L’album de Bilal Hassani est un flop et son rapport à la musique est aussi faux que toute sa démarche. Au lieu de chercher à l’affirmation, à l’épanouissement de la personnalité, il est une figure du travestissement propre à un capitalisme ne proposant que le rapport commercial de l’individu entièrement tourné vers lui-même.
Malgré un véritable tabassage médiatique, l’album Kingdom de Bilal Hassani est un flop complet. Ce n’est pas étonnant, quoique vues les nullités qui pullulent dans les choses à la mode musicalement, il y avait de quoi s’inquiéter. Mais ce qui est reproché à Bilal Hassani, ce n’est finalement pas sa faiblesse musicale totale, c’est son côté faux.
Car, au fond, à quoi a-t-on eu droit, encore une fois ? À une opération des LGBT+ sur l’opinion démocratique. Les jeunes, voire les très jeunes plutôt, épris d’ouverture d’esprit, de volonté d’acceptation, ont encore une fois été les cibles des discours de l’ultra-libéralisme. Et s’il y a des gens qui devraient le plus combattre cela, ce sont biens les personnes homosexuelles, qui voient leur bataille historique pour la reconnaissance de leurs droits transformée en levier pour propager l’hédonisme, les identités à la carte, la négation de l’existence des droits et des femmes, le refus du couple comme norme naturelle et sociale, etc.
Or, le peuple est démocratique et donc si quelque chose est faux, à un moment, cela se voit. Bilal Hassani n’a tout simplement pas fait le poids. Comme l’Autrichien Conchita Wurst, à force de vouloir tout être sans rien assumer jamais, à force de refuser la moindre formalisation, à un moment cela ne passe plus. A-t-on d’ailleurs lu les paroles de sa chanson « roi », qui a représenté la France à l’Eurovision ? C’est le manifeste de la subjectivité la plus radicale, la théorie de l’ultra-libéralisme mise en texte.
Chacun peut faire comme il l’entend, comme il le désirerait, chacun « choisirait » la définition de sa vie, de sa propre réalité… Chacun serait le « roi » de sa propre vie. « Je suis free, oui, j’invente ma vie », « J’suis pas dans les codes, ça dérange beaucoup », « Quand je rêve, je suis un roi », « Toutes ces voix « fais comme ci, fais comme ça » », « Only God can judge you and me », « Ça passe ou ça casse, mais ça regarde qui? »…
C’est l’exact opposé de Spinoza, qui explique que l’être humain n’est pas « un empire dans un empire », que tout est déterminisme et qu’il faut en prendre conscience, pour bien faire les choses, correspondre à sa propre nature. C’est évidemment quelque chose n’allant pas en conformité avec la non-conformité du capitalisme, qui veut des consommations multipliées et démultipliées, tout se consommant, jusqu’à sa propre identité.
Vous prendrez quoi au menu religion ? Oui oui, on peut être gay en même temps, tout comme de gauche tout en étant capitaliste. Un petit sac Gucci à 600 euros comme le joueur de football Paul Pogba sinon juste en tenue de pèlerin, en simple robe, en pèlerinage à la Mecque, comme en ce moment ? Aucun problème. Marié, amoureux de quelqu’un d’autre, et même être quelqu’un d’autre ? Tout est possible, il suffit de payer. Il suffit de choisir. Personne peut juger.
L’Eurovision est devenu un vecteur important de cette démarche. Après sa période variété, suivie de sa période décalée, c’est devenu une usine à chansons formatées de type variété, avec des variantes reprenant les thèmes de la pseudo-subversion, de la fausse liberté mais vraie superficialité, de l’egotrip mis en exergue comme le point culminant de l’expression de soi. L’échec en France de Bilal Hassani est cohérent avec son succès à la candidature pour représenter la France à l’Eurovision : extérieur à la société française, il ne peut exister que dans une sorte de bulle au-delà de toute réalité culturelle.
Cependant, cela n’a pas suffit à emporter le concours de l’Eurovision. Malgré les grandes prétentions affichées, il a échoué à la 14e place du classement ce hier soir à Tel-Aviv en Israël, très loin derrière le néerlandais Duncan Laurence et son titre Arcade, bien plus lisse et consensuel.