C’est un leitmotiv d’une large partie de la Gauche : la France serait issue de migrations. D’abord, c’est faux, ensuite ce n’est pas cela qui compte, c’est même sans importance.
« La France est issue de migrations », « Nous
sommes tous des enfants d’immigrés », nombreux sont les
slogans du même type qu’on peut retrouver à Gauche. Les gens qui
mettent cela en avant sont tout à fait sincères et très
sympathiques dans leurs intentions. Cependant, ils se trompent
lourdement.
D’abord, parce que ce n’est pas vrai du tout. La France est
une construction nationale et la question est culturelle, économique,
sociale, ce qui n’a aucun rapport avec la population de cette
nation. Par ailleurs, la population française ne s’appuie pas sur
l’immigration, mais sur différents peuples (gaulois, francs,
romains, etc.) qui ont fusionné dans un seul peuple. Il y a eu de
l’immigration, mais cela date d’après la fusion des petits
peuples dans un grand peuple, et qui plus est cela ne concerne qu’une
minorité.
Ensuite, parce que cela n’a rien d’antifasciste en soi. Le
nationalisme français n’a jamais été ethnique ou religieux.
L’armée française en 1914 profitait de soldats des colonies
africaines, ainsi que de travailleurs des colonies asiatiques.
L’appareil d’État n’est pareillement pas plus intéressé que
cela pour savoir d’où viennent les ancêtres de ses membres. Cela
est vrai même pour les plus hauts postes : Nicolas Sarkozy a un
père hongrois.
L’obsession pour l’identité française est une abstraction de l’extrême-droite et le souci c’est que le slogan selon lequel la France serait issue d’immigration n’en est que la version inversée. Et dans les deux cas, il y a la négation de la problématique réelle, qui est celle de la culture française.
Car la question de fond, c’est la suivante : y a-t-il une
seule culture française ? Emmanuel Macron l’a dit plusieurs
fois, pour lui, ce n’est pas réellement le cas. Il est sur la
ligne post-moderne, post-industrielle, post-nationale : il n’y
aurait que des individus, en provenance logiquement d’horizons très
divers. Cette position a malheureusement contaminé une large partie
de la Gauche.
Il ne s’agit pas ici de sombrer dans les abstractions
nationalistes à peine maquillées et utilisant des concepts comme
celui de souverainisme. Il s’agit du fait qu’il existe une
culture populaire, des valeurs culturelles partagées par toute la
population. L’Histoire est passée à travers cette culture, elle
s’est exprimée à travers cette culture, et nier cette culture
nationale, c’est nier l’Histoire. Et comment changer le pays, si
on nie l’Histoire ?
On l’aura compris : si la France n’est plus composée que
d’individus, s’ils n’ont aucun parcours historique commun,
alors pourquoi y aurait-il une mobilisation collective dans un sens
historique ? Sans synthèse du passé, aucune projection vers le
futur n’est possible.
Le problème qui se pose ici est qu’il y a des gens qui pensent
que c’est être ouvert d’esprit que de coincer les immigrés dans
l’immigration, de résumer des parcours personnels dans des
fétiches ethniques ou religieux. Comme s’il n’y avait pas de
culture, de civilisation, de valeurs plus grandes que les
particularismes.
Il en va de même pour les régionalismes : on pense bien
faire en valorisant des parcours populaires, des éléments culturels
négligés. Et on en fait un fétiche, on se met à rejeter
l’universel, et on en arrive à démanteler tout principe
universaliste.
La Gauche fait face à deux pièges : celui de faire comme
les anarchistes et de croire que les nations ne seraient qu’un
préjugé et ne transporteraient aucune valeur culturelle, celui de
faire comme la Droite qui fait du parcours historique et de ses
expériences des fétiches identitaires. Il est difficile de faire la
part des choses, c’est évident, mais on ne s’en sortira pas non
plus en prétendant que le monde entier est déjà mélangé et qu’il
n’y a qu’une seule nation mondiale : ce n’est
malheureusement pas le cas.
Espérons que cela arrive le plus vite possible, mais cela ne se produira pas tout seul : il faut vivre les cultures populaires et il faut qu’elles s’échangent. Et pour dépasser les nations, il faut les reconnaître : aller plus loin que le passé pour aller à l’avenir passe par tirer le meilleur du passé.