Le mouvement de contestation contre la réforme des retraites est en perte de vitesse. La grève s’est enlisée, alors qu’elle n’a pas pris ailleurs qu’à la SNCF et à la RATP, que même dans des secteurs mobilisés comme à EDF-Enedis, elle n’a été que minoritaire. Pourtant, la CGT triomphe et s’imagine qu’en annonçant des chiffres de manifestants invraisemblables, cela suffira à ce qu’il se passe quelque-chose.
Le gouvernement a adopté ce matin le projet de loi sur la réforme des retraites en conseil des ministres en ignorant totalement la contestation et les syndicats. Mais la CGT triomphe : « Qui a parlé d’essoufflement de la mobilisation sociale ? » titre son communiqué.
C’est sûr que quand on raconte ce qu’on veut sans aucune vraisemblance pour le nombre de manifestants, il est facile de triompher… Il y aurait eu ce vendredi 24 janvier d’après la CGT entre 350 000 et 400 000 personnes manifestants à Paris. Cela ferait donc 100 000 personnes de plus que la semaine dernière le 16 janvier. Mais d’où viennent ces 100 000 néo-manifestants, qu’on avait pas vu depuis le 17 décembre et le 9 janvier, au plus fort du mouvement, où la CGT annonçait autant à Paris ?
Cela ne tient pas la route, alors que la Préfecture ne parle que de 31 000 personnes hier et que le chiffre des médias est de 39 000 manifestants. Rappelons que le 17 décembre 2019, la Préfecture avait annoncé 76 000 manifestants, ce qui est plus du double que le nombre annoncé hier, et que le 9 janvier elle annonçait 56 000 manifestants.
On se demande également comment à Marseille la CGT peut avoir vu 180 000 personnes là où la police n’en annonce que… 8000. Même chose à Toulouse où la CGT voit 95 000 manifestants quand la police n’en voit que 5000. C’est tout simplement ridicule.
C’est la même chose pour les chiffres nationaux, la CGT annonçant 1,3 millions de manifestants, soit presque autant que le 5 décembre (1,5 millions et 800 000 selon le gouvernement), alors que le gouvernement annonce 250 000 manifestants dans tout le pays.
Cela paraît d’autant plus improbable que beaucoup de manifestations en France ont réuni bien moins de personnes qu’en décembre :
à Lyon, 9000 manifestants selon la police et 20 000 selon la CGT,
à Bordeaux,7500 manifestants selon la police,
à Nice, 2900 manifestants selon la police et 10 000 selon la CGT,
à Nantes, 5500 manifestants selon la police et 10 000 selon la CGT,
à Rennes, 4000 personnes selon la presse,
au Havre, 6000 manifestants selon la police,
ou encore à Boulogne-sur-mer, 500 manifestants selon la police et 1000 selon la CGT.
La CGT prétend s’en sortir avec l’idée, qu’elle avait annoncée avant la journée d’hier, qu’il y aurait en fait eu beaucoup plus de rassemblements.
On notera pourtant que même avec ses chiffres invraisemblables, la CGT n’est pas cohérente quand elle prétend qu’il n’y a pas d’essoufflement : 1,3 millions, c’est moins que le pic d’1,8 millions du 17 décembre (615 000 selon le gouvernement) et les 1,7 millions d’après les fêtes le 9 janvier (452 000 selon le gouvernement).
Mais peu importe, car ce qui compte ici n’est pas la cohérence, mais la surenchère. C’est du même ordre que les opérations coup de poing isolées menées contre la CFDT ou les coupures d’électricité : il s’agit de bomber le torse, avec l’espoir que cela suffise. C’est une terrible erreur, et c’est d’autant plus terrible qu’il y a beaucoup de personnes qui y croient, ou qui choisissent d’y croire si l’on veut.
La déception va être d’autant plus terrible, générant surtout de la rancune, et pas de la volonté de changer le monde. Marine Le Pen, qui depuis le début a pris soin de ne pas critiquer le mouvement, tout en critiquant la CGT, se tient évidemment prête pour récupérer toute cette amertume…