La France est divisée en deux : il y a ceux qui consomment stupidement et ceux qui tentent de se forger une identité fictive, forcément romantique et agressive. L’affaire Mila est exemplaire de la bulle identitaire côtoyant la banalité d’un quotidien capitaliste où il ne se passe strictement rien.
Les gens sérieux regardent l’affaire Mila de haut, avec dédain, même. Interrogée à la télévision dimanche, Ségolène Royal a ainsi eu des propos très sensés :
« Critiquer une religion, ça n’empêche pas d’avoir du respect, ça n’empêche pas d’avoir de l’éducation, de la connaissance, d’être intelligent par rapport à ce qu’on dit. Une adolescente, qui est peut-être encore en crise d’adolescence, si elle avait dit la même chose sur son enseignant, sur ses parents, sur sa voisine, sur sa copine, qu’est-ce qu’on aurait dit ? On aurait dit simplement : « un peu de respect » ».
Ségolène Royal a évidemment une approche dédaigneuse, mais le fond est vrai : tout est une question de niveau culturel, de niveau de conscience. Qui veut une société réellement démocratique, avec le peuple assumant la politique, toute la politique, sait quel est le titanesque travail de conscientisation à mener…
Inversement, l’affaire Mila est passionnante pour les donneurs de leçons d’ultra-gauche (qui sont souvent des profs), pour les identitaires anti-musulmans et les identitaires musulmans. Tous ces gens cultivent leurs aigreurs et, il faut bien le dire, leur marginalité. La société n’en a effectivement rien à faire de leurs élucubrations.
Rappelons les propos de Mila, prononcés dans une « story » Instagram (soit une vidéo éphémère mais publique) :
« Je déteste la religion. Le Coran est une religion de haine, l’islam c’est de la merde, je dis ce que je pense ! Je ne suis pas raciste. On ne peut pas être raciste envers une religion. J’ai dit ce que j’en pensais, vous n’allez pas me le faire regretter. Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir. »
Voici une capture vidéo de ce message éphémère :
Je pense qu’elle se rend pas compte de ce qu’elle dit et de l’ampleur que ça peut prendre pic.twitter.com/K5kruoi7FQ
— مالاك🇲🇦 (@malak_288_) January 18, 2020
C’est brutal, mais bon il faut ne pas avoir été en couple pour ne pas savoir ce qu’on est capable de se jeter à la tête. Surtout en France, pays du psychodrame où on considère que mener sa petite dramaturgie est un signe de bonne santé.
La différence, c’est bien sûr la portée identitaire de la question. Mila est lesbienne, elle a tenu ses propos en réponse à la critique selon laquelle elle serait raciste pour avoir rejeté quelqu’un la draguant lourdement (et avoir précisé un peu avant que le style « reubeu » ce n’était pas son genre), en réponse les identitaires musulmans la menacent de manière ultra-violente, elle ne peut plus aller à l’école en conséquence, etc.
C’est donc une passion et à ce titre passionnant. Mais cela n’est rien du tout en réalité et c’est simplement un fait-divers typique de gens idiots s’attardant sur des choses idiotes, par profond goût pour l’idiotie.
Bien sûr, pour les gens ayant à l’esprit la fantasmagorie selon laquelle les musulmans sont traqués, pourchassés en France, c’est un signe. Pour les autres ayant à l’esprit la fantasmagorie selon laquelle l’islam est conquérant, c’est un signe. Pour les gens ayant à l’esprit la fantasmagorie selon laquelle les LGBT seraient rejetés ou haïs en France, c’est un signe.
Mais ce n’est un signe de rien du tout à part pour ceux ayant basculé dans le romantisme identitaire pour se distinguer de l’anonymat universel de la consommation capitaliste. Cela n’empêche pas que madame X fasse ses courses à Louis Vuitton, que monsieur Z achète des actions, que madame Y aille à l’usine et que monsieur V se demande comment il va faire pour acheter la prochaine Playstation vu son prix.
Non, parce qu’on ne va tout de même pas s’imaginer que c’est un épisode de la lutte des classes, et puis quoi encore ! C’est simplement une expression de la décadence du capitalisme et des gens qui l’acceptent. Il y a ceux qui l’acceptent passivement, qui vaquent à leurs occupations, et ceux qui l’acceptent activement en s’imaginant rebelles et qui pratiquent des orgies de vulgarité pour satisfaire leur quête réactionnaire d’identité.
L’effondrement de la culture, voilà ce que représente l’affaire Mila. C’est exemplaire du triomphe de la futilité, de l’agressivité identitaire, du fanatisme identitaire contre telle chose, pour telle chose, et jamais, jamais de réflexion, d’effort intellectuel prolongé, et toujours sa petite personne mise en avant, toujours…
La société capitaliste est un échec complet, toujours plus !