Voici une tribune publiée par Le Parisien-Aujourd’hui en France, dénonçant l’abandon de la jeunesse aux mains des réseaux mafieux liés au trafic de drogue. Elle est écrite par des parents d’élèves et habitants du quartier Delaunay-Belleville Sémard à Saint-Denis (93). Ils y réclament des actions et des moyens de la part de l’État, en rejetant une réponse qui serait uniquement répressive.
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« Tribune
Comme chaque matin depuis le mois de mai dernier, nous, parents d’élèves et habitants du quartier Delaunay-BellevilleSémard à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), formons une chaîne humaine devant nos écoles pour protéger nos enfants du trafic de drogue qui s’étend toujours plus dans nos quartiers nord. Normal ?
Dire tout haut l’enfer vécu au quotidien par les habitants et la colère de voir une jeunesse abandonnée aux mains des réseaux mafieux. Dénoncer enfin les conséquences d’une rupture d’égalité républicaine qui fait sombrer non seulement Saint-Denis mais la Seine-Saint-Denis toute entière.
Les intrusions répétées d’individus liés aux trafics symbolisent la faillite de l’État sur notre territoire. Un État paraissant incapable de garantir de façon égale aux enfants de la République de grandir dans un espace serein, sûr, propice à l’éducation et à l’épanouissement.
La gravité de notre situation n’a pas échappé à M. Leclerc, préfet de Seine-Saint-Denis qui nous a reçus le 4 septembre dernier.
Les « efforts consentis » sont pour la plupart de nature sécuritaire et répressive : 28 agents supplémentaires quand il nous en faudrait 200 de plus rien que pour Saint-Denis.
Le développement des trafics se nourrit d’autres graves défaillances : justice pénale et civile ralentie par ses effectifs insuffisants et ses tribunaux saturés, dispositifs de protection de l’enfance devenus inefficaces, prévention spécialisée décimée, non-remplacement des enseignants absents contribuant aux difficultés scolaires et aux décrochages, une absence de programmes sociaux de lutte contre la précarité, difficulté d’accès aux soins et à l’emploi, un tissu associatif qui vivote par absence de subventions publiques, affectation de néo-titulaires et instabilité des équipes qui freinent le bon fonctionnement des services publics, etc.
Le constat est tel qu’il a poussé cinq maires du 93 à entamer une action en justice contre l’État. La mobilisation des citoyens partout dans le 93 mais aussi à Toulouse, Montpellier et Marseille témoigne de leur volonté de reprendre la situation en main et de ne plus subir.
Suite à la parution en mai 2018 du rapport parlementaire n°1014 sur « L’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis » et à la séance de débat qui a suivi à l’Assemblée le 5 février 2019, vous vous êtes engagé à « adapter l’action » de l’État aux enjeux du territoire.
Vous avez alors chargé le préfet de la Seine-Saint-Denis de mettre en place et coordonner des groupes de travail. Selon le Préfet, ces groupes, auxquels nous, parents d’élèves et habitants de la ville, n’avons pas été conviés et dont nous ne connaissons ni la composition ni le travail, se sont réunis. Leurs conclusions vous ont été remises sans être communiquées au grand public, principal concerné.
Nous demeurons très dubitatifs quant aux 55 mesures, non encore toutes détaillées, du « plan anti-drogue » qui semble exclure une action conjointe avec les ministères de la Santé et de l’Éducation Nationale.
Nous demandons une augmentation significative non seulement des effectifs de police mais aussi d’éducateurs spécialisés, de professeurs remplaçants, de fonctionnaires qualifiés.
Une réponse uniquement répressive est insuffisante. Nous ne voulons pas non plus d’un énième « plan banlieue ». Nous demandons simplement un service public à la hauteur et le rétablissement de l’égalité territoriale. »