Voici le moment plein d’évidence, mais toujours surprenant de par son ampleur, celui du retournement de veste. Après avoir littéralement baisé les pieds de la CGT pendant deux mois, l’ultra-gauche se met du jour au lendemain à dénoncer sa démarche, pour tenter de ne pas couler avec elle.
Aucune fierté, de l’opportunisme sur toute la ligne, de la démagogie à en veux-tu, en voilà. Ce que fait l’ultra-gauche est impressionnant de mauvaise foi. Après avoir donc salué la démarche de la CGT depuis le départ, elle l’attaque désormais. Comment faire cependant pour garder la face, pour ne pas que ce soit trop gros ? Comment faire alors que depuis le départ, la réduction syndicaliste de la bataille a été appréciée, saluée, soutenue ?
Eh bien, à son habitude, l’ultra-gauche invente qu’il pourrait se passer bien plus de choses, qu’on est à la veille de la révolution, que tout est possible… Mais que, malheureusement, les directions syndicales trahissent. On serait à la veille de la reprise du mouvement, là où tout serait possible… Seulement voilà, tout serait un problème de direction. Cela avait bien commencé, mais les choses s’arrêteraient en route… Si l’ultra-gauche avait été à la tête du mouvement… Alors, là cela aurait fonctionné ! Si les gens avaient compris… etc.
En voici quelques exemples, peu importe leur source puisque c’est partout le même refrain.
« Or, à l’inverse des travailleurs qui reprennent leur souffle pour mieux envisager de repartir, l’intersyndicale semble en passe d’entériner une stratégie totalement minimale de temps « forts », calés sur le calendrier parlementaire et ses différentes échéances. »
« Le sort du mouvement n’est pas scellé, loin de là. Plus de cinquante jours après son démarrage, on en ignore encore l’issue. Mais force est de constater qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’isolement du gouvernement, le rejet majoritaire de la réforme et la mobilisation des centaines de milliers de salariéEs n’a pas encore crée le rapport de force suffisant pour faire céder Macron (…).
Alors que jusqu’à présent, l’intersyndicale interprofessionnelle avait plus ou moins bien joué son rôle moteur (sauf pendant les congés de Noël) de la mobilisation avec des appels à la grève, aux actions et aux manifestations, le dernier appel au mercredi 29 janvier est loin très loin d’être à la hauteur. En effet, choisir un mercredi, c’est pour le coup mettre en dehors de la grève un des secteurs les plus dynamiques de ces derniers jours : l’Éducation nationale. De plus, ne pas manifester et être en grève le jour de la conférence de financement de la CFDT, participer à cette conférence, c’est laisser penser que cette commission est d’importance alors que nous savons qu’elle ne pourra que remettre en selle « l’âge pivot à 64 ans » forçant à partir en retraite deux ans plus tard, ou allonger le nombre d’années travaillées nécessaire pour partir à la retraite. »
« D’un côté, les syndicats réformistes et opportunistes, révisionnistes, tentent d’encadrer les actions dans le « symbolique » : coupure de courant temporaire de lieu de pouvoir, jet de symboles du métier aux pieds d’un politicien, manifestations avec pour seul but le nombre, etc. Mais la partie la plus prolétarienne du mouvement elle se bat avec ses moyens : coupures d’électricité de zones industrielles entières, paralysie des transports, affrontements violents (comme les pompiers), envahissements et occupation, piquets de grève tenus par la force… »
Tout cela ne tient pas debout, mais cela maintient de manière littéraire la fiction comme quoi tout aurait été possible. L’ultra-gauche en a besoin. Car elle a paré le mouvement de la CGT de merveilleux, afin de se faire une place. Elle l’a accompagné. Jamais elle n’a critiqué la CGT, dont on sait pourtant le degré de corruption à la direction. Jamais elle n’a critiqué le manque de dimension politique, le refus de dimension politique même.
Elle est donc responsable autant que la CGT de la défaite en cours. Ses retournements de veste n’y feront rien : les paroles s’envolent, les écrits restent. L’ultra-gauche n’échappera pas à la critique de la Gauche historique.