Voici une tribune d’Alain Bergounioux, président de l’Office universitaire de recherche socialiste et d’Henri Weber, ancien sénateur et député européen, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès, initialement publiée par Libération.
Ils appellent à une alliance large à Gauche derrière le courant majoritaire, que l’on peut qualifier de centriste et qui est incarné au parlement européen par le groupe S&D du Parti des socialistes européens (PSE).
Le PSE regroupe les grands partis de la Gauche européenne, le PS français, le SPD allemand, le SPÖ autrichien, le Labour britannique, le PSOE espagnol, le PD italien ou encore le Partij van de Arbeid néerlandais.
Une partie de la Gauche de plus en plus importante récuse le rôle et l’action du PSE qui a voté en 2017 à 90 % la même chose que la Droite (PPE) lors votes finaux, selon une étude de la fondation Robert Schumann.
Il faut néanmoins, pour être tout à fait honnête, interpréter cette de donnée dans le cadre particulier du Parlement européen, qui fonctionne par des compromis négociés longuement, y compris à l’intérieur même des groupes.
Notons pour finir qu’il est question dans cette tribune de s’opposer à l’ordo-libéralisme, à quoi est opposé traditionnellement le keynésianisme, et non pas le Socialisme. Le Socialisme s’oppose par définition au mode de production capitaliste, dont l’ordo-libéralisme et le keynésianisme sont deux aspects.
« L’Europe a besoin des socialistes
Le 26 mai, il faut conforter le Parti des socialistes européens (PSE) et son groupe parlementaire à Strasbourg, «l’Alliance des démocrates et des socialistes». Implanté de longue date dans les 28 Etats de l’Union, (la Grande-Bretagne est encore des nôtres !); fort aujourd’hui de 188 députés, le PSE est la seule force politique au Parlement européen capable de promouvoir une coalition progressiste rassemblant les sociaux-démocrates, les écologistes, et les centristes.
Une telle coalition est nécessaire et urgente, face à la montée des nationalismes d’extrême droite et des partis europhobes, crédités de 25% des sièges, dont l’objectif proclamé est la destruction de l’UE. Elle est indispensable aussi pour réorienter la construction européenne dans le sens d’une Europe plus écologique, plus sociale, plus solidaire, plus volontaire. Jamais les risques d’enlisement et de désagrégation nationaliste qui menacent l’Europe n’ont été aussi grands. Mais jamais non plus les chances de tourner le dos à l’ordo-libéralisme longtemps dominant et d’engager la transition écologique et la révolution numérique en Europe n’ont été aussi fortes.
La prise de conscience de l’urgence écologique dans la grande opinion a beaucoup progressé depuis cinq ans. Elle joue en faveur d’un «Green New Deal», une nouvelle donne écologique, en deux volets : le renforcement qualitatif des normes et règles en défense de l’environnement et de la qualité de la vie. C’est le volet défensif, auquel s’ajoute un volet offensif : la mise en œuvre de politiques industrielles volontaristes et ambitieuses en vue de réaliser les objectifs de la COP 21, la reconversion thermique des bâtiments, le développement des «mobilités propres» et des énergies renouvelables, la généralisation d’une «agriculture raisonnée»…
Cette transition écologique que chacun appelle désormais formellement de ses vœux, ne peut être le fruit du libre jeu des forces du marché, toute l’histoire du capitalisme l’atteste. Elle appelle au contraire une forte impulsion de la puissance publique, à tous ses niveaux : local, régional, national, européen et mondial, le niveau continental s’imposant toutefois de plus en plus comme l’espace stratégique. Ce retour nécessaire de la puissance publique s’affirme à un moment où les dogmes du néo-libéralisme économique, triomphants au début du siècle, ont beaucoup perdu de leur crédibilité, en raison des résultats des politiques qu’ils ont inspirés. Peu nombreux sont ceux qui croient encore dans les vertus autorégulatrices des marchés. L’idée que le monde souffre, non pas d’un excès, mais d’une carence d’organisation, de régulation, de planification, d’intervention des acteurs publics, s’est peu à peu imposée, après la crise de 2008. Elle a pris tout d’abord la forme régressive d’une montée des protectionnismes nationalistes. Mais elle peut prendre aussi, celle, progressiste, de politiques publiques coopératives et socialement inclusives, comme on dit à Bruxelles, préconisées par la social-démocratie au niveau de l’UE et de chacun de ses Etats membres.
Malgré ses déboires dans certains pays, la famille socialiste restera la principale force progressiste au Parlement européen et au Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement dans la prochaine législature (2019-2024). La seule force capable de fédérer la gauche, les écologistes et le Centre-gauche pour mettre en échec les offensives désagrégatrices des partis europhobes et de réorienter l’Europe. C’est pourquoi nous appelons à voter pour la liste «Envie d’Europe», emmenée par Raphaël Glucksmann. Le 26 mai, il s’agit d’élire le Parlement européen, non de censurer ou de plébisciter le Président de la République française. »