Le ministre de l’Intérieur a annoncé mardi un grand plan « anti-stups », non pas pour en finir avec les trafics de drogue, mais pour encadrer cela dans un sens administratif/anti-démocratique. La drogue est acceptée, mais la grande marche quotidienne du capitalisme ne doit pas être perturbée par les trafics illégaux.
Le trafic de drogue est tellement implanté en France, il est si omniprésent et conquérant, que l’État doit réagir pour ne pas être débordé. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a présenté à Marseille mardi 17 septembre un plan national censé lutter contre les stupéfiants. Il était accompagné de son secrétaire d’Etat Laurent Nunez, de la garde des Sceaux Nicole Belloubet et du ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, pour présenter en grandes pompes une nouvelle organisation des services.
Depuis l’hôtel de police de Marseille, il a annoncé la création d’un nouvel Office anti-stupéfiants (Ofast) en 2020, accompagné de 55 mesures censées parer à l’urgence de la situation. En lien avec les autorités judiciaires, cette nouvelle entité doit coordonner les services de police, de gendarmerie, des douanes ainsi que ceux du secrétariat général de la mer, du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du ministère des Armées.
Il s’agit surtout de mieux organiser les renseignements, tout en ayant une surveillance plus fine des territoires. L’enjeu pour l’État est de reprendre la main dans un certain nombre de quartiers et sur un certain nombre de réseaux, après avoir littéralement laissé pourrir des situations pendant de nombreuses années. Le choix de la cité phocéenne pour annoncer ce plan n’est pas anodin puisque la ville est littéralement rongée par les trafics, rendant certains quartiers invivables pour la population, avec déjà 9 morts issus de règlements de compte depuis le début de l’année. D’autres villes comme Lille ou Grenoble, ainsi que bien-sûr certains endroits de la région parisienne, sont aussi particulièrement touchés.
Cela concerne néanmoins tout le pays à des degrés divers. Il est expliqué dans le document présentant les mesures que le trafic de drogue a explosé ces 50 dernières années et particulièrement depuis le début du siècle. Le nombre de trafics identifiés aurait doublé entre 2000 et 2017 et si l’on s’en tient au cannabis, les saisies auraient augmenté de 343 % simplement entre 2010 et 2017.
On apprend également qu’en 1996, la France interpellait 46 000 personnes pour des affaires de stupéfiants, alors que le seuil des 200 000 a été franchi en 2013. En 1968, ces personnes n’étaient que… 283 ! L’État n’envisage pas cependant d’en finir avec la drogue et d’en revenir au moins à ce qui existait il y a 50 ans. Les annonces du ministère de l’Intérieur ne visent qu’à mieux encadrer un trafic qui a simplement été laissé faire avec peu de contrôle et une simple répression à la marge.
Il est estimé que le marché des stupéfiants génère 3,2 milliards d’euros de revenus en France. Ce chiffre est probablement donné à la volée, car on n’imagine pas que l’État sache véritablement ce qu’il se passe dans une situation qu’il admet ne pas contrôler. Il donne cependant un ordre de grandeur, qui correspond grosso modo à n’importe quel autre secteur commercial traditionnel.
C’est important donc, mais pas suffisamment pour justifier autant de troubles, comme l’insécurité chronique dans certains quartiers qui a tendance à s’étendre, mais surtout des comportements mafieux qui troublent de plus en plus l’ordre public ailleurs que dans les quartiers pauvres. Le trafic se « professionnalise », mais de manière chaotique, générant une grande instabilité. Le ministère estime que 80 % des règlements de comptes en France sont liés à la drogue et que 3 milliards d’euros sont blanchis chaque année grâce aux trafics.
Voici comment sont résumées les choses :
« Les réseaux du narco-banditisme utilisent toutes les nouvelles technologies et, de plus en plus, des méthodes violentes jusque-là réservées au grand banditisme ou au terrorisme (utilisation de moyens de géolocalisation, de vidéo et de sonorisation pour déjouer les surveillances de la police ou piéger une équipe concurrente, guetteurs dissimulés sur des points hauts et communiquant à distance, nouveaux lieux de stockage des stupéfiants en dehors des cités, utilisation d’armes de guerre pour sécuriser les lieux de vente ou procéder à des intimidations ainsi qu’à des règlements de comptes, vie en clandestinité de certains chefs de réseaux…). »
On annonce donc qu’on va faire du ménage, avec la prétention que la situation sera rapidement sous contrôle. Il est hors de question pour l’État d’accepter que les réseaux mafieux empiètent sur les autres secteurs industriels et commerciaux, perturbant la marche générale du capitalisme.
Il n’est nullement question cependant de procéder à un véritable plan d’éradication de la drogue dans le pays. Tout juste est-il question de « prévention », mais encore que cela n’est qu’un aspect annoncé au passage, avec une énième « campagne de prévention » bidon qui est annoncée, ne faisant même pas partie des 55 mesures opérationnelles du plan « anti-stups ».
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La volonté n’est pas de combattre démocratiquement ce fléau qu’est la drogue, en harcelant les trafiquants à la base, avec l’appuie de la population et particulièrement de la jeunesse. Cela reviendrait à donner du pouvoir aux habitants des quartiers populaires, ce qui est dangereux pour le capitalisme. Le trafic de drogue est au contraire très utile pour maintenir la tête sous l’eau aux habitants des quartiers populaires, afin d’endiguer tout esprit de révolte.