Le mouvement du 5 décembre a comme substance de s’opposer à la réforme des retraites du gouvernement qui va être proposé par Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, quelques jours après. Or, le capitalisme étant particulièrement en mouvement désormais, les individus sont atomisés et la réforme des retraites est une reconnaissance de cet état de fait. Peut-on gagner une lutte contre quelque chose dont les soubassement sont déjà là ? Oui, mais pas en défendant une version passée des retraites, avec ses bastions corporatistes.
Le principe des retraites devrait être simple, mais il ne l’est pas et paradoxalement, Emmanuel Macron veut le transformer vers plus de lisibilité, en torpillant un certain nombre d’acquis corporatistes faisant sa complexité. Et pourquoi veut-il le rendre simple ? Pour qu’un salarié soit toujours un salarié, uniquement un salarié, et non plus un plombier, un ouvrier, un fonctionnaire, un policier, etc.
C’est l’universalisation de la condition de salariée qui est visée, ainsi, à terme que la mise de côté de l’État dans la gestion de tout cela, au profit de mutuelles avec une capitalisation.
Emmanuel Macron veut donc un calcul des retraites qui soit universellement similaire – pour que chaque personne puisse avoir son parcours radicalement individuel.
Son idée est d’adapter les retraites au système libéral ; en 2017 en tant que candidat à la présidentielle, il proposait ainsi :
« un système universel des retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé »
Pour réaliser un tel projet, il faut se confronter à la réalité et celle-ci est la suivante : les retraites en France ne consistent pas en une grande tirelire où l’on « capitalise » ce qu’on a cotisé en travaillant. Elles procèdent par répartition : ce sont les gens qui travaillent qui payent pour ceux à la retraite, et ainsi de suite pour les générations d’après.
Cela signifie que pour universaliser les retraites – et donc permettre le triomphe absolu de l’individualisme – le gouvernement doit d’abord abandonner le découpage des retraites existant. Quand il aura fait cela, il pourra passer à la capitalisation au lieu de la répartition par génération.
Comment une retraite se présente-t-elle aujourd’hui concrètement ? Pour connaître sa retraite, il faut voir sa propre durée d’activité (calculée par trimestre), ainsi que le niveau de revenu durant cette activité. Seulement, selon le type d’activité, la chose peut changer. Il y ainsi en France 42 caisses de retraites.
La plupart des gens ne sont pas concernés, car 80 % dépendent simplement du régime général des salariés du privé, avec en plus d’ailleurs une complémentaire obligatoire, unifiée désormais, de l’Agirc-Arrco. On a ensuite la fonction publique, la Mutualité sociale agricole, le régime des indépendants, les régimes spéciaux propres à certains métiers comme avocat, cheminot, travailleur de la RATP, etc.
Comme il n’y a pas de pot commun qui plus est, certains régimes sont déficitaires : 261 000 personnes touchaient ainsi des retraites liées à la SNCF en 2017, mais il y avait seulement 143 000 travailleurs actifs à la SNCF.
Le gouvernement arrive alors et dit donc, c’est ingérable, certaines retraites sont en faillite, on met un terme à tout cela et on universalise. Comme universaliser dit mettre à plat, cela veut dire niveler… et certains vont être perdants : ceux qui étaient dans les secteurs protégés. Ainsi, les fonctionnaires, ceux profitant des régimes spéciaux comme à la SNCF, à la RATP, etc. C’est pour cela que certains syndicats en particulier – la CGT et FO – ruent dans les brancards.
D’autres vont être gagnants : ceux qui font des petits boulots, qui ne rentrent pas dans les cases d’un système de retraites n’assumant pas encore la dimension atomisée existant socialement. C’est pour cette raison que la CFDT critique le système actuel qui « pénalise les femmes, les précaires, les bas revenus ».
Il y a alors deux tendances qui se dégagent. La première est assumée à mots voilés par le gouvernement : il y aura un allongement de l’âge légal de départ à la retraite, qui passera de 62 à 65 ans en 2025. Ceci afin de remplir les caisses pour que toute personne ayant travaillé toute sa vie dispose de 85 % du SMIC net comme retraite.
La seconde, personne n’en parle encore alors que c’est pourtant le but évident : le système des retraites s’effacera devant les mutuelles privées, avec donc la capitalisation. Car une fois qu’il y a universalisation des salariés, alors il n’y a aucune raison de décider pour eux individuellement…
La réforme des retraites a donc la même base idéologique – ou réelle, avec le capitalisme – que la légalisation de la PMA pour toutes et même de la GPA de manière indirecte avec la retranscription de l’état-civil, la future légalisation du cannabis, etc.
C’est une dérégulation générale qui est en cours – et comme la « Gauche » postmoderne y est favorable culturellement, elle a déjà perdu. Même les syndicats sont d’accord culturellement – comment feront-ils alors pour s’opposer à une tendance de fond, la réforme ne concernant qui plus est qu’une minorité du pays ?
Une réponse sur « Le sens historique de la réforme des retraites de décembre 2019 »
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