Demi-succès, la mobilisation a témoigné d’un engagement certain, mais pas d’un élargissement. Il n’y a ainsi de place pour aucune perspective à part simplement tenir. Comme la lutte des classes avance ou recule mais ne connaît pas de surplace, l’État s’empresse de fermer la parenthèse, avec les matraques et la négociation.
La mobilisation du 9 janvier était très attendue : annoncée bien en amont, elle devait permettre non pas simplement de jauger les forces, mais bien de provoquer un élargissement du mouvement contre la réforme gouvernementale des retraites. Du côté gouvernemental, on espérait un pourrissement.
Les deux camps en sont pour leurs frais. Car d’un côté, les syndicats CGT, FO, CFE-CGC, FSU et Solidaires restent mobilisés, alors que les deux syndicats prêts à négocier, la CFDT et l’Unsa, sont encore de la partie d’une manière ou d’une autre. Il y a eu 200 cortèges dans le pays, 452 000 personnes dans les rues selon le gouvernement et 1,3 million selon les syndicats, la CGT y allant comme d’habitude de la « mobilisation historique » etc. etc. Les chiffres syndicaux sont irréalistes, reste qu’il y avait du monde.
A la SNCF le mouvement a été soutenu au 36e jour de grève, avec 44,2% de grévistes (dont 38,5% au matériel 31,7% à la sûreté, 34,5% au transport, 56,5% au contrôle, 27,8% à l’équipement, 65% à la traction, 35,8% a la circulation). La RATP est restée très perturbée, l’Éducation nationale voit un mouvement important se maintenir, il se passe donc bien quelque chose encore. Surtout que la CGT Energie s’est vraiment lancée et qu’hier le mouvement a bloqué l’équivalent de la consommation électrique de l’Ile de France.
Seulement, il n’y aucune étincelle sociale ou culturelle et aucun mai 1968 à l’horizon. La France continue d’ailleurs de tourner. Seule la région parisienne voit sa vie quotidienne franchement bousculée pour aller et retourner au travail, et encore aucunement la bourgeoisie avec les moyens qu’elle dispose (depuis Uber jusqu’aux trottinettes électriques).
Tout se raidit donc, à défaut de durcir. Les exemples sont significatifs ces derniers jours. Au Havre des pompiers ont arrosé la mairie (d’où vient le premier ministre), alors qu’à Bordeaux, le courant a été coupé au commissariat central après l’arrestation d’un militant de la CGT énergie. A Radio France, la PDG Sibyle Veil tenait un discours de vœux pour la nouvelle année qui a été interrompu par le choeur de la radio entonnant le chant des esclaves dans l’opéra de Verdi Nabucco.
C’est là chercher à bousculer les choses. Seulement, le régime ne se contente désormais plus de contenir. Il sait qu’en l’absence d’avancée, le mouvement se tasse et donc perd en énergie populaire. Les forcings de type « syndicaliste révolutionnaire » cherchent justement à compenser cela et personne n’est dupe.
Lors du 9 janvier à Paris, les gilets jaunes, qui s’étaient placé en tête de cortège, devant les syndicats, en compagnie des libertaires, se sont ainsi littéralement fait manger par une charge policière allant directement à l’assaut. Dans une même idée, le dépôt bus Belliard à Paris a vu les bloqueurs chassé à coups de gazage à bout portant.
Il y avait par le passé des accrochages de ce type, mais le changement est qualitatif. Le côté ponctuel de l’agressivité s’efface désormais devant une véritable stratégie. La grève n’ayant pas progressé, elle est de plus en plus encerclée, la répression véritable peut s’installer, au moyen d’une police française parmi des plus hautes professionnelles du monde, avec une tradition de plus de 150 ans !
Ceux qui ont parlé de violence policière et d’État policier il y a encore peu vont regretter leur démagogie, et cela d’autant plus à l’horizon des prochaines élections municipales. L’esprit de dépression générale se maintient en France, la Gauche ne l’a pas rompu et il va falloir faire face à l’extrême-Droite en embuscade.