En février 2009, naissait le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) avec un écho très large et une véritable dynamique de fond. Dix ans après, on s’aperçoit que cette organisation s’est totalement enlisée dans les valeurs post-modernes.
La naissance du Nouveau parti anticapitaliste s’est déroulée sous les meilleures auspices en 2009. Il s’agissait en effet du « dépassement » d’une organisation avec des cadres éprouvés, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Solidement structuré, disposant de nombreux permanents, profitant d’une expérience à tous les niveaux, la LCR avait acquis une hégémonie véritable « à gauche de la gauche » à la fin des années 1980 et au début des années 1990.
Tout en perdant toujours plus son identité trotskyste, elle se renforçait dans tout le paysage associatif et son candidat aux élections de 2008, Olivier Besancenot, obtenait même 4,1 % des voix, soit 1,5 million de personnes le soutenant. Lorsque la LCR procéda à sa dissolution en janvier 2009, elle avait un peu plus de 3 000 membres ; deux jours plus tard le Nouveau parti anticapitaliste s’élançait et recrutait en masse, arrivant à plus de 9 000 membres.
Mais, en étant objectif, on peut voir que personne n’a compris ce qu’était le NPA. L’idée était telle pourtant que toute la gauche de la Gauche aurait pu rejoindre ce mouvement, qui n’a désormais plus que 2 000 membres, dont la moitié réellement concernée. L’ultra-gauche et la Gauche post-moderne n’existaient alors pas vraiment et il y avait un vrai vivier : en 2002, Olivier Besancenot avait déjà dépassé le million de voix, et Arlette Laguiller même les 1,5 million.
Les anarchistes n’étaient pas foncièrement hostiles au NPA et il y avait même déjà des « animalistes » prônant qu’on y adhère. Pourquoi alors n’a-t-il pas réussi à émerger, alors qu’en même temps Jean-Luc Mélenchon parvient avec succès à imposer le Front de Gauche et bientôt La France insoumise ? Au point d’ailleurs qu’il y eut trois vagues de départ de la NPA vers Jean-Luc Mélenchon (2009, 2011, 2012). Rappelons aussi que Jean-Luc Mélenchon avait proposé une alliance au NPA pour les Européennes de 2009.
La raison est simple : le NPA a gagné. Le NPA vient d’une tradition trotskiste prônant l’amour libre, les tendances, l’orientation autour des mouvements sociaux, la conquête des droits individuels, l’absence de formalisation autour d’une idéologie. Or, tout cela a triomphé. Le NPA et ses ancêtres ont été à l’avant-garde de la Gauche post-moderne et celle-ci existe désormais.
Tout le monde sait bien que les mœurs, au sein de la Ligue communiste avant-hier, de la Ligue communiste révolutionnaire hier, du NPA aujourd’hui, sont profondément libérales, c’est-à-dire foncièrement décadentes. La « Gauche » post-moderne est exactement ainsi. Il n’y a donc plus de place pour le NPA, qui ne peut que se ratatiner sur lui-même.
Ses membres ne savent d’ailleurs plus trop quoi en faire, puisqu’il ne reste que ceux liés d’une manière ou d’une autre à l’héritage trotskiste de la LCR, telle la majorité qui regroupe la moitié des voix et est très pro-zadiste, refusant tout « professionalisme » de la politique, à l’instar du sympathique mais ridicule Philippe Poutou.
Le reste du NPA reste bien plus affirmatif quant à cette tradition, ou bien plus syndicaliste. Il est aussi particulièrement divisé, travaillant souvent littéralement de manière indépendante (Anticapitalisme et révolution, Courant communiste révolutionnaire, Démocratie révolutionnaire, l’Étincelle).
Or, le souci principal est que si la majorité, à l’origine du projet de NPA, est pour aller dans le sens d’une unité très à gauche dans un sens gouvernemental (même si ce n’est pas dit ouvertement et que c’est une sorte de rêve combinant marxisme et anarchisme), les autres courants sont très hostiles à cette approche. Ils sont plus sur la ligne de Lutte ouvrière qui réfute tout « gouvernement transitoire », seulement ils ne peuvent pas rejoindre Lutte ouvrière car celle-ci s’arc-boute sur elle-même. Elle espère survivre suffisamment pour passer son tour et voir les cartes rebattues dans le futur.
Le NPA est donc littéralement coincé. En sortir reviendrait pour ses tendances à ne pratiquement plus exister, l’union étant le seul moyen de tenir. Mais rester, c’est pourrir sur pied et ne pas être capable de formuler de stratégie… C’est la preuve que quand culturellement, on baigne dans un milieu à la fois universitaire, étudiant, petit-bourgeois, on est dans un tel libéralisme qu’on ne peut qu’accompagner l’évolution des mœurs, mais en rien maintenir une identité et un cadre de gauche.