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Les slogans très différents du PCF et de Die Linke pour les élections européennes

L’excellent discours anti-militarisme de Fabien Roussel du PCF que nous avons publiée hier ne masque pas un aspect essentiel : la Gauche allemande est bien plus avancée sur le plan des idées, plus volontaire, plus profonde aussi. La Gauche française a en comparaison l’air d’un mouvement « catho de gauche ».

Le discours à l’occasion du 8 mai de Français Fabien Roussel ( pour le PCF ), accompagné de l’Allemand Bernd Riexinger ( pour Die Linke ), au sujet des élections européennes, est un vrai appel contre le militarisme. Il y a même une référence ouverte à la crise des années 1930 ! On devine aisément que ce n’est pas le PCF qui est à l’origine de la majorité du texte, mais bien Die Linke.

Le PCF a en effet malheureusement une approche qui n’est pas du tout « années 1930 ». Il n’y a pas la bataille pour la base populaire. En Allemagne, on l’a par contre bien compris, comme en témoigne l’activité de Sahra Wagenknecht, notamment. Et cela se lit très bien dans les slogans utilisés pour les Européennes.

Le slogan du PCF est le suivant :

Pour l‘Europe des gens, contre l’Europe de l’argent

C’est un slogan apolitique, avec même une référence à l’argent qui, dans un pays marqué par Proudhon et le catholicisme, est toujours douteux. En France, l’argent est mal vu, même dans les classes dominantes. On ne parle pas de combien on gagne, cela ne se fait pas. L’esprit catholique de gauche prédomine et on a l’habitude partout de dénoncer les « nouveaux riches » qui eux étalent leurs richesses.

Le slogan utilisé en Allemagne par Die Linke est par contre bien différent :

Für ein solidarisches Europa der Millionen, gegen eine Europäische Union der Millionäre!

( Pour une Europe solidaire des millions, contre une Union européenne des millionnaires ! )

Die Linke oppose les millions ( de gens ) qui n’ont pas grand-chose aux quelques uns qui ont des millions. Le contraste entre les deux aspects est saisissant et relève nettement d’une lecture en termes de classes. Ce n’est pas « l’argent » comme abstraction qui est dénoncé, mais ceux qui se l’accaparent. Cela peut paraître une nuance infime, mais cela change tout. Le Vatican peut ouvertement dire la même chose que le PCF… mais ne peut pas du tout dire la même chose que Die Linke.

Une autre différence très importante est la question des institutions. Die Linke oppose une Europe solidaire des millions de personnes à l’Union européenne des millionnaires, c’est-à-dire qu’un autre projet européen est sous-jacent. Le PCF lui oppose l’Europe à l’Europe, comme si la même chose pouvait indifféremment avoir deux formes. On a ici quelque chose de totalement différent de ce que dit Die Linke.

Cette différence entre le PCF et Die Linke repose bien entendu sur des visions du monde fondamentalement différentes. Tous deux sont très marqués par l’expérience des pays de l’Est européen. Seulement, le PCF entend faire autre chose, considérant que l’expérience a totalement failli à la base, alors que Die Linke est davantage dans l’optique de faire pareil, mais totalement différemment. La République démocratique allemande est considérée comme une tentative sur un vaste chemin, en quelque sorte globalement positive.

On n’est pas obligé d’être d’accord. On ne peut que voir toutefois qu’il existe dans la Gauche allemande autour de Die Linke une valorisation du patrimoine du mouvement ouvrier, un prolongement dans l’identité. Ce n’est pas du tout le cas dans le PCF, à part pour quelques épisodes symboliques, vidés de leur sens.

Il ne s’agit pas ici de considérer positivement ou non l’expérience dans les pays de l’Est, soulignons le bien. Il s’agit simplement de voir que le PCF se veut quelque chose de totalement nouveau et que cela ne donne pas grand-chose sur le plan du contenu. Il y a beaucoup de promesses pour une dynamique future, mais cela tarde, cela ne ressort pas. Die Linke puise par contre dans le passé et cela lui insuffle une dynamique. On pourrait en préférer une autre, bien entendu, cependant cela ne change pas le fond de la question : on en revient à l’opposition entre la Gauche historique et celle de nature post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale.

Ce qui va se passer pour ces élections européennes est donc très important. Il faudra bien évaluer quel type de Gauche parvient à s’affirmer, lequel ne donne rien ou pas grand-chose. Lequel parvient à s’ancrer dans la population, lequel lui reste extérieur. La situation est différente selon les pays évidemment, mais il y aura forcément des enseignements, parce qu’au-delà des résultats électoraux ( qui sont bien secondaires par rapport à l’essentiel ), il y a le contenu, la perspective, la dynamique.