Mouvement apolitique défendant une noble cause, le parti animaliste a mis en place une liste comportant exclusivement, à très peu de choses près, des gens relevant de la bourgeoisie, des entrepreneurs, des cadres. C’est là ne pas être capable de relier la question animale aux enjeux d’une époque attendant des changements profonds et populaires.
Pour ces élections européennes, il y a un « parti animaliste » qui se présente. Si l’on est sincèrement de gauche, alors on entrevoit quelque chose de positif. La question animale se pose enfin et cela devient un thème incontournable. Cela manquait véritablement et il est indéniable que le véganisme est depuis longtemps une valeur sûre de la Gauche dans de nombreux pays déjà, tels l’Allemagne ou l’Autriche.
Le thème était en fait déjà présent dans le mouvement ouvrier dès le début, avant de disparaître une fois qu’il a été récupéré par l’anarchisme, qui lui-même l’a abandonné. Il revient et c’est une bonne chose… À condition que le regard qu’on porte sur lui soit cohérent. À moins en effet de considérer que le rapport aux animaux, à la nature, ou encore celui des hommes sur les femme, soit un phénomène qui se balade au-dessus de l’économie et de la société, on ne peut pas échapper à la nécessité d’une analyse liée au capitalisme.
Quand on dit cela, cela ne veut pas dire qu’il suffit de penser qu’une fois le capitalisme critiqué, on est dans le bon camp. Il faut analyser la société et voir les valeurs qui vont avec. Le fait de manger de la viande de manière massive est une conséquence d’une démarche du capitalisme lui-même, qui cherche des moyens de se renforcer et qui voit une possibilité pour cela avec des gens toujours plus gros.
Le capitalisme exige également l’individualisme, l’indifférence aux autres, des choix purement individuels, en toute « conscience ». L’empathie et la compassion sont donc rejetés, tout comme l’exigence de la sensibilité par rapport aux vivants. Être véritablement à Gauche, c’est ici saisir cela et assumer une démarche personnelle ouverte à la nature, aux animaux, à la végétation. C’est ni plus ni moins quelque chose qui relève du Socialisme, ou du Communisme, comme on le voudra. En tout cas, c’est le sens de la socialisation la plus large, du partage le plus grand.
Or, le Parti animaliste ne se situe pas du tout dans une telle perspective. Et pour cause ! On trouve sur son site la liste des candidats. Qu’y trouve-t-on ? Plusieurs responsables des Ressources Humaines, un chef d’entreprise, une avocate, une ancienne conseillère en communication, un commercial, un ingénieur consultant, une maître de conférences, une analyste recherche, une professeure en marketing, des juristes, une gestionnaire marchés publics, une indépendante en conseil en stratégie, un directeur commercial, plusieurs professeurs, une responsable Administratif et Financier, etc.
Humainement, ces gens ont très certainement un rapport positif aux animaux, ils sont dans le bon camp. Mais de par leur nature sociale, ils contribuent inéluctablement à appuyer le capitalisme. Ils sont étrangers à la classe ouvrière, voire même ils sont eux mêmes des capitalistes. On sait bien ce qu’est notamment quelqu’un s’occupant des Ressources Humaines aujourd’hui dans notre pays… C’est une fonction qui, par définition même, s’oppose fondamentalement aux intérêts des salariés, c’est une arme de l’entreprise contre eux…
Pourtant, n’est-ce pas le système tel qu’il existe qui amène un rapport néfaste pour les animaux ? Et ne faut-il pas être cohérent ? Car des gens qui ont une position sociale très favorable dans un système ne remettent pas en cause le système. Des gens qui font partie d’un système ne peuvent pas aller au bout d’une logique prônant son renversement, son dépassement. Immanquablement, il y aura une capitulation, car ces gens vivent par le système lui-même. Seul le mouvement ouvrier peut porter quelque chose qui aille jusqu’au bout.
Et, pire encore, l’idée de faire de la défense des animaux un thème indépendant de tout le reste, est une attaque directe à l’idée d’un projet révolutionnaire bouleversant tous les aspects de la vie quotidienne telle qu’on la connaît. D’ailleurs, le système appuie lui-même le Parti animaliste, qui existe en participant aux élections et en touchant des fonds par conséquent de l’État, après avoir récolté des voix avec des affiches présentant des animaux, histoire de s’attirer les sympathies. Il se revendique haut et fort comme au-delà des classes sociales :
« La question animale est transversale, elle concerne toutes les familles politiques, toutes les catégories sociales, les ruraux comme les urbains, les jeunes comme les personnes âgées, … »
Rien n’est pourtant au-dessus des classes sociales. La question animale d’ailleurs moins qu’une autre peut-être. La défense des animaux est portée en très grande majorité par des femmes, et en grande majorité par des personnes d’un certain âge, et en grande majorité par des gens d’origine populaire. Cette vérité est très lourde de sens. Elle a toute sa dignité et est un appel à transformer la réalité, car ici des valeurs s’expriment qui exigent la compassion.
Cela n’a rien à voir avec des gens des hautes couches sociales qui, par en haut, veulent un changement, même s’il apparaît comme positif. Aucun changement n’est possible par en haut. C’est le peuple seul qui transforme la réalité. Qui veut défendre les animaux agit pour mobiliser le peuple et ne réduit pas en le véganisme un phénomène bobo, mais en saisit la portée historique, en liaison avec le Socialisme.