À l’occasion des élections européennes, l’Alliance royale (AR), mouvement royaliste qui a la particularité de ne se revendiquer ni de l’orléanisme, ni du légitimisme, a décidé de présenter une liste.
Il apparaît très clairement que ce n’est qu’une démarche de communication, afin de profiter d’une tribune pour faire passer le message de l’organisation. En effet, l’AR explique se présenter pour « se faire entendre comme parti politique » (elle se différencie ici de l’Action française, qui est davantage dans une logique putschiste) et « proposer une autre voie pour l’Europe ».
Pour le reste, la pauvreté du programme est ouvertement revendiquée :
« Pour faire entendre sa voix, l’Alliance royale, constituée en parti politique, a entrepris de s’exprimer régulièrement à l’occasion des diverses consultations électorales. Les royalistes doivent devenir une véritable force politique. La campagne européenne s’inscrit dans cette démarche. L’Alliance royale a déjà présenté des listes régionales en 2004, 2009 et 2014.
Nous ne voulons pas entrer ici dans le détail des mesures économiques et politiques, mais donner les grandes lignes de ce que devrait être une France royale au cœur de l’Europe. »
Pour le reste, la ligne générale est globalement assez simple : un rejet total de l’Union européenne et de toute forme politique organisée au niveau continental, au profit d’une « Communauté des Etats européens » qui ne serait qu’un cadre juridique au service des États pour les questions qu’ils ne pourraient régler seuls, et à laquelle chaque État membre pourrait proposer des « initiatives » n’engageant que les pays en accord avec celles-ci. Trois « initiatives » sont proposées par l’AR : la coopération pour favoriser les échanges économiques, la surveillance des frontières et la sécurité, ainsi que la protection de l’environnement, non pas perçu dans sa dimension naturelle, mais bien comme patrimoine, dans une vision réactionnaire et anthopocentrée.
On l’aura compris, il s’agit de renforcer la puissance française dans le monde, de manière agressive. L’AR considère en effet que la France « a des intérêts dans le monde et des alliances qui ne concernent pas ses voisins européens », évoquant la « francophonie » et l’outre-mer (qui relève de sa « compétence seule »). Comment ne pas-y voir là une volonté de renforcer la présence française dans ses ex-colonies (qui sont toujours sous dépendance) ou dans les pays d’Afrique dont elle contrôle une bonne part de l’économie ?
Le renforcement du capitalisme français est d’ailleurs le seul fond concret de l’AR. C’est là son projet de base : un capitalisme français qui se lance de manière agressive dans le monde, de façon indépendante. Évidemment, le tout est enrobé d’un habillage prétendant défendre une vision du monde.
Quelle est-elle, justement, cette vision du monde ? C’est simple : une « France capétienne » et une « Europe chrétienne ».
La république est considérée comme nationaliste et xénophobe par essence (de la part de l’AR, la chose est quand même cocasse) et trop jacobine et étatiste. Implicitement, on retrouve le vieux fond régionaliste des contre-révolutionnaires, qui rejettent l’État centralisé, tout comme l’universel, pour lui préférer une société corporatiste du « terroir », de la « France profonde » contre l’État « technocratique », dans la droite lignée d’un Maurras.
Quant à l’Union européenne, « sans consistance », elle est assimilée au « mondialisme », à une dictature supranationale qui serait coupée des nations, des « pays profonds », dirigée par une « oligarchie » de l’ « argent ». On est là, quoique de manière plus feutrée qu’à l’Action française, dans les clichés anticapitalistes romantiques propagés par le fascisme et tous les réactionnaires, menant souvent à l’antisémitisme (de Proudhon à Soral, en passant par Maurras ou Barrès, Le Pen ou Pétain).
Bref, la liste de l’Alliance royale est une variante institutionnelle et davantage opportuniste de l’Action française, avec le même fond réactionnaire, traditionaliste, nationaliste et pleinement au service des intérêts capitalistes français, dans un renforcement de la tendance à la guerre.