Fils d’ouvriers et ouvrier dans sa jeunesse, Julien Lauprêtre représentait avec le Secours populaire français une certaine tradition du mouvement ouvrier, qui a développé ses structures de manière indépendante au début du XXe siècle puis s’est de plus en institutionnalisé après la Guerre.
Le parcours Julien Lauprêtre à la tête du Secours populaire français depuis 1955 porte la marque de l’institutionnalisation, en ayant dirigé une association très liée au PCF ( il a été membre de son Comité central de 1970 à 2000) qui affirmait en même temps son indépendance, ses propres choix.
Le Secours populaire français est directement issu de la tradition du Front populaire de 1936, comme processus d’Unité des socialistes et des communistes. Il est un prolongement de masse du Secours Rouge, branche française du Secours Rouge International généré par l’Internationale Communiste.
Il a notamment lancé des actions pour les vacances de la jeunesse populaire. Julien Lauprêtre a lui-même rencontré sa femme à l’été 1936 dans une colonie du Secours ouvrier international et il est expliqué dans sa biographie que l’engagement communiste de son père a « pris racine dans les manifestations de 1934 contre les ligues fascistes, pour le Front populaire en 1936 ».
Julien Lauprêtre fut un Résistant, « marqué » par sa rencontre avec Missak Manouchian en prison à 17 ans, avant d’être nommé responsable national des Jeunesses communistes dans la clandestinité.
D’une organisation spécifiquement liée au mouvement démocratique et populaire, tant en France qu’à l’international, il a fait du Secours populaire français une association caritative, centrant son action sur la solidarité aux personnes pauvres et l’aide alimentaire, finissant par nouer en 2012 des partenariats avec des entreprises symboles du capitalisme telles que Disneyland, Courte-Paille ou Carrefour.
Si le Secours populaire français (lui-même issu du Secours rouge, branche du Secours rouge international généré par l’Internationale Communiste) est un élément important du patrimoine démocratique et populaire en France, de la Gauche française, avec un héritage provenant directement du Front populaire, il est aussi un exemple de renoncement de la tradition historique du mouvement ouvrier centrée sur le combat politique et l’autonomie vis-à-vis du capitalisme et des institutions capitalistes.
Voici le communiqué du Secours populaire français :
« Continuons le combat d’une vie !
Le Secrétariat national du Secours populaire et la famille ont l’immense tristesse d’annoncer le décès de Julien Lauprêtre, Président du Secours populaire français, survenu à 93 ans dans un hôpital parisien des suites d’une chute pour laquelle il avait été hospitalisé.
Plus qu’un Président, c’est un ami que tous les membres du Secours populaire ont perdu aujourd’hui. Julien se présentait toujours comme « bénévole à Paris ». C’est vrai qu’il n’était pas un Président ordinaire. Sa porte et son écoute étaient ouvertes à tous, sans distinction, à n’importe quel moment de la journée. Une humanité, une simplicité et une sincérité qui allaient droit au cœur des 80 000 bénévoles de l’Association. Julien aimait répéter : « La solidarité ne règle pas tout, mais pour celles et ceux qui la reçoivent, elle est irremplaçable. » Et il ajoutait aussitôt cette phrase d’Henri Barbusse : « La solidarité, ce ne sont pas des mots, mais des actes. » Toute sa vie, Julien a refusé l’inacceptable, la pauvreté, l’injustice. Toute sa vie a été orientée vers les autres. Il a fait de la solidarité son combat quotidien, et du Secours populaire, un grand mouvement de solidarité populaire.
Dès son arrivée en 1954, Julien et un petit groupe d’hommes et de femmes vont faire du Secours populaire, l’une des plus importantes associations de solidarité de notre pays. Très vite, il a compris que l’association avait tout à gagner à se recentrer sur son rôle d’association de solidarité plutôt que d’intervenir sur le champ politique. Il en a fait une association rassemblant toutes les bonnes volontés pour que se développe une solidarité populaire indépendante des pouvoirs établis, qu’ils soient publics ou privés, philosophiques, confessionnels, politiques ou syndicaux. Au Secours populaire, nous sommes quotidiennement les témoins de ceux qui vivent un véritable parcours du combattant pour régler leurs factures, faire trois repas décents par jour, se soigner… Nous sommes aussi les témoins, avec nos partenaires dans le Monde, des situations des enfants, des femmes, des hommes qui luttent pour survivre. La pauvreté est là. Elle ne recule pas. Elle s’aggrave.
Avec une ténacité incroyable, Julien a fait front pour ne pas laisser la désespérance prospérer. Il a sillonné le monde, fait le tour de notre pays pour mobiliser les bénévoles à agir sans relâche pour les personnes dans la précarité, et sensibilisé les dirigeants à la lutte contre la pauvreté en France, en Europe et dans le Monde. Il avait aussi à cœur d’offrir aux enfants l’opportunité de prendre la parole, d’agir, de s’organiser. C’est ainsi qu’est né en 1992 le mouvement d’enfants bénévoles au Secours populaire, les « copains du Monde ».
Il a consacré sa vie pour que celles et ceux qui n’ont rien, ou si peu, relèvent la tête et soient plus forts pour s’en sortir grâce à la solidarité, dans une démarche d’égal à égal entre celui qui donne et celui qui reçoit.
Aujourd’hui, les membres du Secours populaire sont plus que résolus à continuer son combat pour faire triompher l’entraide et la solidarité et faire reculer la pauvreté et l’exclusion. »