Le 25e acte des gilets jaunes reflète un essoufflement, mais ce qui compte surtout c’est la tribune de soutien par 1 400 personnes des « métiers de la culture ». Cela montre bien que tout est fini, qu’on est simplement dans une agonie et que, au fond du phénomène, on va vers la grande récupération électorale par l’extrême-droite.
Avec un peu moins de 20 000 personnes se mobilisant, le 25e acte des gilets jaunes marque un essoufflement général, dont l’une des sources est le fiasco général, sur le plan politique, du premier mai 2019. Tout le monde y a été perdant, syndicalistes, gilets jaunes et anarchistes des black blocks, dans un grand fouillis sans perspective. La seconde source de la situation est que les élections européennes approchent. Il y a donc une sorte de conceptualisation des valeurs ayant été les plus vigoureuses dans le phénomène des gilets jaunes pris en général.
C’est donc désormais l’agonie qui suit tout un nihilisme tellement propagé qu’il a fini par consumer toujours plus ses propres protagonistes. Les initiatives ont été éparses, relevant de la comédie. Certains sont allés à l’aéroport de Roissy Charles De Gaulle contre la privatisation d’Aéroports de Paris, d’autres ont manifesté au siège parisien de BFM tv jusqu’à la maison de la radio. Quelques uns ont occupé des ronds-points comme à Castelnau-de-Médoc, La Roche-sur-Yon ou Chateau-Thierry, tandis que des cortèges ont défilé à Lyon, Nice, Marseille, Bordeaux ou encore Toulouse.
Dans cette dernière ville était présent Jean-Marc Rouillan, figure anarchiste bien connue ; sa présence correspond à toute un triomphe de l’anarchisme dans notre pays, avec son populisme, son refus de la politique, son rejet du mouvement ouvrier. Sa présence est symboliquement la démonstration de la convergence des gilets jaunes et des anarchistes des black blocks qu’on a connu ces derniers temps, et dont le caractère improductif à tous les niveaux ne servira qu’à renforcer l’extrême-droite.
On a ainsi appris que Fiorina Lignier, une étudiante picarde qui a perdu un œil lors d’une manifestation à Paris, sera numéro 2 de la liste de Renaud Camus « la Ligne claire » aux élections européennes, « pour préserver les Européens et lutter contre le Grand Remplacement ». C’est un exemple à une liste qui va être très longue du renforcement du Fascisme par les gilets jaunes.
Inversement, alors que les élections européennes se profilent, la Gauche ne sort en rien de son marasme général. Rien ne bouge. C’est bien la preuve que toute cette comédie au sujet d’une « révolte » ne rime à rien à part le populisme. Les élections européennes risquent de prendre la forme d’un KO très net, sonnant encore plus les esprits d’une Gauche déjà déboussolée, désorientée, aux forces vives toujours plus restreintes. La situation est difficile, elle va l’être davantage encore.
Et on ne s’en sortira pas avec la fausse compassion et vraie condescendance des bobos. Le 25e acte a été accompagné du soutien très volontaire aux gilets jaunes de la part de 1400 membres des « métiers de la culture », c’est-à-dire des gens dont la carrière est de servir le capitalisme du divertissement et l’idéologie culturelle de l’État, et qui se définissent comme des « artistes, technicien·ne·s, aut·eur·rice·s », « écrivain·e·s, musicien·ne·s, réalisa·teur·trice·s, édit·eur·rice·s, sculpt·eur·rice·s, photographes, technicien·ne·s du son et de l’image, scénaristes, chorégraphes, dessinat·eur·rice·s, peintres, circassien·ne·s, comédien·ne·s, product·eur·rice·s, danseu·r·se·s, créat·eur·rice·s en tous genres », etc.
Ces termes propres à l’écriture inclusive, cette monstruosité anti-culturelle et anti-historique, proviennent d’une tribune publiée dans Libération (Gilets jaunes : nous ne sommes pas dupes !), qui soutient unilatéralement les gilets jaunes, en disant : « Les Gilets Jaunes, c’est nous. » Or, ces personnes vivent une vie strictement aux antipodes des gilets jaunes. Ils sont « connectés » et travaillent en rapport avec les centres urbains, surtout Paris, leur vision du monde est totalement bobo, leur parasitisme institutionnel ne peut se comparer qu’avec leur reconnaissance médiatique, etc.
C’est donc totalement décalé et on voit bien comment on a, une fois de plus, un plaquage de tout et n’importe quoi sur les gilets jaunes, en-dehors de toute analyse sociale réelle, en termes de lutte de classes. Juliette Binoche et Emmanuelle Béart qui se revendiquent gilets jaunes, c’est une tentative lamentable de récupération. Et malheureusement, en raison de la gauche post-industrielle, post-moderne, on est tombé aussi bas.
Cela ne peut que servir l’extrême-droite, qui elle utilise un discours formaté pour être accessible au peuple et l’amener dans les voies du nationalisme, du soutien à la compétition économique dans le monde, du renforcement de la cohésion sociale du pays c’est-à-dire de la soumission au capitalisme. Et plus les élections se rapprochent, plus cela va s’amplifier.