Catégories
Politique

Grève du 13 septembre 2019: les travailleurs de la RATP ne font pas rêver

Le trafic RATP a été pratiquement entièrement plombé par la grève, le 13 septembre 2019, avec pratiquement 90% de grévistes pour le personnel roulant, 60 % pour l’encadrement. Un succès pour les travailleurs de la RATP et les syndicats participants. Mais cela ne fait pas rêver, parce que c’est une simple défense sur un mode corporatiste.

Les conséquences de la grève ont un impact littéralement insupportable sur le quotidien de millions de personnes. Par conséquent les travailleurs de la RATP et les syndicats s’accordent des plaisirs symboliques, mais sortent de toute lutte des classes, et vont donc à la défaite.

La défense des acquis est juste. La conquête de nouveaux acquis aussi. Mais le repli corporatiste est erroné. Il est culturellement erroné, car c’est une logique de caste. Il est moralement erroné, car il est une trahison des autres travailleurs. Il est erroné dans les faits, car il amène la défaite. Seule l’unité populaire triomphe de l’État. Rien d’autre.

La grève de la RATP est donc ici un mauvais exemple et il faut vraiment vivre dans le fantasme permanent de la grève générale et autres balivernes anarcho-syndicaliste pour dire, comme Manon Aubry, députée européenne LFI :

« Total soutien à la grève RATP, qui lance la mobilisation générale pour la défense de nos retraites. »

La grève de la RATP ne lance rien du tout. Il peut y avoir une mobilisation, espérons la, mais ce ne sera pas cette grève qui sera le déclencheur. D’ailleurs voici le communiqué de presse, commun aux syndicats UNSA / CGT/ CFE-CGC de la RATP.

Il est d’une faiblesse terrible, il n’a aucune envergure. Il est même déjà l’expression de la défaite, parce qu’il pose le problème comme étant celui d’un affrontement travailleurs de la RATP / gouvernement. La dernière phrase prétend le contraire, symboliquement, mais la méthode, l’approche, la conception, tout montre qu’il tourne purement et simplement, uniquement, autour de la question de la RATP.

COMMUNIQUE DE PRESSE
13 septembre 2019

Nos trois organisations syndicales représentatives de la RATP ont été reçues ce jour par la direction de l’entreprise au sujet du projet de réforme des retraites.

Sans surprise, la direction de la RATP n’a aucune proposition à faire pour répondre à la forte mobilisation des salariés dans toutes les catégories professionnelles.

Nous avons insisté auprès de la direction qu’elle remonte auprès des pouvoirs de tutelle nos analyses de la situation. Nous réclamons de véritables négociations, le maintien des compensations au regard des contraintes et des garanties concrètes rapidement

En réponse à cette mobilisation d’un très haut niveau, notre engagement est total et nous sommes déterminés à défendre l’intérêt de tous les salariés qu’ils soient ou non sous statut RATP.

Paris, le 13/09/2019 – 15H30

Sud Ratp a un communiqué plus long, mais en substance similaire. C’est extrêmement mauvais. En effet, cette démarche particulariste, qui refuse de se placer das l’optique de tous les travailleurs du pays, était déjà fausse hier. Elle l’est encore davantage aujourd’hui. Parce que Paris, et même la région parisienne en partie, connaît désormais Uber et Jump, Blablalines, Klaxit, Lime, Smovengo, etc.

Le capitalisme a encore plus investi les modes de vie et les fuites dans les démarches individuelles sont une règle. L’esprit vivifiant qu’on trouvait en 1995 en région parisienne, avec la sympathie pour la grève à l’arrière-plan malgré les galères insupportables, ne peut plus être de règle.

La grève a essayé de contourner ce problème en réactivant certaines lignes en fin d’après-midi pour trois heures, et encore de manière très partielle. Mais c’est trop ou pas assez. Et de toutes façons le problème de fond n’est pas que technique, il est culturel. Les travailleurs de la RATP ne veulent pas aller vers les usagers, qui sont d’ailleurs désormais en fait des clients. Ils veulent s’en sortir tout seul.

Comme tout le monde. Chacun raisonne en termes d’intérêts individuels, parfois collectivement, mais toujours pour soi en fin de compte. Il n’y a aucune envergure, aucune lecture de classe, encore moins une volonté d’utopie.

On peut même dire, et c’est encore pire, que les travailleurs de la RATP font du chantage émotionnel en disant : protégez nos acquis sinon le gouvernement ira encore plus loin. Très franchement, on n’est pas loin de la vérité en disant cela.

Cela montre la nature de tout un syndicalisme et de tout son cinéma. Car après tout les cheminots de la CGT, l’année dernière, annonçaient bien qu’ils allaient faire tomber le gouvernement…

Tel est le syndicalisme français : bavard, bruyant, entièrement minoritaire chez les travailleurs, totalement intégré aux institutions. Un sacré paradoxe qui a mené de défaite en défaite, et cela va continuer.

Car non, les acquis n’ont pas été apportés par le syndicalisme. Ils l’ont été par la lutte de classes, la politique, la culture… dont le syndicalisme n’est qu’une méthode annexe.

Les travailleurs qui n’assument pas une telle vision vont à la défaite.