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Ce que véhicule la série Rick & Morty

La saison 4 de la série à succès Rick & Morty va sortir en novembre 2019. C’est l’occasion de regarder plus en détail ce que véhicule culturellement cette série appréciée par la jeunesse, récompensée aux Emmy Awards et dont les trois premières saisons sont disponibles sur Netflix.

On aurait bien du mal à trouver pire, en terme de valeurs culturelles, intellectuelles, que ce dessin animé atroce où se côtoient nihilisme brutal, relativisme, anti-socialisme et même fascisme dans ses fondements mêmes. Encore pire que Game of Thrones, la série ne tarit pas de mises en scène divertissantes de meurtres, de manipulations… La science est abordée comme étant chaotique, nihiliste par essence, se suffisant à elle-même, comme une forme de magie « réelle » au travers du personnage du scientifique Rick, grand-père de Morty, revenu dans le girond familial après avoir abandonné sa fille durant l’enfance. La raison de son retour est simple : il cherche à profiter des enfants qu’a eu sa fille des années après son départ pour moins s’ennuyer, en les entraînant dans des « aventures », en fait prétextes pour assouvir ses pulsions destructrices et les corrompre, tout particulièrement Morty, qui dès le premier épisode se retrouve avec les jambes brisées dans l’indifférence totale de Rick pourtant responsable de la situation. Et c’est sans parler de l’objet de la mission : récupérer les graines d’un arbre et les faire passer à la douane en les enfonçant dans le rectum de Morty.

Rick incarne cette figure romantique fasciste par excellence du rebelle au dessus de la mêlée. Intellectuellement supérieur, le plus cool parmis les cools, son génie individuel ne saurait être contenu par aucune forme de loi, aucune forme de morale et le socialisme ne pourrait y avoir absolument aucune emprise, car il serait à lui seul trop intelligent pour avoir besoin d’une quelconque société. D’ailleurs, Rick exploite Morty et le manipule constamment pour arriver à ses fins. Morty est régulièrement enlevé à son éducation et à sa famille par Rick, qui en arrive à le considérer comme sa propriété, car la famille serait une structure artificielle sans aucun sens concret et l’école serait « une perte de temps » et ne serait pas un endroit pour les gens intelligents.

Ainsi, la série distille deux images du socialisme. La première est celle d’une bureaucratie écrasante et barbante, avec la citadelle des Ricks dans laquelle s’organisent tous les Ricks et les Mortys de toutes les dimensions possibles, établissant des règles, un code, que le Rick le plus pur rejette et considère comme n’étant qu’une forme de gouvernement limitant sa liberté individuelle.

La deuxième est celle d’un monstre alien dont on ne connait pas l’apparence physique du nom de Unity, vomissant dans la bouche d’individus malchanceux et systématiquement présentés comme étant des criminels avant d’être assimilés pour en prendre le contrôle mental et former, avec tous ses esclaves, une conscience collective qui pourra s’étendre dans l’univers et construire une société contrôlée par une pensée unique émanant d’un être unique. Il est très clair que ce sont les idées même du socialisme et de la démocratie populaire qui sont ici frontalement attaquées.

Est opposée à cette vision déformée du socialisme, de l’unité, l’individualisme et le relativisme les plus brutaux. Dans un épisode se déroulant sur une planète étrangère, au sein d’une société dont les technologies en sont restées au stade féodal et qui pratique la purge une fois par an comme dans le film American Nightmare (une nuit durant laquelle les lois sont abolies et où chacun peut laisser libre cours à ses envies de meurtre, de viol, de torture, de pillage… sans être inquiété le lendemain afin de préserver la paix le reste de l’année), Rick parvient à corrompre totalement Morty et à lui faire accepter l’idée et la pratique du meurtre. Rick s’emploie d’ailleurs à chaque aventure à détruire Morty psychologiquement et l’encourage dans tous les vices possibles et imaginables, comme lorsqu’il lui achète un robot sexuel alors qu’il n’a que 14 ans.

L’épisode de la purge est une véritable apologie du social-darwinisme. Les faibles doivent mourir et sont pris pour cible en priorité, la soif de sang est considérée comme une pulsion naturelle de l’homme, une force libératrice qui permet de se délester de sa rage intérieure… Les armes futuristes et ballistiques (comme des armures similaires à celle de Iron Man) sont utilisées dans un véritable bain de sang par Rick et Morty comme avantage extrême sur les armes primitives de la population locale. Selon Rick, se livrer à une telle activité sur cette planète est moralement acceptable, puisqu’il s’agit d’une pratique courante, contrairement à d’autres endroits où les gens, plus «coincés», construisent des sociétés refusant d’assumer cette nature humaine. La série se contredit d’ailleurs, puisqu’il se trouve que cette purge n’est pas une pratique voulue par la population, mais qu’elle est imposée par une élite aristocrate riche à l’échelle planétaire, qui profite de cette division et de cette violence pour mener une vie de luxe sans être menacée par une révolte. Elle n’a donc rien de moral, mais cela, les auteurs de la série ne peuvent pas le voir, engoncés qu’ils sont dans le relativisme et la mise en valeur de la barbarie.

L’aristocratie finit par être massacrée à la fin. C’est là un remake du film Hunger Games, avec une charge anticapitaliste romantique forte, à ceci près que les personnages principaux y prennent du plaisir et s’en amusent jusqu’à l’écoeurement, Rick finissant par vomir devant tant de violence. Une manière de glorifier un style de vie intense et consommateur jusqu’à l’indigestion dans le néant politique et moral absolu.

D’ailleurs, tous les rapports sociaux dans cette série sont pervertis par le social-darwinisme. Ils ne sont envisagés qu’au travers du prisme de la domination : un épisode en est la représentation parfaite, avec une thérapie de couple entre les parents de Morty, Jerry et Beth, où l’image qu’ils ont l’un de l’autre est matérialisée en monstres, qui finissent par collaborer car complémentaires, afin de détruire le centre de thérapie. L’image que Jerry a de Beth est celle d’un gigantesque monstre insectoïde dominateur et l’image qu’a Beth de Jerry est celle d’un vers de terre qui se fond en flaque visqueuse à la moindre confrontation. Ainsi, une personnalité dominatrice, prolongement de la mentalité de propriétaire dans une société capitaliste, est donc présentée comme complémentaire avec une personnalité de soumis et ferait qu’un couple adoptant ce modèle serait finalement plus efficace et fonctionnel qu’un couple traditionnel et démocratique basé sur la romance. Le fait que Jerry, bien qu’étant un lâche, reste le personnage le plus humain de la série est d’ailleurs le signe évident du social-darwinisme porté par la série : il n’est pas aussi insensible que les autres, il est donc représenté comme un faible, émotif, et donc un loser inutile à la société…

Cette série est finalement ce que la société capitaliste peut produire de pire en matière de divertissement qui se consomme dans la passivité intellectuelle la plus totale. Seuls les plus corrompus par le capitalisme peuvent y trouver une forme divertissement. Même l’usage de la drogue y est romancé et sert de prétexte à l’attitude atroce du personnage ultra-fasciste Rick, comme dans une tentative de le dédouaner aux yeux des spectateurs, qui peuvent alors le prendre en pitié et se dire qu’au fond, ce n’est pas de sa faute. Le dessin animé défend contre vents et marées l’individu absolument subjectif et nihiliste comme seul horizon pour le développement personnel. Les auteurs de cette oeuvre profondément fasciste utilisent le fait qu’elle soit classée pour adultes comme excuse pour plonger dans ce qui peut se faire de plus révoltant sur les plans culturel et intellectuel… Sans considération aucune quant au fait qu’étant un dessin animé, la série est forcément regardée par un public majoritairement jeune.

Il va de soi qu’une société socialiste ne saura tolérer l’existence de telles oeuvres. Il serait temps de produire des choses belles, universelles, qui permettent l’éveille, le développement de la personnalité naturelle de chacun, plutôt que ce genre de bombes culturelles servant l’idéologie dominante de l’individualisme et du mépris envers la vie.