L’affaire de la forêt de Retz obligeait, à un moment ou à un autre, à ce que le dirigeant de la Fédération des Chasseurs s’exprime. Willy Schraen a choisi Valeurs Actuelles, la grande revue de la Droite la plus réactionnaire, prônant une alliance avec l’extrême-Droite. Il met bien entendu les veneurs hors de cause par définition, mais surtout il souligne que la tête de l’État est toujours à 100 % derrière les chasseurs. À l’arrière-plan, il y a la haute bourgeoisie.
Willy Schraen a répondu dans Valeurs Actuelles, car il savait qu’il devait bien dire quelque chose et que la plus importante des choses qu’il pouvait raconter, c’est que la mort d’une femme tuée par des chiens dans la forêt de Retz dans l’Aisne ne serait, finalement, qu’un fait-divers. La chasse est toujours un dispositif réactionnaire et l’affaire ne change rien : voilà en substance ce qu’il raconte.
Willy Schraen n’hésite pas à mouiller le Président de la République lui-même. À la question « Pensez-vous que cette polémique peut mettre en péril la chasse à courre ? Le Président Macron reste t-il l’ami des chasseurs ? », il répond :
« J’ai rencontré hier Emmanuelle Wargon, la secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Transition écologique, qui m’a assuré de son soutien. Elle est parfaitement consciente que cette polémique est injustifiée. Quant au président Macron, nos rapports sont excellents. Nous bénéficions toujours de son écoute. La réforme de la chasse avance même si nous ne sommes pas d’accord sur tout ! Dans l’immédiat, nous voulons faire stopper les violences verbales et physiques, que ce soit de la part de Brigitte Bardot, Rémi Gaillard, de groupuscules ou tant d’autres associations. Je vous le dis : nous allons lancer une série de procédures judiciaires pour que cela cesse. »
C’est là de la politique très fine. Peu importe ce qui arrive, dit Willy Schraen, ce qui compte c’est qu’il y ait deux camps. La chasse est un vecteur offensif de la réaction et elle va le rester.
C’est tellement subtile que la question et la réponse ici citées ferment l’interview. C’est tellement subtile qu’au tout début, Willy Schraen souligne la chose suivante, pour mettre directement l’accent sur le poids de la chasse à courre :
« Il y a 18 000 chasses à courre par an en France. »
Ce nombre est très important, non pas eu égard la population française, mais par rapport à la haute bourgeoisie. Cela veut dire que cette dernière considère la chasse à courre comme une de ses valeurs. C’est donc intouchable.
Pour être le plus clair possible ici, prenons les propos de Pierre de Boisguilbert, ancien responsable de la Société de Vènerie. Parlant du fait qu’une personne soit tuée par des chiens de chasse à courre, il affirme :
« En cinq siècles ça n’est jamais arrivé. »
En réalité, on n’en sait rien du tout. Il y a une quantité effroyable de « faits-divers » liés à la chasse à courre, avec des animaux blessés ou tués chez les gens, des gens blessés même. Tués peut-être, qui sait, en cinq cent ans. Mais cela est totalement effacé des tablettes en raison de l’hégémonie réactionnaire. La chasse à courre est comme hors-sol de par l’importance sociale de ses participants. On est ici dans l’arrière-cour de la haute bourgeoisie.
L’enquête sur l’affaire de la forêt de Retz a dû même être confiée à un service d’Amiens, car participait à la chasse à courre possiblement incriminée un lieutenant-colonel de gendarmerie. La fonction de ce militaire décoré (médaillé de la Défense Nationale Or agrafe Gendarmerie, Chevalier de l’ordre national du mérite, titulaire de la médaille de la protection du Territoire National agrafe Harpie), c’est… de diriger la gendarmerie de toute l’Aisne.
On voit ici la puissance des notables. L’armée et la haute bourgeoisie forment ici des bastions imprenables, à moins de les briser. Cette affaire de la forêt de Retz a des proportions concrètement immenses de par les forces concernées par l’enquête.