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La liste «Pour Demain, Tours 2020», laboratoire de la Gauche?

La liste «Pour Demain, Tours 2020» s’appuie sur un très large rassemblement de la Gauche. Cela attire une grande attention, car cela peut éventuellement servir de modèle au niveau national. Le souci, c’est que sur le plan du contenu, il n’y a rien à part la soumission à EELV. Cela n’annonce rien de bon pour la Gauche, qui s’efface par pragmatisme.

La ville de Tours, qui a un peu plus de 130 000 habitants, a comme maire un radical, mais la Gauche est pratiquement entièrement unie pour les prochaines municipales. Elle joue même la course en tête dans les sondages et si le candidat LREM se maintient, il y a une chance de l’emporter.

La liste unifie le PS, le PCF, La France insoumise, Ensemble !, Génération-s, Génération écologie, Nouvelle donne, Place publique, ainsi qu’EELV, dont est issu le candidat au poste de maire, Emmanuel Denis. Il y a toutefois un problème de fond qui saute aux yeux à quiconque connaît la situation un tant soit peu, et même deux problèmes en fait.

Le premier, c’est que la composante de la liste est d’une nature guère populaire. Le site 37° (consacré à la Touraine) résume cela de manière fort judicieuse.

Sortir de l’image de candidat utopiste écolo-bobo de centre-ville. Une faiblesse qu’il faudra gommer.

Car à regarder de près la liste des 57 candidats présentés (55 titulaires et 2 suppléants, une nouveauté de cette élection), certains secteurs de la ville peuvent se sentir oubliés.

Quand on pointe ainsi l’absence de représentant sur le quartier du Sanitas, les réponses sont un peu gênées, et on rétorque une erreur dans le fichier qui va être réparée.

Reste l’impression que la liste est un classique de la gauche. Si quelques salariés et cadres du privé sont bien présents (Emmanuel Denis en tête), on note en effet une forte représentation de membres issus de l’Education Nationale, de la Fonction Publique, du monde associatif ou encore de la culture.

Le second souci, c’est que pour une liste de grande union de la Gauche, il n’y a pas grand chose de gauche qui en ressort. Le paradoxe a ici une grande importance. Il faut savoir en effet que ce qui se passe à Tours est grandement observé à Gauche. Le 11 février, il y avait un meeting à Tours, avec 300 personnes, dans le cadre de la campagne de la liste. Étaient présents le secrétaire général d’EELV, Julien Bayou, ainsi que le premier secrétaire du PS, Olivier Faure.

Il y avait également la députée du groupe la France Insoumise Clémentine Autain et Sophie Taillé-Polian, qui est sénatrice de Génération-s. C’est dire si la situation à Tours est pratiquement vue comme une sorte de petit laboratoire. Pourtant, quand on regarde le programme, on a une démarche apolitique, ne se revendiquant nullement de la Gauche, avec un discours social et écologiste le plus neutre possible.

Les points du programme sont ainsi intitulés Une ville économe, Une ville qui répare, produit et innove, Une ville qui émancipe, Une ville solidaire et accueillante, Une ville sûre pour tous ses habitants. Ce n’est nullement engageant, c’est typique du populisme neutraliste municipal.

Le paradoxe c’est que le candidat au poste de maire s’imagine inversement que le positionnement est très combatif. Libération mentionne les mesures annoncées en premier et comment Emmanuel Denis les évalue. Cela donne la chose suivante:

Les différents partis se retrouvent autour de trois axes forts du programme : l’écologie, la participation des citoyens aux prises de décision, et les solidarités.

Parmi les premières mesures dévoilées, Emmanuel Denis cite la création de cinq voies cyclables protégées, 5 % du budget d’investissement (1 million d’euros) pour la réalisation de projets d’aménagement initiés et concrétisés par les habitants, une attention portée à l’égalité femmes-hommes dans l’octroi de subventions aux associations, la tarification progressive pour l’eau ou encore la gratuité de l’aide aux devoirs.

«Nous voulons mettre en œuvre une politique sociale forte. Pour nous, fin du mois, fin du monde, c’est le même combat», lâche le candidat, qui place les électeurs de gauche et les abstentionnistes au centre de son attention.

Si c’est là une politique sociale forte, alors le programme commun de 1981 est le summum du bolchevisme. Il faut être sérieux, de telles mesures ne sont même pas de Gauche, ce sont des mesures sociales que n’importe quel parti radical de gauche pourrait prendre. Mais justement, ce sont des mesures que prend n’importe quel parti radical de gauche, et pas n’importe lequel en fait : EELV.

La liste «Pour Demain, Tours 2020» n’est pas un laboratoire de la Gauche. C’est le laboratoire de la soumission à EELV. Ce qu’on peut craindre, c’est une soumission générale de la Gauche à EELV, sur un mode : EELV permet de gagner les présidentielles, puis après les élections parlementaires il y a un gouvernement avec largement la Gauche aux commandes.

EELV jouerait ainsi la fonction qu’a eu François Hollande, celle de fer de lance de centre-gauche pour réussir à gager aux élections. Il y a ici un opportunisme complet qui se profile, comme répétition de la logique pragmatique, électoraliste, aux dépens des idées, des valeurs, des principes de la Gauche historique.