Le capitalisme rend les gens malades, parce qu’ils les dénaturent. Leur environnement est au service du travail aliénant, de la consommation et cela 24 heures sur 24. Encore faut-il pour cela accepter de voir le capitalisme avec des lunettes humanistes.
L’exemple de l’anorexie, si triste et terrible, illustre parfaitement cela. Le libéral y verra une simple pathologie relevant de l’individu. Un regard sérieux affirmera qu’il s’agit d’une personne broyée de par son emplacement dans la société.
Car du point de vue de la médecine avec sa vision du monde dominante, la chose est entendue : tout est un problème de caractère individuel. Pour l’anorexie, il faudrait ainsi chercher dans les gènes, le parcours propre à la personne, la famille. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale, qui est une institution étatique très importante, explique par conséquent la chose suivante sur son site :
« L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire essentiellement féminin, qui entraîne une privation alimentaire stricte et volontaire pendant plusieurs mois, voire plusieurs années (…).
Contrairement à certaines idées reçues, ce trouble affecte toutes les catégories sociales et non pas seulement les plus aisées. »
Les idées reçues ont bon dos. Si on va sur vidal.fr, un site commercial lié au fameux dictionnaire Vidal donnant la liste des médicaments aux médecins, on lit la chose suivante :
« L’anorexie concerne principalement les adolescentes de 12 à 20 ans (…). Ils surviendraient davantage chez les jeunes filles issues de classes sociales aisées, vivant en milieu urbain. »
Les choses sont dites, mais implicitement. Un article de la revue française de sociologie dit les choses plus clairement :
« L’anorexie mentale et la boulimie, deux troubles du comportement alimentaire, sont appréhendées ici comme des révélateurs de tensions sociales touchant particulièrement des jeunes filles, et plus souvent issues de classes moyennes ou aisées. »
Et cela est vrai. Les couches sociales aisées n’ont pas le sens de la vie, elles sont entièrement au service d’une fuite en avant dans les apparences, les comportements consommateurs, l’activité incessante pour faire fructifier le capitalisme. Dans ces couches sociales, on suit ou on s’écrase. Et les jeunes femmes exprimant leur sensibilité sont brisées.
Elles ne peuvent pas se révolter en exprimant une violence, car elles sont imbriquées dans les couches sociales dominantes et ne peuvent pas le remettre en cause, car elles n’en voient pas le caractère ignoble. Alors elles se révoltent contre elles-mêmes. L’anorexie est une expression de révolte détournée.
Qui connaît la valeur du travail se tourne vers la transformation et non pas vers des modifications de soi censées, de manière idéaliste, changer les choses. C’est malheureusement l’esprit d’une époque : les plus sensibles se changent eux-mêmes, n’importe comment jusqu’au morbide, au lieu de chercher à changer le monde.
C’est le prix à payer, historiquement, pour l’individualisme forcené qui a coupé les gens – surtout des couches sociales dominantes – de tout rapport à la nature, à l’épanouissement, au concret, au travail.
Et ici, il faut bien cerner un aspect également essentiel : le refus non conscient de la viande par beaucoup de jeunes femmes. Au lieu de saisir qu’elles refusent une certaine nourriture, elles vont jusqu’à penser qu’elles refusent toute nourriture, par incapacité à analyser de manière juste leur révolte.
Car tout dans cette société appelle à une révolte. Les aspects aliénants sont incessants et tellement multiples, qu’il faut un haut degré de culture et de conscience pour ne pas sombrer. Qui ne voit pas cela rate totalement la dimension formidablement existentielle du besoin de Socialisme. Et est obligé de réduire tout à une question de « conscience » individuelle, dans le rejet complet des sens, de la nature, du besoin d’épanouissement des sens, de manière naturelle.
Ce dont ont besoin les jeunes femmes des couches aisées ayant basculé dans l’anorexie, c’est de basculer dans le travail, dans les couches populaires, et là elles feront ce que Cyndi Lauper dans la chanson « Girls Just Want To Have Fun » : quand les jeunes femmes ont les parents sur le dos, quand elles rentrent du boulot, elles bataillent pour s’affirmer, parce que s’épanouir va dans le sens de la vie !