La section PCF du 18e arrondissement de Paris organisait une assemblée générale faisant office de debriefing de la dernière campagne européenne et de questionnements pour la suite. Un compte rendu très intéressant a été fait, que nous reproduisons ci-dessous car c’est un travail collectif de qualité.
C’est tout à fait le genre de démarche démocratique qui permet d’aller de l’avant dans la reconstruction de la Gauche : partir de la base en se posant sur le terrains des idées plutôt que de simples discutions entre appareils pour des accords électoraux.
Les problématiques évoquées lors de cette assemblée sont typiques de celles des militants de gauche un peu partout en France. Il y a le constat d’une situation assez catastrophique pour la Gauche, avec une population française largement dépolitisée. Les préoccupations sont l’écologie, l’extrême-droite, la définition de la Gauche, le capitalisme et les classes populaires.
« La dépolitisation est immense ! »
Une semaine après l’élection européenne, les communistes du 18e arrondissement de Paris débriefent à chaud. 35 présents, l’ambiance est studieuse. Dans une courte introduction, Alain Wlos, le secrétaire de la section, pointe une abstention en baisse, même si logiquement elle se concentre dans les quartiers les plus populaires quand on fait le détail par bureau de vote. Un fait marquant : celui d’une défaite idéologique de la gauche. Pour Alain, le bilan de la campagne du PCF est décevante. Pas d’élus et pas de remboursement. Mais il note un état d’esprit positif, la très bonne conduite de notre tête de liste, Ian Brossat, relevée par tous les observateurs.
« Nous avons franchi une étape qualitative dans la communication numérique comme dans des tâches militantes plus traditionnelles tel le porte-à-porte. Mais nous n’avons pas été identifiés comme une force capable de porter la transformation qu’attend la population. »
Le débat s’engage sur une interpellation venue de la salle : « C’est quoi la gauche ? » « EELV n’est pas de gauche, car elle ne s’en réclame pas », observe Françoise. « Il y a une confusion qui est entretenue. Si on ne met pas en numéro un la question de la planète, on ne sera pas entendus. Il faut dire que si on ne sort pas du capitalisme, on est foutus ! On est trop timides sur cette question. »
« Il faut réarmer idéologiquement la gauche pour convaincre, trier les bouteilles ne suffira pas », interpelle Philippe. Lounis, lui, est plus circonspect. « Il y a la question du climat, du coût de l’énergie, de la transposition de la directive européenne. Sur toutes ces questions, nous avons un programme mais le combat est très difficile. Le vote s’est cristallisé dans la dernière semaine où nous avons été écartés des médias comme par exemple lors de l’émission de France 2. »
Pour Gérald, « c’est un résultat qui doit nous interroger avec beaucoup d’humilité. Nous avons affaire à un résultat plein de contradictions. Si notre score s’est maintenu par rapport aux législatives de 2017, nous avons tous observé dans la campagne l’arrivée de nouveaux électeurs communistes. Ça veut dire qu’on en a perdu d’un autre côté. » Et il pointe la question du « mouvement des gilets jaunes où notre carton rouge à Macron n’a pas eu l’effet escompté ».
« Il y a un effet de mode sur la question écologique, il ne faut pas être naïfs », doute Nina. Pour qui « l’élection européenne est un terrain naturel pour Europe écologie ». « Notre priorité c’est ceux qui ne votent pas », défend-elle.
Dominique témoigne d’un « électorat qui ne comprend pas nos divisions à gauche. On est bien accueillis à la Goutte d’or, vus comme proche des gens, anticapitalistes, mais nous manquons de crédibilité ». « La question écologique monte. On a raté quelque chose avec le mouvement des gilets jaunes, qui témoigne d’une fracture sociale, de classe, comme d’ailleurs le mouvement syndical. Ça dit quelque chose de notre rapport à la société. »
Catherine nuance : « On est partis d’un rejet des partis politiques aux manifestations de gilets jaunes à un début d’acceptation. Le vote d’extrême droite est devenu le vote crédible anti-Macron. il faut aller plus dans les quartiers. » Et non pas, comme le dit Dominique, « seulement pendant les élections ».
Catherine est perplexe : « On a vu des gens qui se sont décidés au dernier moment, alors qu’on les avait convaincus en porte-en-porte mais qui ont finalement choisi un autre bulletin. »
Pour Jean, « malgré notre excellent candidat, c’était une campagne très difficile qui portera ses fruits. Beaucoup de gens à gauche ne veulent pas des communistes, c’est ainsi. Pour eux, nous ne sommes pas crédibles. Pour eux, c’est impossible de changer les choses. Il faudra beaucoup de discussions pour faire reculer cette pression idéologique. Les mensonges anticommunistes ont fini par porter. »
Jean-Pierre observe que « même ceux qui n’ont pas voté pour Ian ont apprécié sa campagne. On a une faiblesse sur ce qui s’est passé dans les pays de l’Est et le bilan de cette période n’a toujours pas été tiré. Notre faiblesse sur les lieux de travail demeurent. On existe dans les quartiers mais pas suffisamment. »
« La dépolitisation est immense !, dit Marie-France, il y a besoin de se poser, de faire le bilan de notre activité, sur notre rayonnement. On a un atout, notre candidat. Il ne faut pas se replier. »
Pour Pierre, « le PCF ne doit pas céder aux sirènes du capitalisme vert ». Matthieu relativise : « On a marqué des points, tout s’est joué dans les derniers jours. On ne peut pas se limiter à faire l’écho de la “colère populaire” comme l’a fait la France Insoumise. »
Malgré les résultats, et en forme de clin d’œil, nombre de présents ont invité à la défense de leur journal l’Humanité, et insisté sur les abonnements et le paiement des vignettes de la Fête. Incorrigibles communistes !
Gérald Briant