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Le rachat du site Alltricks par Decathlon

Decathlon fait partie de ces immenses entreprises de la distribution qui tendent à monopoliser leur marché en réduisant toujours plus les coûts, menant ainsi une course folle à la productivité et à l’agressivité commerciale. Le groupe vient de racheter Alltricks, un site spécialisé dans la vente en ligne d’articles liés au cyclisme, augmentant ainsi sa main-mise sur la distribution des articles de sport, qu’elle a considérablement asséchée.

Il y a 1 560 magasins Decathlon dans le monde, dans 55 pays. En France, l’entreprise est devenue incontournable dans de nombreuses villes. Son modèle est simple : proposer une gamme réduite de produits, mais censés répondre à tous les usages, en tirant les prix vers le bas. La conséquence est un assèchement drastique du nombre d’article de sport disponibles pour le grand public et de la qualité du conseil qui en découle.

Le schéma est là encore très simple : les petites boutiques spécialisées ne peuvent pas faire face au mastodonte et concentrent leur activité sur des niches, quand elles ne disparaissent pas. Ces niches sont soit l’ultra-spécialisation dans un sport, pour un public très restreint et à prix très élevé, soit la focalisation sur une activité permettant une continuité commerciale, par exemple en se focalisant sur la réparation de vélo pour les personnes qui ont les moyens. Les autres clients se retrouvent donc chez Decathlon, mais avec une très faible offre. Par exemple, même dans les plus gros Decathlon, il n’y a presque aucun choix en pneu de vélo, alors que c’est un domaine connaissant de nombreux modèles correspondant à des spécificités très précises, même pour la pratique de loisir.

L’avènement de sites internet comme Alltricks a permis en partie de contourner ce problème ces dernières années. Les amateurs de cyclisme les plus aguerris ont pu retrouver un accès bien plus large et intéressant aux nombreux produits liés au cyclisme, alors que les boutiques, à cause notamment de Decathlon, ne distribuaient quasiment plus rien, ou alors à prix très élevé ou sur commande.

Le souci avec Alltricks et les autres sites du genre, c’est que c’est de la vente en ligne. D’une part, ce n’est pas pratique et il n’y a plus aucun conseil de vente, ni sélection de produit par des vendeurs connaissant leur sujet ; c’est de la consommation pure et dure. D’autre part, cela pose un certain nombre de problèmes, notamment en perturbant l’organisation générale de la distribution des marchandises dans le pays, ce qui génère un accroissement des transports et de la pollution.

Le modèle de ces sites internets est en fait très proche de celui de Decathlon, qui a en toute logique racheté l’un des plus gros du secteur, ce qui fera probablement encore évoluer le modèle selon la même tendance.

Prenons un autre exemple, le tennis. Il n’existe quasiment aucune boutique de tennis, à part quelques-unes très spécialisées dans quelques grandes villes, alors que ce sport historiquement très bourgeois est devenu populaire (la fédération est la 2e plus importante en France avec 1 million de licenciés contre un peu plus de 2 millions pour le football). Les grandes enseignes comme Decathlon ont littéralement asséché la possibilité d’avoir des boutiques spécialisées, mais accessibles, regroupant des personnes impliquées sur le long terme dans un sport et la distribution de produits inhérents à ce sport.

Au contraire, les magasins Decathlon regroupent un sport comme le tennis dans un rayon, voir une partie d’un rayon et le conseil éventuel d’un vendeur se fait à la volée, car il n’y a plus grand-chose à dire. Les produits eux-mêmes sont très standardisés et bien-sûr fabriqués en Chine, avec des prix très bas négociés du fait de la puissance permise par les volumes achetés. C’est une course folle au prix le plus bas, permis par une exploitation très forte des ouvriers dans les usines à l’autre bout du monde et un réseau de vendeurs peu qualifiés sur-place, ne restant en général pas très longtemps dans l’entreprise.

Il faut ajouter à cela le travail très difficile des opérateurs dans les immenses entrepôts logistiques du groupe tournant à plein régime. Les tâches sont aliénantes au possible, puisqu’il ne s’agit que de rapidement fournir les différents magasins produit par produit, à la chaîne dans des immenses couloirs remplis de cartons semblables, alors que les magasins commandent quasiment en temps réel leurs produits par un processus entièrement automatisé.

Ce modèle est absolument détestable est ne correspond en aucun cas à celui d’une société meilleure, comme peuvent le prétendre certaines personnes pensant que le Socialisme ne consisterait finalement qu’en une « socialisation » des grandes entreprises capitalistes monopolisant leur secteur. Ces gens sont en général des techniciens ou ingénieurs, confortablement assis dans leur bureau avec de bons salaires, s’imaginant de gauche mais ne connaissent rien ou plus rien au travail ouvrier et à la vie quotidienne des classes populaires.

Ce sont d’ailleurs ce genre de personnes qui sont à la pointe pour aider les grands groupes comme Decathlon à maximiser leurs profits, par exemple en les aidant à dématérialiser et automatiser les processus, afin de gagner du temps et économiser des emplois.