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Cathédrale Notre-Dame de Paris : la France dans la stupeur

La France est sous le choc : l’un des grands symboles culturels de son héritage national a été en partie détruit. C’est toute l’Histoire comme aventure humaine qui vacille et la confiance en elle qui est ébranlée.

La France est dans un état de stupeur. La destruction d’une partie de la cathédrale Notre-Dame à Paris sous le coups des flammes l’a littéralement ébahie. Comment une telle chose est-elle possible ? Comment, au cœur de Paris, une œuvre historique commencée il y 850 ans, s’est-elle retrouvée ciblée par les flammes ? Le choc est immense. La confiance en la continuité du progrès est ébranlée.

Car les destructions sont conséquentes, à cause d’un feu ayant pris dans les combles de la cathédrale peu avant 19 h, qui serait parti au niveau d’échafaudages installés sur le toit de l’édifice. Les deux tiers de la toiture ont ainsi été ravagés par les flammes, tandis que la flèche culminant à 93 mètres de haut s’est effondrée sur elle-même un peu avant 20 heures.

Les pompiers sont intervenus rapidement, mais leur grande échelle venue de Versailles, qui mesure 46 mètres alors que la cathédrale en mesure 69, n’a évidemment pas suffit. La structure de l’édifice a néanmoins  été sauvée et « préservée dans sa globalité » selon le chef des pompiers. Cela n’était pas évident encore à 21h30, où il n’était pas certain que le beffroi nord soit épargné.

Il est important de saisir que la cathédrale a une double nature. D’un côté, c’est une œuvre d’art, qui relève d’un parcours historique de la civilisation. Cela appartient au parcours de l’amélioration des mœurs à travers la religion comme outil (temporaire), du développement de l’art gothique, à la formation de Paris comme grande ville culturelle.

De l’autre, c’est un lieu qui relève de la religion et de sa folie mystique, de l’adoration délirante pour la « mère de Dieu », avec un infantilisme extrêmement profond. La cathédrale Notre-Dame de Paris est un outil idéologique d’une importance très grande, elle est le symbole de la France comme nation « fille aînée de l’Église ».

Il y a donc toute une souffrance générale dans le pays, soit pour des raisons relevant du patrimoine, soit pour des raisons religieuses. Il n’est cependant pas juste de mettre les deux aspects au même niveau. C’est la question patrimoniale qui prime. La cathédrale appartient d’ailleurs à l’État et relève des Monuments historiques.

Notre-Dame de Paris, c’est avant tout un lieu chargé d’Histoire, construit par le peuple, ayant été un lieu de passage d’une amélioration sur le plan de la civilisation. Ce n’est que de manière secondaire le lieu de la folie religieuse et du romantisme catholique-social tel que celui de Victor Hugo.

La question de la dimension historique de la cathédrale a d’ailleurs été la source d’une vaste polémique lors des travaux d’Eugène Viollet-le-Duc au milieu du XIXe siècle. C’est à cette occasion que la nouvelle flèche a été construite, sans rapport avec celle ayant existé originellement des origines à la Révolution française.

En fait, pour l’héritage culturel national, la cathédrale Notre-Dame de Paris relève de la mémoire ; pour le catholicisme, c’est une actualité religieuse. C’est une opposition de vues qui doit prendre tout son sens dans les réactions à la destruction partielle de la cathédrale. Il a beaucoup été appelé aux dons, la famille Pinault a promis cent millions, etc. : c’est erroné, c’est à la nation toute entière de payer, et donc à l’État.

Encore faudra-t-il savoir de quelle reconstruction il va s’agir. Car la cathédrale de Notre-Dame de Paris appartient non pas à Dieu, mais à l’Histoire, et il ne faut pas tomber dans une reconstruction « à l’identique » qui serait symbolique sur le plan religieux mais constituerait une falsification de la réalité historique.

La problématique est ici d’une haute complexité et exige des choix faits par le pays, pas par la religion. Et à la stupeur doit s’associer la colère : celle contre un État incapable de préserver le patrimoine.