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« Dans le cas de M. Lambert : pour avoir soif, il faut avoir conscience »

L’affaire Vincent Lambert est terrible, car on est encore une fois coincé entre le libéralisme partisan de l’euthanasie à tout va et les religieux ne reconnaissant pas la réalité uniquement matérielle du monde. Dans tous les cas, il y a une négation du principe de sensibilité, au nom d’une prétendue individualité étant le propre de l’Homme.

L’affaire Vincent Lambert est terrible et pour beaucoup de monde en France, sa situation interpelle. Personne n’a envie de se retrouver comme lui, tétraplégique, en état végétatif depuis plus de 10 ans. Une partie de sa famille considère qu’il faut le laisser partir, une autre s’y oppose. On comprend fondamentalement le sentiment d’humanité des premiers, qui voient bien que ce n’est pas une vie. Les seconds mettent en avant la religion pour s’y opposer, et au-delà de cette question, ils soulignent avec justesse qu’une société libérale autorisant l’euthanasie, c’est la boîte de Pandore du meurtre à grande échelle…

Initialement, l’État a tranché pour laisser partir Vincent Lambert. Seulement voilà : Vincent Lambert n’est pas en train de mourir. Il ne peut rien faire, toute son alimentation lui est fourni médicalement, mais au sens strict, il vit et peut continuer de vivre ainsi. Le CHU de Reims n’a pas pour autant le droit de le tuer, car l’euthanasie est interdite pour les êtres humains.

La cour d’appel de Paris a ordonné lundi soir la reprise des traitements.

On en arrive ainsi à la situation ubuesque, totalement aberrante, où… on va le laisser mourir de faim et de soif. Il va de soi que c’est là inacceptable. Déjà en raison de la dignité humaine. Vincent Lambert va être tué – peut-être à juste titre si on dit que ce n’est pas une vie – mais personne ne l’assume tel quel.

Ensuite, il y a la négation totale de la sensibilité. Dr Bernard Devalois, spécialiste des soins palliatifs à la maison de santé protestante de Bordeaux Bagatelle, a tenu des propos totalement scandaleux – mais logique du point de vue de ce qu’est l’idéologie dominante. Il expliqué la chose suivante au Figaro :

« Vincent Lambert n’aura ni faim ni soif, il va mourir naturellement en quelques jours »

« Dans le cas de M. Lambert, il n’y a pas de sensation de soif: pour avoir soif, il faut avoir conscience. »

C’est là le point de vue religieux ainsi que cartésien (qui revient au même) : rien n’existe si on n’en pas conscience. Un arbre qui tombe dans une forêt, cela n’existe pas si un être humain n’est pas là pour en avoir conscience. Une caresse sur une main n’existe pas si la conscience ne le perçoit pas. C’est totalement faux et on ne dira jamais assez à quel point il faut en revenir aux matérialistes du XVIIIe siècle, les fameux Helvétius, d’Holbach, Diderot, tous ces auteurs faisant la sensibilité le sens de la vie.

Toute la Gauche historique vient historiquement de cette approche philosophique, qui ne reconnaît pas Dieu, pas plus qu’une sorte de super-conscience individuelle qui serait le sens de la vie de tout un chacun. La Gauche historique a toujours été matérialiste, définissant la vie selon des critères naturels. Ici, pour le pauvre Vincent Lambert, malheureusement, sa vie personnelle est totalement frustrée, bloquée. Il faut soulager sa souffrance inévitable.

Mais elle n’est pas inévitable justement pour ceux raisonnant en termes de conscience ou d’âme. Les premiers disent : la conscience est partie, on supprime le corps. Les seconds disent : le corps est encore là, donc l’âme aussi, il faut tout garder.

Ces deux points de vue sont inacceptables. Ils sont malheureusement prédominants à tous les niveaux philosophiques, spirituels, dans notre pays. Même la Gauche est totalement contaminée par eux. C’est bien pour cela qu’il n’y a plus de Gauche, justement. Quand on dit la même chose que les libéraux ou les réactionnaires pour les thèmes les plus essentiels, on se confond avec eux.

Il est facile d’ailleurs de voir comment on peut se faire aisément happer. Si l’on comprend que le libéralisme veut supprimer les personnes en détresse insuffisamment consommatrices – les vieux, les suicidaires (qui auraient le droit au suicide assistée !), on tombe facilement dans le camp réactionnaire, qui prétend que les valeurs du passé préservent de cela. Si on veut assumer l’euthanasie car en-dehors de l’épanouissement naturel rien n’est possible, on tombe rapidement si on n’y prend pas garde dans le camp des libéraux qui veulent démonter les mauvaises règles, car ils entendent en fait démonter toutes les règles !

L’affaire Vincent Lambert est malheureusement également loin d’être unique. Elle souligne la nécessité qu’il y a à se poser les questions sur la vie quotidienne, le rapport à la vie, la relation à la nature, et cela d’une manière qui soit propre à la Gauche historique. Les possibilités techniques permettant toujours plus de « libertés », il faut savoir s’opposer avec matérialisme à la GPA, à la PMA pour toutes, aux modifications technologiques rêvées par des milliardaires délirants qui n’ont qu’un rêve : aller sur une autre planète, parce qu’ils n’en ont rien à faire de celle sur laquelle on est…