des professionnels de la « synthèse », c’est-à-dire du vidage de contenus.

On peut penser que ce n’est pas le cas de Benoît Hamon, qui est sincèrement engagé depuis ses 19 ans au Parti socialiste et à Gauche en général. Cela, si c’est le cas, il devrait l’assumer, le défendre, pour justement s’opposer aux populistes et aux techniciens de la politique. C’est pourtant tout l’inverse qu’il a fait, en s’emportant lorsque un journaliste de France inter lui a posé la question de son professionnalisme en politique, en précisant d’ailleurs qu’il ne considérait pas cela comme insultant.

Le président du mouvement Génération-s a répondu :

.@benoithamon, candidat du mouvement Génération-s aux élections européennes : « Aujourd’hui je ne vis pas de la politique, je dirige une société que j’ai crée, je n’ai rien à voir avec un politicien professionnel » #le79inter pic.twitter.com/gUrbEtifVW

— France Inter (@franceinter) 3 avril 2019

« je suis engagé politiquement depuis très longtemps mais pas professionnel. Aujourd’hui je ne vis pas de la politique. Pas d’avantage qu’auparavant quand je n’avais pas de mandat. Moi je reviens dans le privé systématiquement, ce qu’on oublie de dire.

Donc aujourd’hui je dirige une société que j’ai créée, et je n’ai rien à voir avec un politicien professionnel, moi je ne vis pas, justement, de la possibilité de revenir dans l’administration, de faire un mandat, et de pantoufler tranquillement. »

Le problème est que cela est faux de bout en bout, bien sûr, et donne l’effet inverse. Benoît Hamon met littéralement les pieds dans le plat et donne du grain à moudre aux populistes.

Il est très facile et rapide de remarquer que Benoît Hamon est actuellement Conseiller régional d’Île-de-France, et qu’en tant que siégeant à la commission permanente, il touche 2 927 € par mois pour cela. Cela ne lui suffit peut-être pas pour vivre, mais c’est une rémunération, qui plus est importante.

Il touche également une partie de son indemnité d’ancien député, et ce pendant encore un an et demi environ.

Quant à sa carrière, il a dirigé le Mouvement des jeunes socialistes en 1994 et 1995, il a été assistant parlementaire très tôt, puis conseiller auprès de Lionel Jospin lors de l’élection présidentielle de 1995 avant d’entrer au cabinet de Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité. En 2012, il est devenu ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire, puis ministre de l’Éducation en 2014.

Il a occupé de nombreuses fonctions dans le PS et s’est présenté à beaucoup d’élections. Il a été conseillé municipal de Brétigny-sur-Orge, député européen membre de la commission des affaires économiques et monétaires, membre suppléant de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, vice-président de la délégation pour les relations avec les États-Unis, et membre suppléant de la délégation pour les relations avec Israël.

Il a été élu conseiller régional d’Île-de-France en 2010, député français des Yvelines, à nouveau conseiller régional d’Île-de-France depuis 2015.

C’est le parcours d’un professionnel de la politique et il est ridicule de sa part de le nier. Surtout quand c’est pour se présenter comme un chef d’entreprise, comme si cela était dans les valeurs de la Gauche de fonder « sa boîte » et d’être patron.

Son parcours dans le « privé » est en fait entièrement lié à la politique. Il a ainsi été directeur au sein d’un institut de sondage puis a codirigé une société d’analyse de l’opinion. Il reste très flou à propos de la société qu’il dirige maintenant, certainement volontairement, mais on imagine très bien que son activité est toujours lié à l’étude de l’opinion ou au « conseil », donc à la politique. Cela ne vaudrait d’ailleurs pas mieux que les conférences rémunérées qu’ils dénonce chez d’autres personnalités politiques.

Si tel n’était pas le cas, et qu’il était vraiment investit dans la direction d’une entreprise en tant que telle, ce qui est un travail à plein temps incompatible avec la direction d’une liste électorale européenne en plus d’un mandat de conseiller régional, il serait intéressant qu’il en dise plus à ce sujet, afin que l’on sache qui il est ! Car la Gauche n’a certainement pas besoin de chefs d’entreprises, de patrons, comme dirigeants politiques.