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La Dissidence française aux élections européennes

Les élections européennes à venir sont l’occasion pour les listes fascistes d’émerger et de proposer leurs programmes. Parmi ces listes, la Dissidence française se pose en maîtresse de la froideur et de la dureté du fascisme, qui se donne une image gauchisante pour happer les masses en quête de justice sociale.

Avec la liste Dissidence française, on s’enfonce dans le fascisme pur et dur. La présentation visuelle du programme, en toute première page, donne le ton à elle seule : du rouge, du blanc, du noir. C’est que la liste se veut « révolutionnaire conservatrice », comme il est écrit en gros comme titre du programme. On est donc en face d’un programme national-révolutionnaire, typiquement fasciste. D’ailleurs, les trois phrases résumant le programme sont on ne peut plus claires : « relever le défi identitaire », « libérer l’économie française », « établir la souveraineté intégrale ». Xénophobie, capitalisme ultra-agressif, et isolationisme chauvin à prétention démocratique.

La France serait en déclin, dirigée par « une classe politique totalement dépassée, rongée par la corruption, et incapable de faire face aux défis du XXIème siècle ». « Jadis forte et respectée dans le monde, notre Nation n’est plus que l’ombre d’elle-même ».

La volonté de « régénérer la nation » pour redevenir une puissance capable d’aller à la confrontation directe avec le monde entier est très claire. À ce déclin devrait s’opposer un État administrateur, efficace et fort. La proposition est alors que cet État règne par ordonnances uniquement. On coule dans l’anti-parlementarisme (le nombre de parlementaires doit d’ailleurs être abaissé à 500) et l’autoritarisme les plus profonds.

Il s’agirait également de protéger constitutionnellement « les racines charnelles et millénaires de la France, européennes et chrétiennes ». Si l’héritage culturel laissé par le christianisme doit effectivement être protégé, il doit surtout être rendu au peuple pour ce qu’il est : un témoignage du passé que l’on doit étudier. Or, ici, cet héritage est fantasmé, glorifié et le programme ne laisse aucun doute sur le fait qu’il compte bien maintenir ces reliques du passé dans l’actualité culturelle et politique du pays, renforçant par là la réaction, notamment catholique.

Conformément à cet esprit conservateur, l’homophobie est également assumée au travers de la question de la loi Taubira. Les fascistes souhaitent abolir cette loi afin de « frapper de nullité les « mariages » célébrés entre personnes de même sexe ». Cette attaque contre la dignité des homosexuels, cette négation de l’amour qui peut exister entre deux hommes ou deux femmes, sont intolérables.

Le piétinage de la dignité des femmes ne s’arrête d’ailleurs pas là. Il est question dans leur programme de créer « un statut spécial pour les mères de famille ». L’idée est de verser un revenu d’existence lorsqu’elles choisissent de ne plus travailler, pour s’occuper de leurs enfants et de leur maison. Payer des femmes pour qu’elles restent soumises au patriarcat et aux valeurs réactionnaires de la « femme au foyer » attendant que son mari rentre du travail donne le vertige. Encore une fois, la dignité de la femme est niée, et ne lui est réservée qu’une existence pleine d’ennui, de routine, entre tâches ménagères et navette scolaire pour les enfants. Enfants qui souffriraient, eux aussi, d’un tel modèle familial.

Cette pensée archaïque ne va bien évidemment pas sans la critique réactionnaire du post-modernisme. Ainsi, ils rejettent et interdisent la « théorie du genre » et « l’écriture inclusive », non pas car elles représentent une multiplication des cases dans lesquelles ranger des « individus » qui seraient « uniques » et au-dessus des classes, mais bien par pure réaction. Elles sont alors remplacées par « une sensibilisation au patriotisme et à la citoyenneté dès l’école primaire » : une manière détournée de dire qu’il faut, dès l’enfance, manipuler le peuple afin qu’il soit « transcendé » par la Nation, par le nationalisme et le fascisme.

Le nationalisme tient d’ailleurs une place importante dans le programme, naturellement, notamment en ce qui concerne la « préférence nationale » (devant être « affirmée constitutionnellement ») et le militarisme. Les emplois, les logements, les allocations et prestations sociales sont donc réservées « en priorité » aux « nationaux ». Les soins médicaux et le refuge pour les sans-papiers ne sont plus assumés, et l’argent est consacré à « l’aide au retour » des immigrés « dans leur pays d’origine ». Le budget de la défense nationale est porté à 3,5% du PIB et la force de frappe nucléaire est non seulement préservée, mais également protégée par la constitution.

On y retrouve aussi des propositions de type « gilets jaunes », populistes, comme la diminution des taxes, une justice plus dure et expéditive, et l’usage du référendum. Toutes les taxes, cotisations salariales, patronales, pour les entreprises comme pour les particuliers seraient abolies pour instaurer une taxe unique de 9% sur les transactions électroniques au sein du territoire français. Le référendum est utilisé pour valider la nouvelle constitution (écrite et proposée par des fascistes, donc) dans un horrible simulacre fantasmé de « démocratie », et les référendums avec consultations citoyenne pour les questions touchant aux communes (vues comme les « échelons démocratiques fondamentaux ») sont « systématisés ». La justice, quant à elle, laisse place à la « tolérance zéro » pour lutter contre le « laxisme judiciaire ». L’idée selon laquelle les institutions de la république manquent de poigne et d’efficacité est donc nettement assumée. Pour les fascistes, il faut que ça tourne ! Et sans « venir jouer les pleureuses », comme ils pourraient tout à fait le dire.

Mais là où les très éventuels doutes sur le caractère profondément fasciste du programme sont forcés de voler en éclat, c’est quand Dissidence française parle de la presse, des syndicats et de liberté d’expression. Ainsi, « les subventions à la presse, aux partis politiques et aux syndicats sont supprimées. La pratique des sondages d’opinion est encadrée », et « les lois d’entrave à la liberté d’expression et à la recherche historique sont abrogées. La neutralité du Net est sanctuarisée. »

On voit là clairement que ces personnes ne se tiennent pas aux côtés des travailleurs, mais bien aux côtés de ceux qui possèdent les moyens de production. Les syndicats y sont sabotés et les travailleurs laissés sans protection, et les partis politiques aussi, ce qui relègue la bataille des idées en arrière-plan… L’encadrage des sondages d’opinion peut tout dire et rien dire, mais implique quoi qu’il en soit un contrôle des opinions apportant la contradiction.

Quant au deuxième point… Ce n’est ni plus ni moins que de la langue de bois pour légaliser le négationnisme, l’antisémitisme, les discours complotistes.