« On n’a plus aucune liberté » : c’est la vieille rengaine des anarchistes de droite depuis les années 1960. Michel Sardou se situe sur cette ligne, même s’il porte une critique romantique de la société dans une veine nostalgique, l’amenant à Droite. Son soutien au parti animaliste dit bien des choses sur l’utilisation de la juste défense des animaux pour une posture apolitique, anti-politique.
Au début des années 1970, Michel Sardou racontait comment il entendait dénoncer les choses :
« Je ne suis pas foncièrement un homme de révolte. Je chante les choses de la vie, faites de violence, d’amour, de soucis. Nous vivons dans une période d’agressions. »
Il était alors le barde de la Droite, au point qu’il y avait des Comités Anti-Sardou. Cependant, il faut faire attention, car il porte une dénonciation réelle de la société, qu’il croit de droite, car malheureusement c’est le romantisme qui a pris en charge une dénonciation de la folie moderne.
Pour preuve, sa chanson « Les Villes de Grandes Solitudes », cherchant à dresser le portrait de quelqu’un brisé par l’anonymat propre au capitalisme de son époque. Il y a eu un gigantesque malentendu à l’époque, où des féministes n’ayant rien compris à sa dénonciation ont cru qu’il fallait prendre cela au premier degré.
C’est ici la preuve d’un échec complet de la Gauche dans la critique du capitalisme, qui a prolongé la domination du romantisme basculant dans la nostalgie réactionnaire.
« Dans les villes de grande solitude
Moi le passant bien protégé
Par deux mille ans de servitude
Et quelques clous sur la chausséeDans les villes de grande solitude
De nouvel-an en nouveaux nés
Quand j’ai bu plus que d’habitude
Me vient la faim d’un carnassierL’envie d’éclater une banque
De me crucifier le caissier
D’emporter tout l’or qui me manque
Et de disparaître en fuméeMais dans les villes de grande solitude
Tous les héros se sont pollués
Aux cheminées du crépuscule
Et leurs torrents se sont calmésAlors je fonce comme une bête
Sur le premier sens interdit
Aucun feu rouge ne m’arrête
Je me sens bien dans ma folieJ’ai envie de violer des femmes
De les forcer à m’admirer
Envie de boire toutes leurs larmes
Et de disparaître en fuméeMais dans les villes de grande solitude
Quand l’alcool s’est évaporé
Je replonge dans la multitude
Qui défile au pas cadencéJ’ai peur d’avoir brisé des vitres
D’avoir réveillé les voisins
Mais je suis rassuré très vite
C’est vrai que je ne casse rien »
Quel gâchis pour la Gauche de ne pas avoir vu le besoin de changer la vie sous-jacent à de telles critiques. Cela a malheureusement formidablement aidé la formation d’une Droite populaire durant les années 1980.
Michel Sardou s’est bien entendu enferré dans sa démarche. Il idéalise donc la période qu’il dénonçait hier… Comme avec ses derniers propos sur RTL.
« On fumait, on faisait l’amour, on roulait vite, on pouvait boire, le théâtre marchait, les affaires marchaient… La vie est moins souple, moins détendue que dans les années 80. Le téléphone portable, je hais ça et les réseaux sociaux, n’en parlons pas. Et les gilets jaunes et les gilets rouges et les gilets bleus et les gilets verts… Et merde, ça va ! La seule politique que je pratique, c’est que je fais partie du Parti animaliste. Je défends les petites bêtes. »
Il rejoint donc la ligne, bien connue, de Brigitte Bardot. Et c’est une raison d’avoir critiqué ici le Parti animaliste pour son apolitisme. La défense des animaux, leur protection, même la révolution de leur condition… tout cela concerne la Gauche et doit être dans le programme de la Gauche.
> Lire également : Le parti animaliste aux élections européennes
Cela ne doit pas être prétexte à une posture pour voir tout en noir et se cantonner à caresser un chien ou un chat en disant : le monde est pourri ! C’est là une critique ayant sa part de valeur, mais conduisant dans un cul-de-sac, qui dessert la cause qu’on prétend servir.
Combien il reste de travail en France pour arracher la critique de la société aux postures romantiques-nostalgiques !