Comme l’ensemble des cadres socialistes historiques, François Hollande est un analyste très fin des situations et des enjeux, même si certains reprocheront à tous ces gens de ne finalement pas croire en grand-chose. Ses propos sur le défi que représente 2022 sont pour cette raison empreints de sagacité. Le constat est simple : ou il y a un renouveau par en bas de la Gauche formant un camp bien déterminé, ou l’extrême-Droite se profilera comme alternative à un Emmanuel Macron trop décrédibilisé pour former un rempart à celle-ci.
François Hollande a-t-il lu l’article d’avant-hier « Mouvement de décembre 2019: les Français ne veulent pas le changement », pour dire la même chose hier sur France Inter ? Il n’en avait, il est vrai, nul besoin, puisque du point de vue toute personne rationnelle à Gauche, la situation est très claire.
Et cette situation, c’est celle d’une « gauche de la gauche » populiste et velléitaire, sans crédibilité, avec un Emmanuel Macron qui ne pourra clairement plus servir de barrage à l’extrême-Droite tellement il est décrédibilisé. Conséquence : il faut l’unité de la Gauche, ou bien c’est le drame.
François Hollande a exprimé son point de vue en les termes suivants, bien choisis et disposés de manière très intelligente.
Première thèse : un mouvement nouveau d’unité est inévitable. Il va y avoir un mouvement de fond. En cela, François Hollande exprime parfaitement le point de vue de la Gauche.
« En 2022 il va y avoir une élection présidentielle et des élections législatives, il faudra une figure. Il va falloir qu’il se passe quelque chose, pas seulement une incarnation physique, mais aussi une mobilisation citoyenne, un parti, un mouvement, il faut une force qui surgisse à partir de ce qui existe déjà et qui puisse faire entendre la voix de l’espérance. »
La responsabilité de chacun est nécessaire. Tout le monde doit contribuer et se plier à la discipline de l’unité de par le défi historique. On peut évidemment considérer que François Hollande a des arrières-pensées électorales. Cependant, résumer ses propos à cela serait fondamentalement réducteur, pour ne pas dire même la dernière chose à faire.
« J’y contribuerais si c’est nécessaire, je ne vais pas moi-même m’imposer, je ne vais pas moi-même considérer que je suis une solution quand certains pensent que j’ai été un problème, je veux être un contributeur – parmi d’autres – parce que c’est nécessaire, sinon le risque c’est quand même une alternative d’extrême droite. »
Enfin, le populisme de gauche ne peut aucunement réussir, le nationalisme le battant par définition. Il faut donc que le centre de gravité soit le réformisme. Ce point de vue correspond à toute la philosophie de François Hollande concernant l’impossibilité, selon lui, d’avoir une Gauche majoritaire en France.
Il l’a exprimé dans Un président ne devrait pas dire ça…, ainsi que dans les trois chapitres ajoutés à l’occasion de la parution en version poche de son livre Les leçons du pouvoir, en avril de cette année.
« C’est très intéressant ce qu’il s’est passé au Royaume-Uni. Jeremy Corbyn fait le programme le plus à gauche qui soit depuis les années 1950 pour le parti travailliste et il perd dans toutes les circonscriptions ouvrières.
Cela veut dire que le nationalisme, le souverainisme, sont plus forts que le gauchisme, que le gauchisme n’a aucune chance face au nationalisme.
C’est la crédibilité qui a une chance, c’est le réformisme, c’est l’idée que si Jeremy Corbyn avait fait campagne pour le maintien, il avait une chance, mais en faisant campagne sur l’ambiguïté et le gauchisme, ce sont finalement les conservateurs les plus à droite qui ont gagné. La sociale-démocratie renouvelée, elle, a une chance. »
Le souci dans ces derniers propos est qu’on voit mal en quoi un pôle réformiste se distinguerait d’Emmanuel Macron. François Hollande a d’ailleurs considéré comme nécessaire de tenir les propos suivants, qui feront suffoquer beaucoup de gens à Gauche :
« S’il y a une victime [d’Emmanuel Macron], la première, c’est moi. J’en ai payé suffisamment le prix y compris en n’étant pas candidat à l’élection. Mais c’est vrai qu’il y a eu cette dissidence et il a utilisé la position qui était la sienne pour faire valoir ses positions, ses idées, sa campagne présidentielle. »
La sagacité de François Hollande montre que, qu’on le veuille ou non, on ne coupe pas aux socialistes. On peut leur reprocher de ne pas être suffisamment à Gauche, ni même clairement de gauche. Mais quand on voit La France Insoumise et son populisme toujours plus incohérent, il est évident que cela ne donne aucune perspective. Avec l’extrême-Droite comme défi, on ne peut pas non plus se contenter du luxe d’attendre un prochain cycle historique…
On peut regretter cette situation et œuvrer à une Gauche revenue à ses fondamentaux historiques. Mais cela ne doit jamais faire oublier le réalisme nécessaire et le sens des responsabilités.