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Écologie

Corse: une villa construite illégalement dans une baie protégée détruite à l’explosif

Une villa de 240 m² a été détruite à l’aide de bonbonnes de gaz dans la nuit de jeudi à vendredi 20 décembre 2019 en Corse, sur la commune de Bonifacio. La gendarmerie a parlé de dégâts « importants à très importants ». Elle a été construite illégalement par le riche homme d’affaire Pierre Ferracci, qui est connu pour être proche d’Emmanuel Macron et est par ailleurs président du Paris FC, un club de football professionnel évoluant actuellement en Ligue 2.

La construction de la villa de Pierre Ferracci, et d’une autre à côté autour d’une piscine, est au cœur d’une intense polémique en Corse, parce que cela a été fait en toute illégalité dans un endroit censé être protégé. Les villas sont situées sur la pointe nord de la baie de Rondinara, abritant une plage formant tout un ensemble réputé pour sa beauté naturelle.

Cela avait logiquement provoqué de la colère avec de nombreuses manifestations demandant leur destruction, ainsi que des actions en justice intentées par les association de défense de l’environnement U Levante et ABCDE.

En juillet 2017, l’homme d’affaire avait été condamné en appel à un million d’euros d’amende pour travaux hors permis de construire, sans que la destruction des villas et de la piscine ne soient ordonnée. Cela fût vécu comme une provocation et un déni de justice.

Les associations avaient très bien résumé l’enjeu dans leur communiqué d’alors, dénonçant une jurisprudence dangereuse :

« Si une famille puissante (financièrement et relationnellement) se permet de construire, sans permis, dans un lieu protégé, vierge, sans respecter l’arrêté interruptif de travaux qui lui a été signifié et n’est condamnée qu’à une amende (faible comparée à la valeur estimée des deux villas), sans obligation de détruire, la porte s’ouvre pour une bétonisation illimitée de lieux, pour l’instant indemnes, par des personnes fortunées qui se moqueront d’avoir à payer une amende. »

Le club « la Gauche autonomiste » avait eu une analyse similaire, expliquant dans un communiqué que cela revenait à :

« la possibilité accordée aux plus fortunés de prendre des libertés avec les normes de constructibilité, pour peu qu’ils soient en capacité de supporter le coût d’une forte amende. »

Sous la pression des recours, la Cour de cassation avait annulé la condamnation au début de cette année et ordonné un nouveau procès, devant se tenir dans les mois prochains. Tout cela est très lent et incertain, et en attendant les villas existent en toute impunité depuis 2010 (2013 pour la seconde).

Il y a donc eu un acte fort dans la nuit de jeudi à vendredi, avec la pose d’engins explosifs dans les villas ( une seule ayant été détruite selon la gendarmerie).

Ce genre de destruction de villa est loin d’être une première en Corse bien sûr, la question des personnes riches colonisant le littoral y étant un sujet majeur. Il ne faudra surtout pas ici tomber dans la caricature typique, faisant des Corses des chauvins mafieux et poseurs de bombes à tout va. On voit bien avec cette affaire que c’est de bien plus que cela qu’il s’agit.

La justice est sabordée, au mépris de la nature, mais aussi régulièrement au mépris de la culture du peuple corse devant se soumettre à l’industrie touristique et aux désirs de personnes très riches.

Notons d’ailleurs que le président de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni a déclaré hier la Corse en « état d’urgence climatique et écologique » (une déclaration symbolique, la ville de Paris ou le Canada ayant déjà fait la même chose par exemple), mais avec un discours écologiste se voulant engagé, appelant la population à la défense de l’environnement corse et méditerranéen.

Il y assume d’ailleurs, le lendemain même de l’explosion d’une des villas de Pierre Ferracci, que « la Corse a toujours su se mobiliser pour défendre son environnement et celui de la Méditerranée », en citant notamment les :

« actions clandestines qui ont empêché la bétonisation de notre littoral et cela, les Corses le reconnaissent, y compris ceux qui ne sont pas nationalistes. »

C’est une prise de position très forte, qui en dit long sur l’état d’esprit pouvant exister sur l’île, avec une population largement déterminée pour ne pas laisser le littoral aux mains des richissimes bétonneurs, alors que dans le même temps l’érosion du littoral à cause du changement climatique est de plus en plus préoccupante.

Les défis démocratiques sont nombreux en Corse, et seul un mouvement populaire peut réellement y faire face.

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