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Les déclarations du premier mai 2019

Chaque année, les organisations de la Gauche font traditionnellement un communiqué où elles rappellent leurs fondamentaux, expriment leur point de vue sur la situation, tracent des perspectives, etc. En voici un petit panorama, non exhaustif, mais certainement représentatif de par l’impact des structures concernées ( politiquement, culturellement, idéologiquement, intellectuellement, sur le plan militant, etc. )

Le premier mai est une journée très importante dans l’année, car elle est la réaffirmation du monde du travail contre celui du capital. Au sens strict, cela va même plus loin que cela, car le premier mai est la journée de l’affirmation par le mouvement ouvrier du Socialisme comme perspective universelle, internationale. Dans tous les pays du monde, le mouvement ouvrier se reconnaît comme la composante d’une classe existant en fait à l’échelle mondiale, ayant un but commun, transcendant les frontières.

Naturellement, les organisations faisant un communiqué relèvent toutes, à différents degrés, de la Gauche historique, au sens où elles se placent dans la tradition du mouvement ouvrier, celui du positionnement et de la référence au premier mai. La Gauche « post » (post-industrielle, post-moderne, post-nationale, etc.) n’a pas cette démarche.

Du côté des organisations issues de la gauche du PCF, il y a l’espoir depuis plusieurs années d’être en mesure de prendre la place de la France insoumise ou du PCF, considérés comme disposant d’une base trop faible sur le plan idéologique pour pouvoir se maintenir. Le Pôle de Renaissance Communiste en France se contente donc d’un court communiqué pour appeler à une sortie par la gauche de l’Union européenne, à la convergence d’une liste, et d’une liste de slogans à utiliser pour faire chauffer « la convergence des luttes » (La S.N.C.F., c’est l’affair’ de la nation / Pas d’Angela Merkel, ni des patrons !; Parcours Sup, c’est un vrai marché d’ dup’s / Sauvons le bac / Ouvrons les facs !; Macron dégrad’ / tous-nos-acquis sociaux / nous on ré-pond : grèv’inter-pro! etc.)

Le Parti Communiste Révolutionnaire de France se focalise quant à lui dans sa déclaration sur l’appel à voter blanc aux élections européennes, car « L’UE, union inter-étatique capitaliste, c’est la misère et l’exploitation pour le plus grand nombre, c’est l’avenir bouché pour la jeunesse ! ».

Le Parti révolutionnaire Communistes a fait de son côté une déclaration pour un « Un 1er mai de combat. » Le texte est très court, ne mentionne pas les gilets jaunes, appelant à lutter contre les réformes d’Emmanuel Macron.

Du côté des organisations issues de l’esprit de mai 1968 et du « renouveau » idéologique qui l’a accompagné, l’approche est traditionnellement différente, plus dans une proposition de démarche d’un nouveau style, de nouvelles méthodes, d’une autre vision du monde, etc. Ce n’est pas le cas pour le Parti Communiste des Ouvriers de France, qui s’est depuis plusieurs années tourné vers la France insoumise, étant même officiellement un membre du Front de Gauche d’octobre 2011 à mars 2016. Le PCOF dénonce dans sa déclaration, sur un ton assez classique, l’Union européenne comme « construction impérialiste, néolibérale et belliciste au service des monopoles et des riches », tout en appelant à soutenir les mobilisations dans le pays, en appelant à ce que cela aille dans le sens d’une rupture révolutionnaire.

C’est par contre le cas pour l’Organisation Communiste Marxiste-Léniniste Voie Prolétarienne et le Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste), qui se focalisent sur l’appel au changement général en soulignant l’importance de la question écologiste. L’OCML Voie Prolétarienne espère dans sa déclaration que les gilets jaunes amèneront un mouvement de démocratie directe, notamment en faisant référence à l’Appel de Commercy de décembre 2018, appelant à des comités locaux.

« Nous saluons les tentatives de certains Gilets Jaunes de se lier aux structures syndicales ouvrières combatives dans le Nord, les Bouches-du-Rhône, en Région parisienne ; d’autres cherchent à organiser leur mouvement de manière autonome dans des structures démocratiques sur la base d’un projet progressiste (comme autour de « l’Appel de Commercy »). Tout cela est inédit, et montre que les masses populaires et les prolétaires sont toujours prêts à se lever pour résister à l’oppression et l’exploitation, qu’ils et elles cherchent confusément à s’organiser, à comprendre, à changer radicalement les choses. Mais le chemin à parcourir reste encore long. »

Dans sa déclaration, le PCF (MLM) insiste lui sur la planète comme « Biosphère » et sur la nécessité du matérialisme dialectique comme philosophie pouvant à elle seule amener une véritable vision d’ensemble des transformations de la réalité.

« La résolution des problèmes environnementaux, par l’établissement de rapports dialectiques de l’Humanité avec la planète considérée comme une biosphère, est inévitable. La compréhension de la nature de la matière vivante et son respect va de pair avec la compréhension matérialiste dialectique de l’évolution générale de l’univers éternel et infini.

Nous affirmons que la maîtrise du matérialisme dialectique et de ses thèses fondamentales sur l’univers sont la base même pour comprendre la réalité et la transformer.

Il est indéniable que cela exige encore des initiatives formidables. Mao Zedong avait parlé, dans les années 1960, des cinquante à cent années à venir où l’humanité connaîtrait des bouleversements comme elle n’en a jamais connu. »

Du côté des trotskistes, qui n’ont pas cette tradition de la « déclaration » du premier mai, Lutte Ouvrière s’est contenté d’un appel à manifester, alors que le Nouveau Parti Anticapitaliste n’a pas fait de communiqué particulier, pas plus que le Parti Ouvrier Indépendant et le Parti Ouvrier Indépendant Démocratique, ni La Commune – pour un parti des travailleurs, ni le Groupe marxiste internationaliste, ni même le Courant communiste révolutionnaire du NPA ( de manière intéressante on notera que son site revendique deux millions de visites ces trente derniers jours ).

Du côté des structures du Parti socialiste, il y a une volonté de maintenir un lien avec le premier mai. Génération-s a fait une déclaration intitulée 1er Mai : redistribuons les richesses, protégeons les travailleurs, réinventons notre rapport au travail, qui se concentre sur l’augmentation immédiate du SMIC, avec un rappel de la démarche particulière de ce mouvement :

« Nous appelons l’ensemble des forces de gauche, le mouvement social, les organisations syndicales et le monde associatif à travailler de concert pour imaginer la protection sociale de demain: le revenu universel doit permettre de répondre aux exigences de justice sociale et permettre à chacun de faciliter sa transition professionnelle. »

La Gauche républicaine et socialiste (issue d’une partie de la gauche du Parti socialiste, et du MRC) a par contre repris cette tradition de la déclaration. L’approche est un peu formelle cependant : le titre est pas moins que « Un 1er mai pour faire entendre notre colère contre la remise en cause de notre système social et des corps intermédiaires », écrit Par « le pôle thématique entreprise de la Gauche Républicaine et Socialiste ». On peut avoir une phrase aussi longue que :

« Alors, ce 1er Mai doit mettre un terme à cette fuite en avant autour de revendications concrètes et immédiates mais aussi comme l’affirmation d’une large volonté de contribuer à une alternative au modèle libéral qui a provoqué une grave remise en cause des grands progrès sociaux acquis par la mobilisation des salariés et des forces de gauche et populaires. »

Au-delà de l’aspect formel, la déclaration se veut un appel à résister : « contre les mesures répressives et liberticides », « contre l’affaiblissement organisé du syndicalisme », « contre les dégradations de conditions de travail », « contre les reculs sociaux », « contre la désindustrialisation ».

Place publique et le Parti socialiste ne font pas du premier mai un événement particulier, même si leurs deux dirigeants étaient au cortège de Châtellerault.

Du côté de l’ultra-gauche, le Parti Communiste International (Gauche Communiste) rappelle les fondamentaux dans Premier Mai 2019 – Les prolétaires n’ont pas de patrie. On retrouve ici le principe de déclaration rappelant les principes généraux qui sont ici largement inspirés de l’Internationale Communiste (le capitalisme rentre en crise générale et va à la guerre) :

« Le Capital, force historique anonyme et incontrôlable, détermine le heurt permanent entre les différents capitalistes et groupes nationaux de capitalistes et les entraîne inexorablement vers le précipice de la catastrophe économique et financière.

L’extrême concentration du capital, qui ne cesse de s’accroître, d’une part rassemble, renforce et unifie la classe ouvrière, et d’autre part ruine impitoyablement les classes petite-bourgeoises, marchands et petits producteurs, classes privées de force et de programme historique et impuissantes socialement, même quand elles expriment bruyamment leur rébellion, comme récemment pour une partie du mouvement des Gilets jaunes en France (…).

Ainsi les bourgeoisies renforcent leurs armées en vue d’un nouveau conflit impérialiste dans lequel seraient appelés à se faire massacrer des dizaines de millions de prolétaires ; et tandis que la misère des peuples ne cesse de croître, des centaines de milliards de dollars sont déversés dans la production d’armes de plus en plus létales. Mais la guerre mondiale, cette terrible convulsion du monstre capitaliste agonisant, ne peut s’imposer qu’après avoir divisé les forces de son adversaire historique, la classe internationale des travailleurs, en les opposant les uns aux autres. Une campagne nauséabonde « souverainiste », « raciste » et appelant à la haine de l’étranger et du migrant, a déjà démarré dans de nombreux pays, dans le seul but de briser l’unité du prolétariat international et de le préparer à une nouvelle guerre. »

Du côté du Parti Communiste International (Le Prolétaire) par contre, il n’y a pas vraiment d’analyse, simplement un appel à la « renaissance de la lutte révolutionnaire » en luttant contre la collaboration de classe. Le document Premier Mai Pour la lutte de classe révolutionnaire contre le capitalisme ! se situe simplement sur le côté subjectif de la lutte, sans économie politique ni analyse de la situation.

Révolution Internationale, Section du Courant Communiste International, n’a en revanche pas fait de déclaration.