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Décès de Patrick Devedjian, figure de la Droite libérale française

Patrick Devedjian est mort à 75 ans ce week-end, après avoir contracté le Covid-19. Il était une figure de la Droite française, profondément libéral et totalement opposé au Socialisme.

Patrick Devedjian est l’exemple même d’une intégration ratée, ou réussie, selon comment on voit les choses. D’origine arménienne, il a assumé un esprit démocratique en étant au début des années 1980 l’avocat de membres de l’ASALA. Cette organisation arménienne clandestine avait mené des actions armées contre des intérêts turcs et il a été très lyrique en leur défense, alors que la veuve de Missak Manouchian était elle-même venue les soutenir au procès.

Mais Patrick Devedjian avait d’autres préoccupations que les causes démocratiques et le romantisme politique, fut-il parfaitement juste. Comme nombre d’immigrés, il préféré être un Rastignac. Avoir comme clients l’ASALA, cela ne vaut pas d’avoir pour ceux-ci Jacques Chirac et Charles Pasqua.

Pour arriver à cela, Patrick Devedjian commença par vouloir être plus français que les Français, en participant dans les années 1960 au mouvement d’extrême-Droite « Occident ». Puis il fit ses classes dans la Droite, ayant notamment été porte-parole du RPR puis présidant l’UMP (les structures ayant précédé LR). Il incarnait le libéralisme le plus strict sur le plan économique et le conservatisme mou.

Avec succès : au moment de son décès, Patrick Devedjian présidait le département des Hauts-de-Seine, aboutissement d’une carrière où il a été ministre à plusieurs reprises, ainsi que maire et député. Il avait l’impression d’être une sorte de petit monarque, comme on le voit dans l’interview extravagante pour la revue bobo Technikart en novembre 2019, interview d’ailleurs menée par Bertrand Burgalat, figure bobo lui-même une ancienne figure de l’extrême-Droite.

C’est Patrick Devedjian qui a par exemple dirigé la privatisation de France Télécoms ; il fut aussi choisi par François Fillon comme ministre chargé du plan de relance suite à la crise financière de 2008. Dans la même veine libérale, c’est lui qui a piloté les très importantes lois de « l’acte II de la décentralisation », consistant en un affaiblissement de la puissance publique d’État.

Ce libéralisme était profondément incarné par Patrick Devedjian, pour qui Raymond Aron, un intellectuel anticommuniste de renom et incontournable à Droite, était une figure d’importance et pour qui il collabora à la revue libérale Contrepoints. Il expliquait par exemple dans un livre que Raymond Aron a fait de lui « un démocrate jusqu’à la dernière de mes molécules » et qu’il a « transmuté le plomb de l’extrême droite en or de la démocratie ».

Les mots de Nicolas Sarkozy, avec qui il eu pourtant de nombreux conflits et divergences, illustrent très bien en quoi c’était une figure pour la Droite :

«Patrick Devedjian était un homme passionné, entier, sincère, engagé. Il incarnait la politique comme je l’aime, avec des sentiments, des convictions, du panache. Je suis fier de l’avoir eu à mes côtés. Je veux dire à ses proches ma vive émotion et ma tristesse infinie»

C’est-à-dire qu’on avait avec Patrick Devedjian un bourgeois français tout ce qu’il y a de plus caractéristique, avec du « panache » dans les propos, mais finalement toujours beaucoup de mesure dans leur application, reconnaissant la civilisation (il était collectionneur d’art ancien, administrateur du musée du Louvre, etc.), mais assumant en même temps de tout renverser par le libéralisme économique.

On se demandera alors bien pourquoi des gens comme Benoît Hamon ou Ian Brossat, censés être pour leur part des figures de la Gauche, ont pu se dire que c’était une bonne idée de saluer sa mémoire. Quelle drôle de conceptions des convictions politiques, surtout quand il est bien connu que Patrick Devedjian n’hésitait pas devant les coups fourrés, en caricature de l’homme politique de Droite.

 

Un homme sincèrement et authentiquement libéral de Droite comme Patrick Devedjian n’aurait jamais commis une telle faute politique dans le cas inverse, puisque lui assumait de vouloir que la Gauche disparaisse. En ce sens, Patrick Devedjian a été cohérent : en abandonnant la Cause démocratique arménienne, il s’est précipité dans le cynisme de la Droite, dans le carriérisme confortable. Rien de plaisant, donc.