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Notre-Dame de Paris : désacraliser le point zéro des routes de France

La cathédrale de Notre-Dame de Paris relève du passé, du patrimoine national, ce n’est pas une « actualité ». Elle ne peut pas être « reconstruite ». À moins de l’intégrer dans le dispositif idéologique religieux.

Emmanuel Macron, lors de son allocution à la télévision après la catastrophe du 15 avril 2019, a affirmé la chose suivante :

« Il nous revient de retrouver le fil de notre projet national, celui qui nous a faits, qui nous unit : un projet humain, passionnément français. »

C’est le fond philosophique justifiant sa position selon laquelle la cathédrale de Notre-Dame de Paris devra être reconstruite dans les cinq ans. Et c’est un double problème.

En effet, la cathédrale Notre-Dame ne relève pas de l’actualité nationale, mais de l’héritage culturel national. Ce sont deux choses fondamentalement différentes. Les catholiques font tout justement pour présenter la cathédrale comme une actualité, quelque chose de vivant, reliant le passé au présent et même au futur, dans une fusion du national et du religieux.

Cela ne peut pas être le point de vue de la Gauche. En fait, la seule position tenable pour la Gauche par rapport à la cathédrale Notre-Dame de Paris est que celle-ci devrait être un musée. Il faut radicalement désacraliser ce lieu au cœur de la capitale. D’ailleurs, il y a un point sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris qui est le centre symbolique des routes de France, la distance par rapport à Paris étant calculé par rapport à elle, et ce depuis 1739.

Le vrai centre de la ville devrait en fait être à la pointe de l’île de la Cité ; on aura compris qu’il s’agit de faire de Notre-Dame un symbole national-catholique, ce qui fut l’objectif de Victor Hugo. Ces derniers jours, on a eu beaucoup de commentaires comme quoi ce serait également le bâtiment représentatif de la France, ce qui n’a jamais été le cas, puisqu’on parlerait bien plutôt de la Tour Eiffel ou bien du château de Versailles.

Il faut briser tout cela, sans quoi on laisse le champ libre à la religion catholique. Ce qui amène au second problème : la reconstruction. Car tout en liant la cathédrale à l’actualité nationale (et non au passé), Emmanuel Macron entend poser une continuité nationale-religieuse, d’où son propos lyrique comme quoi :

« Nous rebâtirons la cathédrale Notre-Dame plus belle encore. »

Or, une œuvre architecturale médiévale ne peut pas être rebâti et rendue plus belle encore. On peut reproduire quelque chose à l’identique, mais la dimension historique en disparaît alors. Et ce serait une tromperie. Pas évidemment selon les catholiques, qui voient une continuité dans la cathédrale. D’où la grande importance qu’ils ont eu à souligner qu’avaient été sauvés des flammes « la sainte Couronne, la tunique de saint Louis, un morceau de la Croix et un clou de la Passion » (mettons entre guillemets ces folies). On est là en pleine superstition la plus délirante.

Il y a également la manière dont a été présenté le fait que Jacques Chanut, qui est président de la Fédération Française du bâtiment, a trouvé le coq de la flèche dans les décombres. Que ce soit le président qui le trouve, alors qu’on le pensait perdu, est présenté comme une sorte de miracle. Et ce n’est pas pour rien, car ce coq contient des reliques : une partie de la Sainte-Couronne d’épines, une de Saint-Denis et une de Sainte-Geneviève.

S’agit-il de contribuer à une telle superstition ? Absolument pas. Et comme toutes les cathédrales d’avant le XXe siècle appartiennent à l’État, il faut aller jusqu’au bout du raisonnement. C’est comme pour l’École d’ailleurs : il est inacceptable que l’État rémunère les professeurs des écoles privées. Il faut même que toute l’École passe sous la supervision de l’État.

Le catholicisme, qui a été utile dans le passé, cherche à maintenir ses positions depuis longtemps caduques. Il faut finir le travail démocratique de liquidation des positions des religions dans la société.