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L’affaire esthético-littéraire criminelle Gabriel Matzneff

Vanessa Springora publie le 2 janvier prochain Le Consentement où elle raconte comment à 14 ans elle est tombée sous l’emprise d’un écrivain reconnu par le tout-Paris des années 1980. À l’époque, cet écrivain faisait d’ailleurs ouvertement la promotion de sa démarche, dans une tradition même bien ancrée dans la haute bourgeoisie littéraire liée à l’idéologie pédéraste du Banquet de Platon.

À l’occasion de l’anniversaire de mai 1968, on trouve sur agauche.org un article au titre très perturbant : Mai 1968 et la promotion libérale-libertaire de la pédophilie. Cela parle déjà de l’écrivain concerné par le scandale actuel.

S’il est désigné comme G.M. dans le livre, tout le monde sait qu’il s’agit de Gabriel Matzneff. Il était alors quinquagénaire alors que Vanessa Springora, devenue son esclave sexuelle, avait 14 ans.

On a affaire ici à un mélange d’esprit grand-bourgeois et d’esprit décadent libéral-libertaire. Gabriel Matzneff est d’ailleurs chroniqueur dans le très réactionnaire hebdomadaire Le Point. On est dans un refus élitiste de la norme, une exigence d’expérience au-delà de la morale à la Nietzsche, d’où le soutien total de la « gauche » postmoderne.

On est dans une démarche se voulant à la fois transgression et transcendance. Cet idéalisme esthético-littéraire est très prégnant en France. La pédophilie et la pédérastie sont considérés, dans une mouvance où l’on trouve notamment André Gide et Alain Robbe-Grillet, comme une forme de relation au-delà des contingences matérielles, une forme pratiquement sacrée, de maître à disciple dans un « amour » représentant une beauté pure.

De quoi faire sauter au plafond tout prolétaire. Mais de quoi donner un « sens » à la vie d’un grand bourgeois esthétisant ayant peur de la vie d’adulte et romançant une activité perverse d’emprise.

À des moment-clefs, tant Le Monde que Libération ont d’ailleurs été des vecteurs sciemment employés pour la promotion de cette ignoble perversité et un texte comme celui écrit par Gabriel Matzneff a été signé par Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, André Glucksmann, Gilles Deleuze, etc.

L’affaire Gabriel Matzneff n’en a que davantage de sens aujourd’hui. Tous les idéologues, théoriciens et philosophes « post-moderne », tous, sans exception, ont défendu le rejet des normes allant jusqu’à la pédophilie. Les théoriciens de l’ultra-individualisme, de la « spontanéité », de l’écriture inclusive et autres folies identitaires plaçant l’individu comme irréductiblement « différent » ont toujours réfuté toute frontière morale.

Ce qui est logique : si tout le monde est différent, alors il n’y a plus de morale universelle possible. Inversement, la morale universelle exige le socialisme et le rejet de la notion d’individu tout puissant…

Pour ceux qui reconnaissent « l’individu » et son absolue différence, du moment qu’il y a « choix », alors on peut faire n’importe quoi, depuis se dire homme ou femme comme on le veut, jusqu’à la pédérastie ou la pédophilie s’il y a « choix », comme dans un contrat au sein de la société capitaliste. Personne ne pourrait juger, puisque chacun est différent.

C’est là une application strictement logique du libéralisme. Gabriel Matzneff ne s’est donc jamais caché ; sur son blog, il montre quelques « petites amies » adolescentes. C’est son mode de vie.

Sa théorie est très bien élaborée, à tous les niveaux. Cela le conduit par exemple à flétrir la « génération Bataclan » sur laquelle il crache dans Le Point au nom d’un élitisme « spirituel », paraphrasant somme toute l’idéal « spiritualiste » de l’État islamique contre une vie quotidienne « vide ».

Cela l’amène surtout à valoriser la valeur « spirituelle » de la pédophilie, de la pédérastie comme horizon de liberté, comme ici dans une interview de 1974 :

« Des moins de seize ans, il y en a dans tous mes livres. C’est en vérité une de mes idées fixes majeures, non au sens malsain que peut avoir l’expression « idée fixe » mais au contraire dans un sens joyeux, créateur, ludique. L’adolescence c’est l’âge du refus, de la rupture. Rester fidèle à l’esprit de cet âge, c’est dire non à ce que Nietzsche appelle le « cul de plomb », c’est à dire le faux-sérieux, les faux-devoirs, toute la sclérose qui rend le monde adulte si terne et si ennuyeux.
La nostalgie de l’androgyne est une des nostalgies fondamentales de l’humanité. Elle est, par essence, nostalgie paradisiaque. Si mes histoires de petits garçons et de petites filles font scandale c’est simplement parce que les gens ont peur du paradis. »

De par sa logique libérale du « contrat » et sa quête esthétisante et élitiste, Gabriel Matzneff a été considéré – à juste titre – comme relevant du patrimoine littéraire bourgeois. Un « lettré » comme Bernard Pivot – en fait un fonctionnaire du vide littéraire et artistique – pouvait parler tranquillement de Gabriel Matzneff et de ses activités sordides, comme si de rien n’était, comme ici en 1990.

 

Il est d’ailleurs encore défendu, dans le scandale actuel, par de très nombreuses figures littéraires. Lui-même s’est plaint dans Le Nouvel Obs, avec une rhétorique impeccablement esthético-littéraire, avec le Banquet de Platon à l’arrière-plan :

« Apprendre que le livre que Vanessa a décidé d’écrire de mon vivant n’est nullement le récit de nos lumineuses et brûlantes amours, mais un ouvrage hostile, méchant, dénigrant, destiné à me nuire, un triste mixte de réquisitoire de procureur et de diagnostic concocté dans le cabinet d’un psychanalyste, provoque en moi une tristesse qui me suffoque. »

Au sens strict, aucun libéral ne peut critiquer Gabriel Matzneff. Ceux qui acceptent le libéralisme dans les mœurs sont obligés d’accepter sa démarche, du moment qu’il y a « contrat » avec l’adolescent ou l’enfant, qu’il y a « accord »… Car on ne pourrait pas juger.

Pour ceux qui n’adhèrent pas au libéralisme dans les mœurs, le jugement de gens comme cela est, évidemment, plus sommaire, pour ne pas dire plus expéditif.