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« Lettre aux camarades de l’UNEF »

[Cette lettre expose les griefs d’une minorité du syndicat étudiant UNEF, qui quitte la structure pour en monter une autre. Sa base est la Tendance unité et action syndicale.]

> Lire également : La scission au sein de l’UNEF

 

« Lettre aux camarades de l’UNEF

Issu-e-s principalement de la TUAS, ainsi que de la Majorité nationale de l’UNEF, nous faisons le choix aujourd’hui de quitter l’organisation. Ainsi, nous comptons bien expliquer une dernière fois notre démarche et retranscrire ici nos points d’analyse sur ce qu’est l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR) aujourd’hui, ce qu’est le mouvement étudiant, et enfin ce qu’est et n’est pas l’UNEF, les impasses dans lesquelles elle ne cesse de sombrer, et pourquoi il nous semble aujourd’hui nécessaire d’en finir.

Ce texte se veut un outil permettant d’amorcer ou d’approfondir les réflexions de l’ensemble des camarades du syndicat : quels sont les impératifs qui nous sont posés par l’évolution de l’ESR ? Comment doit s’adapter et répondre le syndicalisme étudiant ? Quel est notre rôle et notre devoir de syndicalistes aujourd’hui ? Depuis plusieurs années, ce sont l’ensemble des organisations syndicales, et globalement des organisations du mouvement social qui sont en déclin.

Cela se constate aussi bien pour le monde étudiant que pour le syndicalisme professionnel, ou encore dans le monde politique. Cette année universitaire est marquée par un contexte social inédit : le mouvement des Gilets jaunes. Bien que ses organisations traditionnelles soient affaiblies et n’aient pas été à l’initiative de ce mouvement, ce sont bien les classes populaires qui en sont actrices. Cette forme de lutte prolongée est inédite tant par sa durée que par ses formes d’organisation.

Ainsi, elle a ses atouts et ses faiblesses : massive et régulière, assumant un rapport de force en rupture avec la traditionnelle méthode du “dialogue social”, mais n’arrivant pas à mettre la question de la grève et d’un impact économique de masse véritable. Cette situation est révélatrice d’une nécessité de remise en question, d’autocritique profonde, et d’adaptation des structures syndicales.

1) L’Enseignement Supérieur d’aujourd’hui : Depuis les années 1980, et particulièrement les réformes suivant le processus de Bologne, l’ESR est soumis à un processus de libéralisation permettant à la bourgeoisie d’avoir des travailleurs et travailleuses mieux formé-e-s.

Ainsi, l’ESR passe progressivement d’un rôle de transmission et d’accroissement global des savoirs, a un rôle d’acquisition de compétences précises. La libéralisation s’est également accompagnée d’un processus de bipolarisation dans l’ESR avec d’un côté les grandes écoles et les universités élitistes, et d’un autre des facs de sciences humaines et sociales ou des universités de proximité sous financées car jugées non rentables, et des cursus courts et professionnalisant assurant un accès rapide au marché du travail.

Ainsi, l’ESR permet aux élites bourgeoises et petites bourgeoises d’accéder à des lieux de formation les amenant à des positions dominantes (écoles, prépas…), et les élèves et bachelier-e-s issu-e-s des classes populaires l’accès à des diplômes à dévaluation rapide, quand il ne sont pas simplement privé-e-s d’un accès à l’ESR.

Les questions de la formation professionnelle et de l’acquisition de compétence sont donc de moins en moins prises en charge par le patronat, mais directement par le service public de l’ESR, au détriment de la transmission pédagogique. Ainsi, les coupes budgétaires, l’autonomie des établissements, malgré le nombre croissant de bachelier-e-s, ne cessent de précariser nos formations, ne cessent de remettre en question des conditions d’études et de vie digne pour les étudiant-e-s.

Au delà des structures d’enseignements mises en danger, le système d’aides sociales directes et indirectes (CROUS) est fragilisé toujours plus chaque année. Le nombre d’étudiant-e-s salarié-e-s est toujours faramineux, le salariat étant toujours la première cause d’échec dans l’enseignement supérieur. 2) Le mouvement étudiant d’aujourd’hui : L’affaiblissement général du mouvement étudiant lors des 30 dernières années s’est également accompagné d’une perte d’hégémonie de l’UNEF dans ce dernier.

On s’attarde beaucoup sur le fait que l’UNEF n’ai plus le leadership de la représentation étudiante dans les différents conseils de l’ESR, mais beaucoup moins de la réduction de son rôle lors des mobilisations et de sa pertinence en tant qu’outil de lutte.

Ainsi, l’UNEF a de moins en moins de place dans le mouvement étudiant, aussi bien d’un point de vue institutionnel que sur les campus universitaire, tant dans l’animation de la vie étudiante et la solidarité, que dans les mobilisations. Le milieu étudiant, à l’image de notre société, connaît un virage à droite et une grande dépolitisation.

Le syndicalisme est aujourd’hui représenté par trois type de structures : l’UNEF, dont nous posons aujourd’hui une analyse extrêmement critique ; Solidaires étudiant-e-s qui, bien qu’ayant une démarche syndicale s’inscrivant dans les luttes étudiantes est freiné par son fonctionnement autogestionnaire ; et enfin les syndicats locaux, présent-e-s dans les mobilisations et dans la vie étudiante mais dont la vision de l’ESR ne peut être que partielle ce qui implique mécaniquement des manquements dans les pratiques.

En plus de ce paysage syndical de plus en plus restreint, le mouvement étudiant laisse du terrain au corporatisme et à la dépolitisation : jamais la FAGE n’a été aussi forte, cette dernière continue de grandir et d’étendre son réseau, est reconnue comme première interlocutrice du gouvernement, et bien souvent couvée par les différentes administrations.

3) L’importance d’un réel syndicalisme étudiant : Notre place dans l’UNEF doit nous interroger sur le sens de notre engagement : le syndicalisme étudiant.

Qu’est ce que le syndicalisme de manière générale, qu’est ce que la spécificité du syndicalisme étudiant ? Historiquement, l’UNEF prend ses sources dans le corporatisme, avant de se revendiquer d’une identité syndicale après-guerre. Dans les faits, l’organisation est un cartel des différentes familles de la gauche présentes sur les universités, soumises à des jeux de pouvoirs permanents.

C’est d’ailleurs la source de la structuration en tendances du syndicat : trouver des règles communes permettant de faire cohabiter ces groupes, parfois avec succès, parfois sans y parvenir, soumettant l’organisation à des risques de fractions internes ou de scissions.

Nous, syndicalistes étudiant-e-s, pensons qu’il est grand temps de traduire notre vision du syndicalisme par la pratique et dans le mode de structuration que nous nous donnons. Ainsi, nous nous refusons d’avoir pour rôle d’être la “maison commune de la gauche” sur les établissements d’enseignement supérieur. Pour nous, l’identité syndicale est avant tout une identité de classe. Le syndicalisme est né dans le besoin de la classe ouvrière de s’organiser et lutter pour dépasser sa condition d’exploitée.

Le rôle des syndicalistes est donc d’élever le niveau de conscience, dans la solidarité de classe et les luttes, du milieu qu’elles et ils organisent. Le syndicalisme étudiant connaît une particularité : il n’organise pas une classe sociale, mais un groupe relativement hétérogène socialement.

Cependant, la lutte des classes impacte grandement l’ESR depuis le début des réformes de libéralisation qui y sont menées, les classes populaires y ayant un accès de plus en plus restreint, ou se voyant envoyées très tôt sur le marché du travail dans des contrats courts et précaires lorsqu’elles n’y ont plus accès. La lutte des classes traverse ainsi les structures de l’ESR, nécessitant l’existence d’une organisation syndicale de lutte, apte à défendre une vision populaire et ouverte de l’ESR.

C’est là que se trouve les sources du syndicalisme étudiant, s’organiser et lutter pour l’accès du plus grand nombre à un enseignement émancipateur et critique, non soumis aux logiques de rentabilités et aux intérêts bourgeois. Ainsi, le syndicalisme étudiant prend sa place dans le mouvement social, dans la lutte des classes, c’est là le sens de notre engagement.

Aujourd’hui, c’est un rôle que l’UNEF ne sait assumer, tant dans ses pratiques que par le cadre de sa structure, mais aussi dans l’analyse de son rôle, confondant la défense d’une classe sociale de l’organisation d’une “classe d’âge”, se revendiquant à la fois “syndicat étudiant” et “organisation de jeunesse”. L’UNEF n’est pas à la hauteur et ne se donne pas les moyens pour mener à bien cette mission syndicale.

4) Le rapport aux instances représentatives : L’activité de l’UNEF et la majeure partie de l’investissement de ses membres s’établissent en fonction de l’enjeu électoral.

Ainsi, deux semestres sur quatre, l’activité se concentre uniquement sur la préparation des élections, des dispos extérieurs afin d’assurer une présence du syndicat même sur les universités où nous n’avons pas ou plus d’équipes. Au delà des cycles de CROUS et de centraux “classiques” qui se concentrent sur 2 semestres l’UNEF joue aussi toutes les élections universitaires qui se tiennent hors de ces périodes et fait gravité une grande partie de son activité et de son énergie militante autour des cycles électoraux (UFR, Comue…). Dans le discours, la direction de l’UNEF parle d’une stratégie des deux jambes : une jambe dans la mobilisation, et une jambe dans les institutions.

Dans les faits, l’UNEF n’assure plus aucune mobilisation de manière sérieuse dans la plupart des universités. Et lorsqu’elle a des élu-e-s sa présence dans les conseils est réduite, voire nulle étant donné qu’une large partie des élu-e-s n’est issue que d’actes de couloirs et n’ont aucunes réelles volontés de siéger. Les cycles centraux sont consommateurs d’une énergie militante énorme pour des résultats minimes sur le milieu étudiant.

Théorisés comme étant un outil d’élévation de conscience, les élections ne permettent pas de remplir les objectifs syndicaux qu’on leur prétend. Il serait malhonnête d’affirmer que quelques jours de campagne (J-7, J-1) basés sur des dispos extérieurs et qu’une journée de dispo intense comme on peut connaître les jours de vote permettent aux étudiant-e-s de se conscientiser sur la question de la précarité, du salariat étudiant, de l’accès à la santé etc.

Cette attention disproportionnée accordée aux élections et aux conseils étudiants est d’autant plus embêtante qu’elle est ridicule. Les conseils étudiants ont été créés afin d’absorber les contestations et revendications étudiantes en leur accordant un accès factice à l’appareil décisionnaire des universités.

Aujourd’hui, les élu-e-s de l’UNEF correspondent à une minorité au sein des élu-e-s étudiants, eux mêmes minoritaires au sein des conseils. C’est d’autant plus d’éléments qui nous permettent de dire que notre impact via les conseils et l’importance qu’on leur accorde est démesurée. Ce positionnement vis-à-vis des institutions et des organes représentatifs est révélateur d’un rapport électoraliste et opportuniste à la représentation étudiante, malgré la bonne volonté que peuvent y mettre les camarades.

En effet, celui-ci puisqu’il s’explique par la dépendance du syndicat vis-à-vis des subventions ministérielles, résultant du nombre d’élu-e-s CNESER, dépendant directement du nombre d’élu-e-s dans les conseils de chaque université. Ce constat est d’autant plus problématique qu’il va à l’encontre du principe d’indépendance revendiqué par de nombreux syndicats, notamment l’UNEF. Car si le bon fonctionnement de l’UNEF repose essentiellement sur les subventions de l’état, l’UNEF est dépendante des intérêts de l’Etat qui sont contraires aux nôtres.

Or, cette indépendance est primordiale et doit être un des objectifs structurels prioritaire à atteindre et doit orienter notre manière de faire du syndicalisme. Il est important d’analyser la pertinence de mener des élections quand une section locale n’a pas les apports effectifs et militants pour être visible quotidiennement sur la fac via son action concrète, qui donne son sens premier à l’action syndicale.

L’argumentaire est purement hypocrite lorsqu’on pose les pieds pour la première fois dans un IUT, dans le seul but d’aller racler des voix chez les étudiant-e-s les plus exclu-e-s des services du CROUS. La faiblesse structurelle du syndicat observée depuis maintenant 5 ans creuse une contradiction entre la nécessité de maintenir le nombre d’élu-e-s assurant les subventions, et son affaiblissement sur de nombreuses sections locales.

Cette réalité amène à un décalage entre une absence de l’UNEF dans le quotidien des étudiant-e-s tout au long de l’année, et une sur-représentation assurée par des dispos extérieurs lors des élections, dans l’intérêt de la structure, les élu-e-s étant soit absents, soit ayant des initiatives et une volonté d’agir, mais découlant sur un impact très limité car n’étant pas appuyée par un travail de terrain.

5) Notre place dans les luttes étudiantes : La stratégie des “deux jambes”, comme nous l’avons vu, est largement biaisée.

Le caractère électoraliste et bureaucratique de l’organisation, existant pour son intérêt propre et cherchant principalement une légitimité auprès d’institutions plus qu’auprès des étudiant-e-s directement, fait que la question de la mobilisation étudiante est complètement éludée.

Ne pouvant plus compter sur des équipes syndicales fortes sur la majorité des facs, l’UNEF ne se concentre que dans la représentation politique et médiatique, et des rendez-vous ministériels pour négocier des miettes et se donner artificiellement de la légitimité.

Le positionnement institutionnel du syndicat, pousse aujourd’hui les sections locales à prioriser de manière mécanique les négociations en conseils ou auprès des administrations.

Cela pose problème quand les débouchés de ces négociations tapent à côté des revendications et des méthodes d’action des mobilisations et amène les militant-e-s à être en décalage avec le reste du mouvement étudiants. L’UNEF, par sa construction est aussi en incapacité de mener des mouvements sociaux en propre dans pleins de villes universitaires puisqu’elle n’a plus assez de sections locales en capacité de le faire par son nombre trop réduit de militant-e-s.

Ayant un prestance médiatique héritée du passé et de la renommée de l’organisation, elle capte souvent l’attention des médias et véhicule des positions au nom du mouvement social alors que ces dernières sont de plus en plus souvent minoritaires au sein du paysage contestataire et même de sa propre organisation. L’UNEF n’est plus motrice des mobilisations sociales ou à l’avant-garde des contestations comme elle le prétend.

Même si l’organisation peut être réactive sur plusieurs sujets, et même si elle avait la volonté de créer de réels rapports de forces, elle n’en a pas les capacités et ne s’en donne pas les moyens. Des sections locales, parfois très réduites, se retrouvent à devoir gérer entre le nom d’une organisation dotée d’un historique en demi-teinte et son attitude imbue d’elle même lorsqu’elle agit sans concerter le reste des acteur-trice-s alors qu’elle n’a plus le rapport de force de son côté depuis des années.

Ainsi, elle se rend détestable de tout le milieu étudiant et se fait souvent jetée des mobilisations naissantes. C’est une grande perte puisque ce sont les militant-e-s sur le terrain, parfois sans connaissance de tous ces éléments qui en pâtissent (notamment les nouvelles et nouveaux camarades), et à qui rencontre des limites dans leur progression sur des bases immatérielles.

6) Le réel impact de l’UNEF sur le milieu étudiant : Afin que nous puissions avoir un impact sur le milieu étudiant, il faudrait que l’UNEF soit construite.

Aujourd’hui l’UNEF n’est construite que très partiellement sur le territoire français et continue pourtant d’agir comme si elle était hégémonique. Elle cherche juste à faire tourner sa machine comme elle le fait depuis 30 ans sans se préoccuper de son affaiblissement structurel et militant pour deux raisons : d’un côté la direction n’a aucune vision sur ce qu’il se passe précisément en interne, de l’autre elle n’assume pas s’être autant affaiblie. La multiplication des déserts syndicaux, autrefois occupés par l’UNEF, n’est que symptomatique des fonctionnements décrits plus haut et de la détérioration interne et externe de l’UNEF.

On a revu à la baisse nos exigences sur les structures. C’est ce qui a conduit l’UNEF à se satisfaire d’AGE-individus jusqu’à leur fixer des objectifs du même acabits qu’à des AGE construites.

Le fonctionnement même de l’UNEF empêche à ses sections locales de relever la tête : en effet, lorsqu’un ou plusieurs cadres devient capable de faire fonctionner sa section locale, la structure a tendance à les mobiliser rapidement pour répondre à des besoins bureaucratiques internes ou externes (gérer les clashs entre tendances, gérer des élections, diverses commissions et conseils). Cela peut ou non se faire par une montée au bureau national mais qui, dans tous les cas, déstabilise la section locale.

Aussi, le besoin fort en cadres nationaux, elles et eux-même mobilisé-e-s pour effectuer les même tâches bureaucratiques sans impact réel sur le milieu étudiant ne sont que des illustrations supplémentaires de l’aspect court-termiste des réflexions.

En effet, plutôt que de chercher à pérenniser leurs sections locales en laissant les cadres efficaces progresser individuellement, développer leur section locale et ainsi faire du syndicalisme étudiant au quotidien, l’UNEF fait le choix de renforcer en soi sa structure par le biais de montées au BN ou la délégation de tâches vides de sens afin de remplir des objectifs immédiats de préservation de la structure.

Les effectifs militants sur des AGE sont très disparates et la tendance est de ne pas apprendre de l’expérience des AGE qui ont pu se construire en produisant une analyse poussée des succès et échecs de leur stratégie de construction. Bien au contraire, par manque d’autocritique, qui est un outil primordial à l’amélioration de l’activité locale, et par des choix précipités et déconnectés de la réalité militante et étudiante, des AGE se sont vu déstabilisées là où elles auraient pu progresser.

Ces besoins de la structure, ainsi que les cycles habituels et rapide de l’UNEF, entre rentrées universitaires, élections CROUS, élections centraux, et congrès, ne font que freiner la construction et le renforcement des sections locales. L’impact sur le milieu est limité, car naturellement conditionné par la santé des AGE et leur état. Ainsi, l’UNEF est absente d’une part beaucoup trop importante des campus de France et il s’agit de le reconnaître, elle n’a qu’un impact minime sur le monde étudiant.

Or, si on suit l’état des mobilisations, aujourd’hui déjà très polarisées sur quelque bastions, l’UNEF n’a que très peu, voire pas du tout, de visibilité puisque très peu d’impact concret. La construction et l’activité d’une AGE ne peut pas reposer sur la bonne volonté et la discipline d’un seul individu.

7) Le système en tendances : La première contradiction qui opère dans le fonctionnement de l’organisation découle du fait même de sa structuration interne.

L’UNEF est sclérosée et divisée par son système en tendances, qui alimente et fige les clivages et éloigne les individus des objectifs communs de l’organisation. Cette structuration se justifie par la volonté du syndicat de se revendiquer comme étant la “maison commune de la gauche”, un agglomérat de groupes politiques ayant pour vocation de tirer le syndicat vers sa ligne propre. Ce système est l’héritage d’une organisation centenaire, s’étant composée et recomposée en interne après une forte politisation, et la nécessité de faire cohabiter des groupes politiques forts au sein du monde étudiant.
Les contradictions d’un tel système ont déjà été exacerbées jusqu’au point de rupture de nombreuses fois dans l’histoire de l’UNEF, mais la situation actuelle est sans précédent, avec une direction qui s’acharne à vouloir maintenir un système qui divise, dans une UNEF affaiblie comme elle ne l’a jamais été auparavant, et dans un contexte de recomposition et d’effondrement de la gauche française qui ne prête plus de sens à un système qui en était déjà vidé.

Dans cet espèce de théâtre étudiant de la gauche, la direction se veut naturellement d’en incarner le centre pour pouvoir se maintenir en place, de s’illustrer comme étant le choix le plus “raisonnable”.

Elle a donc besoin d’une gauche (actuellement incarnée par UAS et de manière encore plus marginale par la TACLE) et d’une droite (incarnée par la TASER). C’est là qu’on décèle la fumisterie du système en tendance: plusieurs fois, la majorité nationale, étant juge et parti dans ce jeu, fait le choix de maintenir en vie artificiellement des tendances dont l’existence justifie sa propre légitimité.

En période de congrès, elle leur offre des signatures de présidences d’AGE de la TMN pour statutairement maintenir la TACLE (en faisant signer le PAGE TMN de Valenciennes avant le congrès de 2017, sans aucunement leur accorder le moindre respect sur les AGE où ils construisent réellement le syndicalisme étudiant comme Nanterre, leur légitimité étant déterminée par des scores de congrès), ou encore en produisant des fausses voix pour gonfler les scores nationaux de la TASER (une trentaine de voix sur l’AGE TMN de Toulouse pour une TASER localement inexistante).

Ainsi, pour asseoir sa place de direction politique, la majorité nationale doit se maintenir une gauche, mais surtout une droite qui la blanchit aux yeux de la base, et n’hésite pas à la maintenir coûte que coûte, qu’importe à quel point la “droite” de l’UNEF se montre profondément réactionnaire et libérale.

C’est le cas de la TASER actuelle, qui n’adopte pas des positionnements dits de la droite de la gauche, mais juste réactionnaires et dans les intérêts de la bourgeoisie, en revendiquant l’entrée des intérêts privés dans le service public de l’ESR, et en assumant des positionnements réactionnaires sur les questions de laïcité, de racisme et plus globalement d’oppressions systémiques.

Inutile de rappeler les nombreux témoignages de ces positionnements, ou les actes dangereux auxquels ils ont prit part, sans jamais que leur existence dans un syndicat qui se dit progressiste, féministe et antiraciste ne soit remise en question par la direction, ni que des sanctions soient appliquées.

Cette attitude de la part de la direction ne se justifie que par la nécessité pour se maintenir, de maintenir sa droite, peu importe celle ci. Le système en tendances permet donc à des groupes néfastes à l’organisation d’y exister, et ouvre la porte à tous les opportunismes.

Les deux dernières années de l’organisation ont particulièrement prouvées l’essoufflement de ce système, à travers les différentes implosions qui ont prit la forme de fractions internes aux tendances.

Ces fractions, qu’importe leurs revendications ou leur projet syndical et/ou politique découlent de manière naturelle de la logique de tendances : chaque désaccord interne à l’orga (ou aux tendances qui fonctionnent comme des orgas dans l’orga) se cristallisent dans la création d’un nouveau groupe, qui aura de fait une place et un droit d’existence, sans jamais laisser place à une possibilité de dépasser ses désaccords et d’avancer ensemble.

Ces fractions ne sont aucunement une dérive du système en tendances, elles en sont la nature même, et les enjeux de pouvoirs internes nous prennent toujours plus dans la division stérile. De fait, le système en tendances implique l’existence naturelle des opportunistes dans le syndicat, qui s’en saisissent pour avancer leur agenda personnel ou politique.

Mais le système en tendances, c’est avant tout un fonctionnement qui impacte profondément le militantisme sur les sections locales qui en subissent les effets. Matériellement, les camarades dans une section locale qui n’appartiennent pas à la tendance en direction localement se retrouvent en quasi incapacité de mener une activité militante de manière saine, et sont assujettis à des rapports de force figés lors des congrès.

Ils n’ont pas accès aux locaux la plupart du temps, n’ont aucun impact décisionnaire, et se voient attribués des lieux et des horaires où ils et elles ont le droit ou pas de militer.

C’est encore une autre limite de cette structuration du syndicat : localement, c’est une bataille constante entre les membres d’une même AGE, qui entrave l’application d’une activité militante pérenne et efficace. Ce fonctionnement pousse tous les groupes au sein de l’UNEF à s’illustrer dans des postures en permanence. Sans arrêt pris dans les enjeux de pouvoirs, les groupes syndicaux au sein de l’UNEF sont dans l’incapacité de se présenter tels qu’ils sont réellement sans mettre en danger leur place ou leur rapport de force au sein du syndicat.

On se retrouve dans une situation où personne dans l’UNEF n’a une vision claire sur comment se porte vraiment notre organisation. Cette opacité que produit le système en tendance empêche d’établir un véritable bilan des forces du syndicat, et nous rend incapable d’enclencher la moindre évolution dans nos pratiques, chacun-e des camarades engagé-e-s dans l’organisation étant sommé de faire passer l’intérêt de son groupe syndical avant celui de la structure syndicale.

Nos gueguerres internes n’ont eu de cesse que d’affaiblir l’organisation, et de manière plus générale le mouvement social étudiant, pourtant la structuration même du syndicat en dépend. Mais l’ampleur néfaste de ce système ne prend réellement son sens que lors des cycles les plus autodestructeurs pour l’organisation et ses membres : les congrès.

8) Le congrès de l’UNEF : Le congrès de l’UNEF se résume en trois choses : Perte de temps, perte d’argent, perte de militant-e-s.

Ainsi, dans toute organisation nationale, le congrès est l’occasion pour les associations membres de discuter du projet de l’organisation et de renouveler l’équipe dirigeante.

A l’UNEF, le congrès n’est pas un temps démocratique, ce n’est même pas un temps de débat. Le congrès de l’UNEF est le moment qui institutionnalise une guerre ouverte entre les différents groupes internes de l’UNEF, où chacun-e fait adhérer le plus de monde possible pour les faire voter.

Le nombre d’adhésion en période de congrès explose, et la plupart de ces adhérent-e-s de congrès ne connaissent pas réellement l’UNEF, et ne savent même pas pourquoi ils et elles votent. Le semestre du congrès, aucune activité syndicale n’est réellement possible, tant la préparation de celui-ci prend du temps à l’ensemble de ses cadres. Les nombreuses adhésions sont uniquement et entièrement payées par les tendances minoritaires, représentant alors un véritable gouffre financier.

Des centaines d’adhésions sont ainsi faites dans des universités où le nombre de militant-e-s est en temps normal très restreint. Pendant deux semaines, les congrès locaux sont organisés et sont un moment de vote (ouvert et par émargement) de l’ensemble des gens ayant adhéré. Sur un, deux, ou trois jours, ce sont tou-te-s les étudiant-e-s des campus de France qui sont arrêté-e-s pour leur demander “est ce que tu es adhérent-e à l’UNEF?”, si la réponse est négative, tant pis, si c’est positif, chaque tendance cherche à argumenter et contre argumenter dans la minute, et amener l’étudiant-e voter directement pour elle.

Des rendez vous secrets sont donc pris en amont pour des centaines de personnes, dans des cafets, des couloirs, etc, pour “sectariser” les adhérent-e-s et expliquer précisément la procédure de vote afin qu’il ne puisse pas être “retourné-e-s” par une autre tendance, et donc avoir “investi” dans une carte pour rien. Au moment du congrès, la contradiction entre direction du syndicat et tendance majoritaire est plus ouverte que jamais.

Ainsi la tendance majoritaire utilise l’ensemble des instances du syndicat à son profit afin de se maintenir majoritaire dans le syndicat les deux années à venir (temps entre deux congrès). Étant majoritaire dans les instances de contrôle, les décisions prises par ces dernières se font toujours dans son intérêt. Par exemple, la CNVM (commission nationale de validation des mandats) est chargée de régler les litiges concernant les votes : composée à la proportionnelle des tendances, la TMN fait valider les votes en sa faveur, et invalider les votes des tendances minoritaires lorsque celles-ci sont en passe de devenir majoritaires sur une AGE (Lille en 2017, Reims en 2015, etc.).

Enfin, le congrès de l’UNEF est un moment d’une grande violence, où le mot de camarade est proscrit. La suspicion, les insultes, les comportements oppressifs, etc sont légion. A chaque congrès, de nombreux-ses camarades, souvent prometteurs-ses, démissionnent et quittent l’organisation, car ils ou elles ne se sont pas engagé-e-s pour subir et faire subir de la violence au sein de l’organisation.

Le dernier congrès, le 85ème, a été un moment traumatisant pour beaucoup d’entre nous, un investissement en énergie et une perte de camarades faisant face aux insultes, aux mensonges, aux abus de pouvoir, etc. Beaucoup d’entre nous, ne sont pas parvenu-e-s à reconsidérer une grande partie des camarades du syndicat comme des allié-e-s après ça. Occupées à gérer le congrès, les sections locales ne peuvent s’atteler à maintenir une activité dite traditionnelle sur leur fac.

Cette passivité en terme d’action concrète mène beaucoup de militant-e-s à être déçu-e-s par le syndicalisme au sein de l’UNEF, ne comprenant pas le sens des priorités de la section locale: privilégier un temps de congrès, perçu de manière absurde par l’extérieur, à la résolution de PDI ou le militantisme quotidien.

Sur le cas spécifique des oppressions, les tensions générées par le congrès et ses affrontements poussent les différentes tendances du syndicat à couvrir des cas de violences physiques et psychologiques faites par ses militant-e-s sur d’autres membres, ainsi que des profils que l’on sait dangereux (harceleurs-euses, agresseurs-sseuses sexuels).

Nous pensons que dans chaque cadre d’organisation, les structures de domination (racisme, patriarcat, etc.) sont l’unique cause des oppressions vécues en interne. Contre cela, les cadres mis en place peuvent aussi bien résoudre une partie de ces contradictions et améliorer la situation, tout comme ils peuvent participer à les exacerber et les pousser à leur paroxysme. C’est le cas du système en tendances en poussant aux affrontements violents et frontaux, et au fait que chaque individu défende son groupe coute que coute.

Contre cela, une résolution (article du règlement intérieur du congrès) a été mise en place pour lutter contre les comportements oppressifs lors des congrès locaux, obligeant les membres ayant des comportements oppressifs à seulement quitter le campus (généralement pour aller faire le congrès sur le campus d’à côté).

Racisme, sexisme, homophobie, transphobie, validisme sont ainsi monnaie courante. Le meilleur exemple est certainement la réaction de la direction du syndicat au dernier congrès, en 2017, contre l’action symbolique de plusieurs dizaines de femmes de l’organisation.

Celles-ci ont organisé le fait de se réunir à la tribune du congrès pour lire un texte dénonçant les comportements sexistes pendant le congrès : elles en ont été empêchées physiquement sur ordre de la direction, certaines ont été frappées et insultées par des hommes du bureau national, jusqu’à ce que ces dernières réussissent à passer malgré tout. Les réformes annoncées par la direction pour remédier aux problématiques soulevées et vécues par les militant-e-s sont décevantes et ne permettent en rien d’y répondre.

En effet, il ne s’agit que de réformes à la marge, le système en tendance ne pouvant être réformé sans être aboli. La direction du syndicat utilise ainsi cet argument de la réforme sans que ce qui est proposé ne change réellement les problèmes structurels du syndicat.

La possibilité de quitter le syndicat est ainsi en réflexion depuis maintenant plusieurs années chez de nombreux et nombreuses camarades. Nous avons ici pris la décision de quitter l’organisation avant le 86ème congrès entre autres pour ne pas avoir à assumer une guerre nous coûtant des équipes. Nous ne sommes pas syndicalistes pour assumer des temporalités comme celles-ci, aussi dures d’un point de vue structurel et humain. le 86ème congrès aurait grandement affaiblit nos équipes syndicales pour de purs enjeux de pouvoirs internes, et nous nous sommes refusé-e-s à cela.

9) La situation interne de la Tendance majorité nationale (TMN) : Si l’opacité et la culture du silence qui règnent au sein de l’UNEF découle de son système en tendances de manière globale, il s’immisce aussi au sein de la majo elle même.

En effet, le constat est que les sections locales ne savent qu’en surface et de manière déformé ce qui se passe dans les autres AGEs et le transfert se fait surtout par des biais affinitaires donc très différenciés en fonction des degrés d’intégration sociale des camarades. Cette opacité de l’information ne se limite pas à la sphère des responsabilités locales puisque les mêmes mécanismes sont présents au sein du BN.

A titre d’exemple, la secrétaire générale et l’équipe statutaire en général n’ont aucune vision sur ce qu’il se passe précisément dans l’UNEF, étant donné que chaque tendance ne laisse pas transparaître la réalité de ses sections, et que la pression et le manque de confiance au sein de la majo fait que les autres BN ne donnent pas les vrais éléments sur le suivi effectué, les campagnes, etc. Souvent, la commission province découvrait en rappelant les AGE le weekend que les BN ne s’étaient pas rendu-e-s sur leurs suivis alors qu’ils ou elles l’avaient déclaré au secrétariat général.

Cet artifice qu’est la démocratie interne que revendique la majorité nationale n’est en fait que le maintien d’une pensée unique au sein de l’organisation. Les responsables locaux mais aussi nationaux n’ont pas de prises de décisions stratégiques sur l’activité du syndicat qui est théorisée et proposée uniquement par la direction nationale.

Ainsi, un désaccord posé de manière publique revient à s’exposer à une marginalisation dont des militant-e-s ont fait les frais. De plus, les raisons des départs de membres du BN qui ont posé de forts désaccords sur le fonctionnement interne sont camouflés afin que la remise en question soit mise sous le tapis et ne puisse pas être dévoilée au grand jour.

Ces départs prématurés se sont multipliés ces dernières années, résultant d’une absence totale de cadres de critique, et d’autocritiques, beaucoup de membres pensent pouvoir pourtant changer l’UNEF en interne par leur volonté et action propre.

Malheureusement, penser pouvoir procéder efficacement de cette manière serait surestimer le poids de la structure sur les individus, celle-ci ayant tendance à transformer les individus qui l’intègrent, et non l’inverse. Ainsi, une minorité de cadres de la majorité nationale sont réellement convaincu-e-s des pratiques et théorisations de la tendance, une grande partie la défend par défaut, pensant pouvoir agir sur elles pour les transformer, sans y parvenir.

Enfin, le nombre d’individus et d’AGEs se retrouvant dans la majorité nationale par défaut est très grand : cette dernière fuyant les discussions et les cadres de critiques avec les autres tendances, elle ne parle que très tardivement de l’existence des tendances à ses membres, ces dernier-e-s se retrouvant là sans jamais l’avoir réellement souhaité et sans en être convaincu-e-s.

Toute forme de promotion du bien être militant devient factice dès lors que le modèle du moine soldat n’est pas remis en question. Alors que la discipline permet une efficacité non négligeable, une discipline qui n’est ni théorisée, ni consciente ne peut être réellement efficace.

Elle ne s’illustre plus que par une sélection et par la loi du ou de la plus fort-e qui est au mieux improductive, au pire purement destructrice aussi bien individuellement que structurellement. Baser tout son mode de construction sur un modèle d’individu soldat-e devant gérer tout institutionnellement et s’épuisent en dispo extérieur.

En plus de l’impact de ce mode de fonctionnement sur les individus et le bien-être, fonctionner de cette manière créé de fait une déconnexion entre militant-e-s de l’UNEF et le monde étudiant.

En effet, ce syndicalisme “d’avant-garde” ne permet pas de saisir la spécificité de chaque campus, chaque filière, etc. Cela creuse une déconnexion dans le militantisme, tant dans les pratiques militantes que dans le mode de vie des syndicalistes, à des années lumière d’un mode de vie étudiant “lambda” (rapport aux cours, à la vie étudiante, etc.). La théorisation de l’action syndicale menée nationalement est révélateur d’un décalage avec les réalités vécues sur les AGE.

En effet, on constate une volonté dérisoire et idéaliste que l’UNEF soit présente sur tous les fronts simultanément alors que la capacité effective militante ne suit pas, découlant de nombreuses fois sur une incapacité à gérer ses différents champs d’action. Ainsi chaque action, y compris purement bureaucratique, est théorisée comme une “mobilisation” : d’un dépôt de motion dans une instance à une interview donnée à un média.

Dans le discours de la direction de l’UNEF il n’y a pas de différenciation entre des actions qui ont un véritable impact sur le milieu étudiant et celles qui sont uniquement nécessaires pour exister institutionnellement mais qui n’ont pas d’impact concret. Le fait de se concentrer sur le deuxième mode d’action mène aussi à une dépolitisation du milieu étudiant qui se mobilise donc de moins en moins et ne permet pas de mettre en place un véritable rapport de force face à des réformes réactionnaires.

Ainsi, les campagnes nationales totalement hors sol et peu réfléchies dans leur transcription dans leur réalité s’avère infructueuse avec un impact minime même dans leur objectif de conscientisation du milieu étudiant. On se retrouve avec des campagnes nationales où des camarades seul-e-s sur leur AGE doivent mener l’activité en soi, mais qui ne reçoivent aucunes aides.

Plus généralement, le fonctionnement de la majorité nationale a des impacts sur le développement des sections locales. Malgré toute la volonté et les efforts que peuvent mettre en oeuvre les camarades des sections locales l’appartenance de celles-ci à la TMN freine de fait leur développement structurel pérenne.

En effet au lieu d’établir une stratégie de développement sur chaque AGE qui prenne en compte les spécificités locales, la majorité nationale fait reposer sur un faible nombre d’individus ultra investis le fait de remplir les objectifs syndicaux (notamment électoraux). En terme de développement ces individus se concentrent consciemment ou non sur le fait de recruter la future génération de moines soldats.

Il n’y a aucune réflexion sur la théorisation d’un CAS comme un lieu cohérent de vie et d’étude ou sur la ramification des structures locales afin de permettre un meilleur développement de celles-ci par exemple. Les sections locales bénéficient de très peu d’autonomie dans la gestion de leur activité syndicale.

Des campagnes nationales souvent déconnectées des situations locales sont obligatoirement mises en place par les AGE, sous peine de s’exposer à des remontrances de la direction. Si les initiatives de campagnes locales ne sont pas forcément refusées par les suivis, les dirigeant-e-s locaux-ales ne sont pas formé-e-s ni encouragé-e-s à réfléchir sur leur activité syndicale localement et à produire des campagnes locales.

Ces initiatives, bien que largement mises en avant lors des bilans en CN, sont donc marginales et souvent fortuites. La répartition des suivis sur les AGE n’échappe pas au manque de réflexion interne sur le développement de l’UNEF.

Au lieu d’établir des critères pertinents pour permettre de remplir les objectifs syndicaux et développer l’organisation (besoins des AGE, capacités et marges de progression des membres du BN, cohérence géographique), le schéma de suivi est réfléchi en fonction de critères individuels.

Ainsi les éléments pris en compte sont notamment le degré d’implication des membres du BN (est-ce que la personne va sur ses suivis et répond au téléphone ou pas), le fait qu’il y ait des objectifs électoraux sur le court terme ou pas et sa capacité à maintenir des gens dans la ligne.

Par exemple un suivi qui a tendance à ne pas se rendre sur ses suivis (par ses responsabilités comme les statutaires nationaux, ou par le fait qu’ils ou elles ne veulent juste pas y aller) et à ne pas l’accompagner sera assigné à une section locale qui peut se débrouiller toute seule ou bien qui n’a pas d’objectifs électoraux sur le court terme.

En revanche, les suivis réputés compétent-e-s peuvent enchaîner le suivi de plusieurs AGE en quelques mois le temps de gérer les échéances électorales, sans permettre de réelle construction de l’AGE.

10) L’absence de critique et d’autocritique : Le système en tendances est à la base de tout dans le fonctionnement de l’UNEF (on ne peut pas exister en dehors d’une tendance, les sites universitaires appartiennent à des tendances, les temps nationaux sont des affrontements entre tendances etc.).

Pour fonctionner, la direction de l’UNEF doit donc gérer en permanence l’équilibre entre les tendances. L’ensemble du syndicat concentre donc énormément d’énergie sur le fait de gérer les rapports entre les tendances et notamment entre les minos et la majo. Les intérêts de la majo face à une autre tendance se fait même souvent contre l’intérêt des étudiant-e-s et du syndicalisme.

A titre d’exemple, dans plusieurs AGE, comme Bordeaux et Rennes, la tendance majoritaire n’est pas présente réellement, malgré l’existence d’une équipe minoritaire localement, et les camarades locaux-ales n’ont aucunes marges de manoeuvre en terme de représentation, de trésorerie, parfois de militantisme, bloqué-e-s par ce fonctionnement figé en dehors de toute réalité militante.

Le fonctionnement en tendances pousse donc à servir des intérêts de tendances. Chaque action de chaque tendance est à la fois motivée par sa stratégie syndicale dans le milieu étudiant et dans l’UNEF et elles peuvent être contradictoires.

Ainsi, le besoin vital de défendre sa tendance pour exister dans l’UNEF pousse les débats internes à être sclérosés, à ne se résumer qu’à des débats de posture. Les tendances ne cherchent pas à se convaincre ou à être convaincues, mais à défendre coûte que coûte leur modèle de syndicalisme pratique et théorique afin de garder la face et maintenir leur place dans l’organisation. Cette gestion en tendances pousse également à une forte centralisation puisque les rapports entre tendances sont gérés depuis l’échelon national.

Chaque tendance devant avoir une stratégie cohérente. Etant donné la concurrence et le rapport de force permanent, chaque tendance tente de donner une vision idéale d’elle même aux autres, jusqu’à mentir sur sa propre réalité, sur ses équipes syndicales, et la bonne santé des ses AGEs.

11) Et maintenant ?L’UNEF a développé sa structure sans remise en question depuis des années, et se trouve dans un état de paralysie et de verrouillage bureaucratique important qui empêche une possible réforme de l’intérieur.

Elle s’est trouvée embourbée dans ses contradictions sans jamais tenter d’y remédier et qui lui pose une difficulté de rétropédalage, cette dernière joint à une capacité de la direction à s’y complaire. Le décalage avec la réalité est si fort et a passé un tel cap de non retour, que dans l’état actuel des choses le travail de réforme serait herculéen.

Avant même de s’étendre sur chaque université à la manière de l’UNEF, notre organisation se donne comme objectif de renforcer et reconstruire les sections locales existantes, et échapper dans un premier temps au schéma de construction/destruction lié aux fonctionnement en cycle de l’UNEF.

Se poser la question de la pertinence et légitimité de chaque action est prioritaire dans la mesure où il est primordial d’assurer la stabilité des sections locales. Pour répondre à des objectifs de long terme établis et décrits plus bas, nous comptons prendre le temps de nous reconstruire, aller plus loin en terme de structuration et renouer avec l’action syndicale comme elle a pu l’être par le passé.

L’important est de ne pas se précipiter, et de consolider nos sections locales. En se dégageant des décisions court termistes liées aux intérêts de structure nationale et qui poussent à faire des choix précipités, nous nous engageons à adapter notre méthode de structuration en réponse aux intérêts étudiants et en adéquation avec la théorisation originelle du syndicalisme étudiant.

En quittant aujourd’hui l’UNEF, nous comptons participer à la construction d’une nouvelle organisation nationale, un syndicat qui soit un véritable outil de solidarité et de lutte pour les étudiant-e-s, permettant de réellement construire un rapport de force national pour gagner des droits. Issu-e-s de plusieurs tendances de l’UNEF, nous défendons ici une vision de l’organisation syndicale réellement efficace, démocratique et transparente, décentralisée, où les étudiant-e-s puissent se saisir des enjeux syndicaux de leur campus et de leur établissement de manière régulière.

Cette vision décentralisée doit permettre de répondre aux besoins syndicaux dans des enjeux locaux concrets permettant de convaincre le plus grand nombre de la nécessité d’organisation pour obtenir des changements concrets.

Cette vision doit pouvoir se conjuguer avec une cohérence nationale faisant le lien entre les différents types d’établissements et les enjeux propres à chaque formation, ainsi qu’une solidarité entre différents secteurs, nos intérêts concernant la formation et du monde du travail étant étroitement liés. Nous faisons aujourd’hui ce choix historique, assumant de porter un coup très dur à l’organisation centenaire des étudiant-e-s.

Nous assumons ce choix, l’UNEF s’enfonçant de jours en jours dans ses contradictions et continuant sans cesse sa descente aux enfers. Nous refusons de voir mourir le syndicalisme étudiant avec cette organisation et faisons ce choix consciemment, dans l’intérêt des étudiant-e-s.

Nous faisons le choix aujourd’hui de partager ces réflexions à un grand nombre de camarades de l’UNEF, toutes tendances confondues, afin de favoriser ces réflexions et de lancer l’alerte sur la gravité de la situation et le refus permanente de la direction de l’UNEF de reconnaître son rôle dans cette situation désastreuse.

Pour conclure, Le choix de quitter le syndicat n’ai aucunement basé sur le fait de privilégier les intérêts d’une tendance aux dépens des autres. Il ne découle pas d’un ego-trip dans une conjoncture qui nous est favorable, mais bien d’une analyse de l’état actuel du syndicalisme étudiant en France et des besoins auxquels l’UNEF ne répond pas du fait des éléments internes et externes décrits plus haut.

C’est avant tout des militant-e-s de l’UNEF qui ont débattu et réfléchi à la pertinence de l’outil que représente l’UNEF en tant que syndicat et sur la possibilité d’en créer un nouveau, plus efficace. Chaque membre y ayant prit part est prêt-e à répondre de ce choix et est ouvert-e à la discussion avec quiconque aura des questionnements quant aux tenants et aboutissants de ce départ.

En effet, il est naturel que des questionnements et des positions non tranchées ressortent de cette lecture et nous invitons chaque militant-e, à chaque strats du syndicat, à s’en saisir. Il est important de comprendre que ce choix n’est animé par aucune animosité envers l’UNEF, puisqu’il n’est pas possible d’en vouloir à une structure.

Au contraire, il est de notre devoir de reconnaître lorsqu’un outil ne remplit pas ses fonctionnalités et de se poser les questions adéquates : Peut-on l’améliorer ?

Est-il obsolète ? Faut-il en changer ? Notre constat nous a poussé à répondre favorablement à la dernière question. Nous comprenons que des camarades portent l’espoir d’une réforme profonde et soient convaincu-e-s que l’UNEF soit améliorable. De part notre longue expérience au sein de l’organisation, nous pensons l’inverse, et cela ne se rapproche en rien de la résignation mais bien d’une réponse aux défauts du syndicalisme étudiant sur nos facs, c’est en ce sens que nous vous tendons la main et souhaitons ouvrir le débat.

Il est de notre responsabilité d’assumer ce débat, il est de la responsabilité de chaque syndicaliste étudiant sincère de s’y investir.

Signataires :Thibaud Moreau, Responsable National de Tendance UAS, Élu CNOUS Stanislas Loeuilliette, BN TUAS Annaelle Mounié, BN TUAS Margaux Thellier, BN TUAS Adèle Labich, BN TUAS Hafsa Askar, BN TUAS Edouard Le Bert, BN TUAS [suivent toute une liste de noms, nous ne mentionnons que les premiers, cadres à l’échelle nationale.] »

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