L’action commando de coupure du courant au siège de la CFDT a mis la CGT dans un embarras profond. L’ambiance est d’autant plus tendue que l’échec de la grève contre la réforme des retraites se pointe. La CGT mines-énergie Île-de-France a elle prolongé son initiative substitutiste en coupant le courant dans le sud de Paris.
Le plus simple, pour la CGT, cela a été de tenter d’oublier cette histoire d’un groupe menant une opération coup de poing, en mode commando, pour aller couper le courant au siège de la CFDT. Déjà la première occupation avait produit une situation intenable, mais alors là !
Il y a ainsi bien eu un communiqué de la CGT, mais il est resté très confidentiel, et surtout très mesuré, voire flou, pour ne pas dire obscur.
« Une nouvelle intrusion a eu lieu ce jour au siège de la CFDT afin d’y couper l’électricité. Cet acte, commis par des personnes non identifiées, est revendiqué par quelques syndicats de la CGT énergie.
La Confédération Générale du Travail ne cautionne pas de telles actions comme elle a déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. Elle réaffirme son attachement à un débat démocratique dans lequel chaque organisation syndicale a le droit de défendre ses positions en propre.
Par ailleurs, la CGT dénonce l’attitude de mépris et de provocation permanente de la part du gouvernement qui ne cesse de stigmatiser les grévistes et qui fait clairement fi d’une très large opinion publique qui reste largement opposée à son projet.
La CGT soutient l’ensemble des salariés des industries électriques et gazières, comme des autres secteurs massivement en grève depuis plusieurs semaines, démontrant ainsi la forte opposition au projet de contre-réforme du gouvernement.
Elle appelle à une mobilisation massive dans tous les secteurs de l’économie, ce vendredi 24 janvier, jour de l’examen du projet de loi au Conseil des ministres »
Donc, si on ne sait pas qui c’est et qu’en plus ce sont seulement certains syndicats qui l’ont revendiqué, c’est comme si après tout rien ne s’était passé ! Par contre, pour ceux passant à la télévision, c’était forcément plus compliqué que dans un communiqué, alors il a fallu jongler.
À quelques minutes d’intervalle, deux secrétaires confédéraux ont ainsi réagi en cherchant le bon axe, de manière très différente. Fabrice Angei a pris ses distances avec « ce genre d’opération [qui] n’apporte rien au combat, voire même peut être contre-productif », tandis que Céline Verzeletti a défendu l’action en disant que ce n’était pas violent, préconisant même d’aller plutôt couper l’électricité à l’Élysée.
C’est qu’à la CGT, on joue le coup de Gribouille qui saute dans l’eau pour ne pas être mouillé par la pluie. Chacun cherche à tirer la couverture à lui alors que, forcément, la défaite s’affichant à l’horizon, il faudra bien rendre des comptes. Les couteaux s’aiguisent avec, à l’arrière-plan, la ligne négociatrice mais dure de Philippe Martinez et celle, dure mais négociatrice, de Laurent Brun de la CGT Cheminots et de Sébastien Menesplier de la CGT Mines et Énergie.
Le premier pense que la situation ne peut guère être favorable à la CGT et qu’il faut louvoyer, les autres veulent un retour à la CGT des années 1980, et au PCF des années 1980. Il y a d’ailleurs toute une base derrière ces derniers, avec par exemple le secrétaire général de la CGT Énergie Paris Cedric Liechti qui a expliqué sur un site lié à une partie de la CGT :
« C’est pour ça que le siège de la CFDT a été visé et qu’on a évidemment décidé de le revendiquer en tant que syndicat CGT et y compris, ne nous en cachons pas, par rapport à la sortie de Martinez d’il y a quelques jours suite à l’action de la coordination RATP SNCF où Martinez s’est désolidarisé de cette action et a apporté son soutien à Laurent Berger. Ça nous a paru totalement incroyable que notre syndicat apporte son soutien à une des principales courroies de transmission du capital et du patronat.
C’était donc aussi pour affirmer que nous, les bases CGT, on a aucun problème [avec cette action] et que nos positions sont extrêmement claires sur le rôle que joue la CFDT qui n’est sûrement pas un partenaire de la CGT. »
Non content de l’opération quasi comando au siège de la CFDT lundi, de nouvelles coupures d’électricité ont eu lieu dans le sud-est de la région parisienne hier. Celles-ci ont été directement revendiquées par le Secrétaire général de la Fédération CGT Mines et Énergie Sébastien Menesplier qui promet qu’il y en aura d’autres :
« Ce type d’action nous permet justement de faire mesurer au grand public que nous sommes en grève. Et donc, nous sommes médiatisés, on peut faire passer un message. »
En lieu et place de la lutte des classes, il y a donc la quête de bruit médiatique. Rappelons ici tout de même que si 75 000 électriciens et gaziers étaient en grève le 9 janvier 2020 selon la CGT FNME, ils n’étaient plus que 30 000 le 16 janvier. Cedric Liechti de la CGT Mines et Énergie Paris le reconnaît d’ailleurs lui-même pour justifier ce genre d’action et expliquer qu’elles vont se multiplier :
« la grève reconductible est encore minoritaire au sein de l’Energie. Elle est présente et active, s’organise très régulièrement de manière très visible. Pour l’instant, notre seule limite c’est l’élargissement à une plus large proportion de nos collègues. »
On est ici dans une fuite en avant typique du syndicalisme, par une tentative de compenser les faiblesses par l’action « directe ». Avec beaucoup d’hypocrisie également, puisque si l’impact sur l’économie était visé, en réalité tant le Marché d’intérêt national de Rungis que l’aéroport d’Orly disposent de systèmes de relais en cas de coupure de courant.
Ce n’est pas le cas bien sûr pour les familles qui se sont retrouvées sans électricité pendant plusieurs heures dans le pire des cas, ou de ces personnes coincées dans des ascenseurs. Mais cela ne semble pas être un problème et on a même Franck Jouanno de la CGT-Energie Val-de-Marne qui a eu le toupet de dire à la télévision :
« Ça me gêne mais bon il y a toujours des impacts. C’est pas non plus la fin du monde d’avoir une coupure, en général ça ne dure pas plus que la matinée. »
Ce n’est pas la fin du monde certes, mais ce n’est pas ainsi qu’on peut penser élargir un mouvement de grève dans le pays. Cela, les syndicalistes refusent de le comprendre. Entre l’UNSA et FO qui récusent la politique et la CGT qui n’en veut pas, il n’y a de place que pour la fuite en avant, et donc la défaite. Seule la Gauche aux commandes peut amener la victoire réelle d’une grève ! Les syndicalistes doivent se soumettre à la Gauche et ils le feront qu’ils le veuillent ou non.