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Les réactions à l’appel pour le 10 novembre contre «l’islamophobie»

L’appel à une marche ce dimanche 10 novembre 2019 contre « l’islamophobie » génère beaucoup de remous à Gauche. Il y a en effet de nombreuses réticences à l’offensive de la « Gauche » post-moderne alliée aux courants politiques musulmans à visée culturelle et aux courants « décoloniaux ». Voici un aperçu des réactions les plus significatives.

La réaction la plus marquante a été celle du Parti socialiste mardi 5 novembre, à l’issue de son Bureau National. De part sa tradition, à la fois institutionnelle et de gauche, le PS ne pouvait en effet pas se joindre à un appel ayant une dimension communautaire et religieuse aussi évidente.

Il y a également des personnalités qui se sont particulièrement exprimées sur le sujet, comme le socialiste Amine El-Khatmi, élu PS d’Avignon. Engagé depuis longtemps contre la montée de l’islamisme et du communautarisme, il fait partie des personnes lucides sur le mot « islamophobie », qu’il sait être « imposé dans le débat public par les islamistes ».

Il a eu des propos très appuyés au sujet de la marche de dimanche :

« Lorsqu’une partie de la Gauche va manifester avec des islamistes autour d’un mot d’ordre, l’islamophobie, qui est le refus d’une critique de la religion : oui, je le dis, c’est une trahison. De l’esprit « Charlie », de l’esprit du 11 janvier 2015 et plus que ça encore, c’est la trahison des combats historiques de la Gauche pour l’émancipation des individus, pour la liberté de conscience, pour le droit aux citoyens de s’élever de l’assignation à résidence identitaire. »

Ce discours incarne largement le sentiment des gens liés à la Gauche historique en France, avec bien sûr des nuances suivant les courants. Mais ce n’est pas celui de la « Gauche » post-moderne, hégémonique dans la direction des organisations, qui ne veut plus de la Gauche historique et préfère une alliance avec des courants politiques musulmans.

> Lire également : L’appel «anti-islamophobie» pour le 10 novembre de la Gauche post-moderne

Cette contradiction génère de nombreuses tensions, visibles au PCF notamment. Sa direction, qui est plus que poreuse au post-modernisme, acceptant l’écriture inclusive ou la question des « trans », a donc dû prendre des pincettes sur le sujet.

Le premier secrétaire du PCF Fabien Roussel n’a ainsi pas signé l’appel, pour ne pas engager l’organisation, en se contentant d’expliquer benoîtement qu’il ne s’y était « pas retrouvé ». L’appel a cependant été largement diffusé dans le PCF et ce sont des personnalités individuelles qui se sont chargées de le signer et même de le défendre.

C’est le cas de Ian Brossat, évidemment, mais aussi des députés Stéphane Peu et Elsa Faucillon, qui assume jusqu’au bout l’appel à marcher contre « l’islamophobie » :

« Face aux pressions, nous ne devons pas céder mais serrer les coudes pour soutenir nos concitoyens de confession musulmane »

Les réticences des gens de gauche face à cet appel révèle aussi un opportunisme grossier de la part de certaines personnalités l’ayant signé, mais feignant ensuite de n’avoir pas bien compris ce qu’ils signaient. C’est le cas Yannick Jadot (EELV), d’Adrien Quatennens (LFI) ou encore de François Ruffin (LFI) qui explique de manière grotesque n’avoir pas porté une attention suffisante au texte car il était avec ses enfants en Belgique « en train de manger des frites et des gaufres » et que de toutes manières, il ne sera pas là dimanche car il a « foot »…

Caroline de Haas pour sa part a demandé à ce que sa signature soit retirée de l’appel, mais elle se rendra quand-même à la marche dimanche pour en profiter.

Opportunisme également, mais dans l’autre sens : Eric Coquerel de la France insoumise explique qu’il a changé d’avis sur le terme « islamophobie », qu’il rejetait avant, qu’il assume maintenant. Selon lui, la critique de l’alliance avec des courants musulmans politiques serait un « universalisme abstrait » et :

« le risque de dérive communautariste, c’est-à-dire la capacité d’une communauté de subordonner les lois de notre République aux lois d’une religion ou de ses intérêts particuliers, n’a pas aujourd’hui de réalité de masse. »

Jean-Luc Mélenchon pour sa part « persiste et signe » sur l’appel, car « il faut savoir faire bloc quand l’essentiel est en jeu». Il en profite également pour lancer une petite pic propre à satisfaire les antisémites, expliquant qu’il soutient l’appel :

« pour ce qu’il y a dans le texte et pas en raison de ceux dont je découvre ensuite qu’ils l’ont également signé. Sinon, je n’aurais jamais signé de texte dans le passé avec Bernard-Henri Lévy ni avec le Crif ».

David Cormand, dirigeant d’EELV, ne regrette « pas du tout » d’avoir signé l’appel avec lequel il n’a « aucun problème », se disant même surpris par « la fébrilité » de certains. C’est peu ou proue la même chose chez Génération-s, qui prétend que :

« Il y a une attaque continue et extrêmement violente contre les populations musulmanes en France et Génération.s sera présent dimanche »

Clémentine Autain, figure du post-modernisme en France, est en première ligne pour défendre l’appel et combattre la Gauche historique :

« Nous devons être là car il y a une responsabilité de la gauche. J’appelle à ce que les forces progressistes y soient les plus nombreuses possible, parce que c’est nous qui donnerons le la ! »

Elle justifie cela par des propos grandiloquents, d’un populisme outrancier :

« Si on continue comme ça, on va vers la guerre civile ! »

« Nous traversons une période dangereuse, dans laquelle les musulmans sont la cible d’une haine qui met en jeu les valeurs républicaines »

Enfin, du côté des organisateurs, il y a eu des réactions très virulentes aux critiques venues de la Gauche, notamment de la part de Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis :

«  Il y a une tentative de sabotage de la part de la fachosphère et de la gauche, on en prend note : les polémiques du RN sont reprises par le PS ».