Liliane Marchais, veuve de Georges Marchais, est décédé en raison du covid-19. C’est la fin de toute une époque, celle d’un PCF avec une immense base populaire et une abnégation formidable. Tout cela pour, il faut le dire, strictement rien comparé à ce qui était espéré.
La photographie employée par le PCF à l’occasion du décès de la veuve de Georges Marchais correspond à l’esprit d’une époque. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder l’arrière-plan. On y voit une femme fière, elle sait qu’elle est derrière la dirigeante du PCF. Nous sommes alors en 1982 et le PCF n’était pas passé dans le camp de la postmodernité, comme en témoigne l’homme barbu avec son bob.
La Fête de l’Humanité était alors monumentale et il ne s’agissait pas, comme cette dernières décennie, de voir les copains et de se faire de l’argent pour la section à coups de boissons fortement alcoolisées. Les odeurs de merguez étaient déjà là, mais elles n’étaient qu’un accompagnement à un militantisme franc et rude. Impossible de faire deux mètres, trois mètres, sans être alpagué par un membre du PCF ou de la JC proposant l’adhésion.
C’est que le PCF était, il faut bien le dire, le peuple. Pour le meilleur et le pire, car le PCF ne voulait pas de la révolution, il espérait un changement total, mais faisait confiance au « Parti ». Georges Marchais pouvait annoncer à la télévision l’abandon du principe de la dictature du prolétariat, avant même la tenue du congrès, ce n’était pas grave. La victoire de François Mitterrand avait montré qu’avancer était possible et l’URSS était alors à son apogée militaire, dépassant les États-Unis, disposant d’un prestige douteux, mais réel.
Le PCF avait alors une telle assise de masse que, si une crise comme celle du covid-19 s’était alors produite, il aurait pu pratiquement prendre le pouvoir. Il disposait de tels relais dans les masses, d’un tel engouement populaire, qu’il aurait été capable de souder un mouvement de masse immense et de littéralement briser un État dépassé. Et les armes étaient là, comme les 5000 « trouvées » en 1991 par les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) dans des entrepôts de la banlieue parisienne et qu’il a fallu discrètement refiler au gouvernement d’alors.
Le PCF avait alors le niveau pour gouverner. Il ne l’a plus depuis longtemps, ou bien seulement en force d’appui aux socialistes et aux écologistes d’EELV. C’est d’ailleurs cela qui met en rogne les syndicalistes « durs » de la CGT : le PCF n’est-il pas, en fin de compte, leur bras politique ? N’est-il pas là pour réaliser les plans de la CGT concoctés parallèlement aux patrons, avec la prétention de pouvoir mieux gérer, mieux produire ?
Tout cela est très loin désormais et il y a ici une source d’enseignement. L’idée de « dégager » un gouvernement sans être en mesure de le remplacer est vaine. Et c’est d’autant plus valable si on a des ambitions encore plus grandes et que, par volonté révolutionnaire, on veuille en plus remplacer l’État !
On peut bien entendu jouer aux ultras et dire : le peuple fera tout, tout marchera tout seul et en attendant on peut se contenter de jouer aux révolutionnaires. Mais quel sens cela a-t-il ? Aucun. Et pareillement, pourquoi vouloir construire un parti gouvernemental, si on n’a pas les moyens de faire quoi que cela soit ? François Hollande apparaît ici comme le suprême cynique, celui qui a accepté de gouverner en sachant qu’il ne pouvait rien faire.
Le PCF, c’était quelque chose ! Mais c’est du passé. Et cette chose n’a pas suffi, ou n’a pas voulu. Tout reste à faire.