La pratique de l’assemblée générale n’a jamais réellement pris en France : soit parce qu’elle est étouffée par les syndicats, soit parce qu’on la confond avec une sorte de meeting activiste. Dans les universités, la caricature est extrême, avec les présents qui se réduisent à une simple petite minorité se voulant agissante. Une assemblée générale est en réalité une structure qui englobe l’ensemble des travailleurs, existe de manière organisée et prolongée.
La pire erreur, c’est de considérer qu’une assemblée générale ne concerne que les grévistes ou les partisans de la grève. C’est là une erreur complète nuisant fondamentalement à l’unité des travailleurs. L’assemblée générale est un lieu démocratique rassemblant tous les travailleurs. Bien sûr tous ne veulent pas forcément y venir, par dédain, esprit de défaite ou opposition à la grève. Or dans tous les cas il faut chercher à les convaincre de venir, d’exposer leurs points de vue.
Une assemblée générale dans une entreprise, à l’occasion d’une grève, est en effet un lieu démocratique pour les travailleurs et par conséquent en soi un lieu de rupture avec l’idéologie dominante. C’est un saut dans l’organisation et c’est précisément la base nécessaire à quoi qu’il se passe.
Une grève qui n’est portée que par une minorité agissant est une grève qui échoue ; lorsqu’elle n’est portée que par les syndicats, elle s’enlise dans des tractations qui peuvent apporter quelque chose, mais produisent dans tous les cas à la base la passivité, l’absence d’organisation, une non-dénonciation du niveau de conscience.
L’assemblée générale impulse par contre la conscience, l’organisation, l’action, parce que dans tous les cas elle implique les travailleurs. En ce sens, même une assemblée générale décidant de ne pas faire grève est une réussite par rapport à l’absence d’assemblée générale. Elle aura au moins été un lieu de décision, donc une expérience favorable.
Et plus l’assemblée générale est capable de se structurer, plus elle reflète la prise de conscience des travailleurs, et inversement.
Quels sont les besoins d’une assemblée générale en termes d’organisation ?
D’un bureau s’occupant de noter les présents et les absents, de prévoir l’intendance telles les boissons non alcoolisés, le papier et les crayons ou l’ordinateur portable pour noter les points, pour compter les votes, etc.
D’un secrétaire de l’assemblée pour gérer les discussions en accordant la parole.
D’un secrétaire pour noter les points abordés et les résumer.
Ceci n’est qu’un minimum, puisque selon le nombre de travailleurs, l’ampleur de la grève, ses objectifs, d’autres besoins surgissent, auxquels il doit être répondu de manière démocratique et collective. Quelqu’un qui agit pour les autres ici ne les sert pas : il les dessert, en les maintenant dans la passivité. La moindre expérience pratique dans une grève a des conséquences fondamentales pour quiconque y participe : à chacun de faire son expérience.
Et, donc, l’assemblée générale continue. C’est elle qui mène les négociations, pas les syndicats. C’est elle qui choisit qui va négocier, avec un mandat bien déterminé. C’est l’assemblée qui décide d’accepter ou pas ce que les responsables de l’entreprise proposent.
Toutes les actions sont décidées par l’assemblée, rien n’est décidé dans l’assemblée.
L’assemblée ne doit jamais être le rassemblement d’une simple petite minorité – comme les étudiants le font jusqu’à la caricature – ni le lieu où une petite minorité agit avec une majorité qui suit passivement.
L’assemblée est ainsi générale car elle est démocratique et engage tout le monde. Si jamais l’assemblée cesse la grève, seule une minorité aura bien entendu assez de conscience pour en tracer le bilan, pour en conserver la mémoire, pour travailler dessus. Il s’agira là des éléments les plus conscients, qui le plus souvent seront politisés à Gauche. Inversement d’ailleurs, ces éléments n’existent pas dans la classe ouvrière s’il n’y a pas d’expérience de masse à la base… d’où leur nombre si restreint voire inexistant actuellement.
D’aucuns diront que l’assemblée générale, se prolongeant, doit se prolonger jusqu’au bout, jusqu’à former le fameux « soviet », le conseil décidant que le pouvoir revenait à tous les conseils partout. Cette hypothèse n’est pour l’instant simplement qu’une hypothèse, car il n’existe pour l’instant même pas de démocratie chez les travailleurs, qui sont isolés, passifs, sceptiques, quand ils ne sont pas corrompus par le capitalisme.
C’est pour cela que tout dépend de l’existence des assemblées générales, de leur organisation, de leur prolongement concret jusqu’à assumer la direction des luttes. Sans ces assemblées générales, il y a un « mouvement social » – pas une lutte des classes.